HSBC: portrait d’une banque aux multiples scandales

HSBC © Reuters

Affaire Swiss Leaks, cartel du Libor, manipulation du marché des devises, vente de produits toxiques: on ne compte plus les scandales qui éclaboussent la méga-banque britannique.

Les révélations du dossier Swiss Leaks placent une nouvelle fois HSBC au centre d’un scandale financier hors-norme. Cette fois-ci, c’est sa filiale suisse qui est mise en cause (HSBC Privat Bank, à Genève).

Selon l’enquête du réseau international de 140 journalistes ICIJ, qui se base sur les données volées en 2008 par Hervé Falciani, un ex-employé de la banque, HSBC a mis au point au départ de Genève un système d’évasion fiscale d’envergure mondiale. Des dizaines de milliards de dollars appartenant à plus de 100.000 clients ont trouvé refuge sur les comptes de la banque en Suisse. Le montant des avoirs détenus à cette époque par un peu plus de 3.000 clients belges chez HSBC aurait été de six milliards de dollars.

D’étonnants clients

L’affaire est d’autant plus étourdissante qu’elle ne concerne pas uniquement des épargnants ayant éludé l’impôt dû dans leur pays de résidence, voire de riches hommes d’affaires, des stars du showbiz ou des sportifs professionnels ayant tous dissimulé une partie de leur fortune en Suisse. Figurent également parmi les bénéficiaires du système mis en place par HSBC des individus pas très clean… On parle de criminels suspectés d’avoir financé le terrorisme, de narcotrafiquants ou encore de vendeurs d’armes. Et même de Stuart Gulliver, le CEO de HSBC ! Plusieurs enquêtes judiciaires sont ouvertes depuis (Suisse, France et Etats-Unis). La banque est également dans le collimateur des autorités belges. Certains dossiers de contribuables pris la main dans le sac en 2008 ont d’ailleurs déjà été traités, soit par la justice anversoise pour le volet pénal, soit par le fisc pour des cas plus simples. Par ailleurs, le juge d’instruction Michel Claise a inculpé en novembre la banque pour “fraude fiscale grave et blanchiment”, la soupçonnant d’avoir sciemment aidé des centaines de Belges, dont nombre de diamantaires anversois, à frauder le fisc.

Malversations en série

Les milliards noirs du Swiss Leaks ne sont pas le premier “manquement” du géant bancaire britannique. Avant cela, en 2012, le Sénat et la justice américaine avaient déjà fait trembler HSBC, l’accusant d’être le banquier des cartels mexicains de la drogue. Valises de billets, argent sale : le trafic a duré sept ans, de 2003 à 2010. De grosses failles dans les procédures de contrôles anti-blanchiment du groupe avaient alors été mises au jour, avant une suspension des poursuites en échange d’une amende de deux milliards de dollars.

Dans un autre registre, HSBC fait partie des banques accusées d’avoir, pendant des années, manipulé à leur profit le Libor (le taux interbancaire de Londres) qui sert de référence pour des milliards de dollars de produits financiers dans le monde. Outre son implication dans la crise des subprimes, le groupe est également pointé du doigt dans le scandale du Forex (manipulation du marché des devises). Enfin, l’enseigne au logo géométrique rouge et blanc a été épinglée l’an dernier au Royaume-Uni dans une vaste affaire de vente de produits d’assurance destinés aux PME.

Supermarché financier

Comment l’un des plus gros conglomérats financiers au monde en est-il arrivé là ? Un premier élément de réponse est à trouver dans l’histoire singulière de cette institution née en Asie en 1865. Le banquier écossais Thomas Sutherland fonde alors la Hong Kong and Shanghai Corporation à Hong Kong pour financer le commerce de l’opium en Extrême-Orient. Dès ses débuts, la banque prospère grâce à ce commerce d’opium imposé aux ports chinois et à l’argent des jeux de la toute proche Macao.

