“Il faut dire aux banques de payer leurs erreurs !”

Dans un entretien exclusif avec Trends-Tendances, Joaquín Almunia, commissaire européen à la Concurrence, évoque ses priorités et les dossiers belges qui s’accumulent sur son bureau. Dexia et KBC, notamment.

Depuis février 2010, Joaquín Almunia est le gardien européen de la concurrence au sein de l’Union européenne. Qu’il s’agisse des accords anticoncurrentiels, du mauvais comportement des sociétés dominantes ou de la distorsion de la concurrence par des subventions illégales, le socialiste espagnol veille. Et son service a fort à faire car, chaque année, ce sont plus de 1.000 nouveaux cas qui doivent être examinés. Parmi ceux-ci se trouvent les dossiers Dexia, KBC, Electrabel et l’aéroport de Charleroi.

Près de 4.500 milliards d’euros ont été octroyés au secteur financier pour l’aider à sortir de la crise. Ces aides européennes ne sont-elles pas des aides d’Etat illégales, ou à tout le moins injustifiées ?

Cette somme a été mise à la disposition des Etats membres pour aider le secteur bancaire à se restructurer. Mais à l’heure actuelle, nous avons octroyé moins que cela. Cela dit, ces aides ont été nécessaires pour pallier le risque systémique des banques européennes. Dans le secteur automobile, si une firme disparaît, les autres concurrents sont contents. Ce n’est pas le cas dans le secteur bancaire, où l’effet de contagion est réel.

Va-t-on fermer le robinet des aides publiques à destination des banques ou se poursuivront-elles en 2012 ?

Depuis l’année dernière, nous avons commencé à réduire les mesures de soutien. En principe, ce régime devait s’achever fin 2010. Mais vu le climat économique, nous avons décidé de prolonger ce programme d’aides exceptionnelles. Nous referons le point après l’été et prendrons une décision fin novembre sur le régime que nous appliquerons à partir du 1er janvier 2012.

Je suis conscient qu’il faut prendre en compte le résultat des stress tests sur les banques européennes et l’évolution de la crise des dettes souveraines mais je suis partisan d’un retour à un régime post-crise en établissant un nouveau cadre sur la base de nos règles “normales” d’aides d’Etat.

Le résultat des stress tests et les dettes souveraines ne vous pousseront-ils pas à reconsidérer les exigences demandées (remboursement, cession,…) au secteur bancaire ?

Il est hors de question d’assouplir une nouvelle fois ces exigences. Leurs obligations ont déjà été allégées dans le cadre du régime exceptionnel. Dès 2012, si nous revenons à un régime normal, notre politique sera à nouveau plus stricte et le niveau d’exigences, relevé.

La récente cession par Dexia de son pôle financial products est-elle de nature à rassurer le commissaire à la Concurrence ou est-ce le modèle même de la banque qui vous inquiète ?

Nous n’avons pas encore reçu l’ensemble des informations sur le nouveau plan de restructuration. Nous étudierons le modèle mis en place par Dexia quand nous aurons une vue complète. Pour l’heure, les discussions se déroulent normalement.

Le récent plan de sortie de crise annoncé par la KBC, comment le jugez-vous ?

Là aussi, nous sommes dans la phase préliminaire. Tout ce que je peux vous dire, c’est que si les mesures prises par la KBC n’affectent pas son business model, si les charges de la restructuration sont correctement réparties et si tout cela n’entraîne aucune distorsion de concurrence, alors nous sommes prêts à en discuter.

Finalement, Dexia et KBC, ce sont des enfants gâtés ou des banques en sursis ?

Ce sont des institutions financières qui, à l’instar d’autres, ont eu besoin d’aides publiques à un moment impliquant de facto une restructuration afin d’éviter que les contribuables ne paient à leur place. Notre travail sur la restructuration des institutions financières se concentre principalement sur quelques pays : la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne et l’Allemagne. Si au final, il n’y a pas d’autre possibilité, la faillite sera nécessaire. Nous devons limiter aussi le risque de l’aléa moral, selon lequel les banques, se sachant protégées, prennent encore davantage de risques. A un moment donné, il faut dire aux banques de payer leurs erreurs. Toutefois, la complexité réside dans le fait que nous devons rester vigilants et stricts sur le risque systémique qu’entraîne la faillite d’une institution financière sur les autres banques. D’où la nécessite d’une meilleure régulation.

Propos recueillis par Valéry Halloy

Lisez la totalité de l’interview de JoaquínAlmunia dans le numéro 25 du magazine Trends-Tendances.

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