C’est au départ de cette implantation asiatique de premier ordre, dont il s’émancipera dans le courant des années 1970, que HSBC va grandir pour devenir un véritable supermarché financier planétaire. Comme le rappelle Marc Roche, ancien correspondant du Monde à Londres, fin connaisseur de la City et auteur de plusieurs ouvrages sur le monde de la finance (dont le dernier Les bankstsers : voyage chez mes amis capitalistes), “la banque s’est engagée dans une série d’acquisitions en prévision de la rétrocession de Hong Kong à la Chine”. C’est ainsi qu’elle va s’emparer de nombreux concurrents : la Republic National Bank aux Etats-Unis, le Crédit commercial de France, la Midland Bank en Grande-Bretagne, etc. En 1993, le groupe transfère son siège à Londres, en plein coeur de la City. Avec près de 300.000 employés, plus de 50 millions de clients et des opérations aux quatre coins du monde, HSBC est alors devenue une puissance financière de premier plan dont la devise est “une banque locale dans le monde entier” : un mastodonte de l’ère globalisée qui fut chez nous un temps propriétaire de la banque Dewaay avant de revendre cette dernière à Puilaetco en 2005.

L’héritage d’Edmond Safra

Ce gigantisme a-t-il nui aux contrôles, voire favorisé les excès ? Comme s’il y avait plus de chances de se faire prendre les doigts dans le pot de confiture quand on pratique tous les métiers bancaires. Pour Marc Roche, cela ne fait aucun doute. “A Londres, l’affaire ne surprend absolument personne. Tout le monde était au courant de ce qui se passait chez HSBC à Genève. Dans l’énorme structure qu’est devenu le groupe HSBC au fil des années, s’est développé une entité autonome qui rapportait beaucoup d’argent et qui a été mal contrôlée par sa maison mère. C’est la même chose que dans l’affaire BNP Paribas dont la filiale suisse s’est rendue coupable d’avoir effectué des transactions avec des pays placés sous embargo américain. Le schéma est pour ainsi dire classique.”

Ancien haut dirigeant de la Bourse de New York et directeur aujourd’hui de Galileo Global Advisors, Georges Ugeux va encore plus loin. Pour lui, HSBC a carrément fait l’erreur de racheter la banque Safra, petite banque d’affaires fondée par feu Edmond Safra, un financier brésilien d’origine libanaise, assassiné en 1999 par l’un de ses infirmiers à Monaco. “Avec la banque Safra, pilier de la banque privée juive, on est dans un monde de la finance genevoise dont la qualité première n’est pas l’éthique, affirme sans ambages Georges Ugeux. Ses clients et leurs opérations ont toujours eu la réputation d’être à la limite de la régularité. Le problème, c’est que la culture agressive de la banque Safra est devenue prédominante chez HSBC à Genève.”

Une culture très différente

De fait, en réponse aux révélations du Swiss Leaks, HSBC ouvre son parapluie et rejette publiquement ses fautes sur la banque d’Edmond Safra, qu’il a rachetée en 1999. Dans un document officiel adressé aux médias participant à l’opération Swiss Leaks, le groupe ne manque pas de mettre en cause la “culture très différente” de Safra qui aurait persisté jusqu’à une période récente. “Son business se focalisait sur une clientèle très différente et avait une culture passablement différente de celle de HSBC, écrit la banque. L’activité rachetée n’a pas été totalement intégrée au sein de HSBC, ce qui a permis à différentes cultures et standards de persister. (…) Nous reconnaissons que la culture de conformité légale et les standards de contrôle chez HSBC Suisse, de même que dans l’industrie bancaire en général, étaient nettement plus bas qu’aujourd’hui.” Bref, le mea culpa est facile. Peut-il expliquer que 3.000 contribuables belges (dont beaucoup de diamantaires anversois, au business un peu offshore) aient été détenteurs de comptes auprès d’une même banque basée à Londres (capitale mondiale du commerce de diamant) ? Certes, HSBC est un groupe financier aussi international que solide. Mais hormis une petite succursale située boulevard du Souverain, à Bruxelles, il est très peu présent en Belgique…

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