Goldman Sachs, le filou, le bouc et les pigeons

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La prestigieuse banque est traînée en justice par la SEC qui l’accuse d’avoir trompé ses propres clients. De John Paulson à Fabrice Tourre, un jeune trader français au coeur de l’enquête, découvrez les protagonistes du nouveau scandale qui touche la mal-aimée de Wall Street.

La prestigieuse banque est traînée en justice par la SEC qui l’accuse d’avoir trompé ses propres clients. De John Paulson à Fabrice Tourre, un jeune trader français au coeur de l’enquête, découvrez les protagonistes du nouveau scandale qui touche la mal-aimée de Wall Street.

John Paulson, le filou. Il a tiré un milliard de dollars de cette affaire et il n’est pas inquiété par la justice. Retour en arrière. En janvier 2007, le célèbre manager de hedge fund sent que le marché immobilier va s’effondrer et veut miser sur cette chute. En tant que client de Goldman Sachs, il demande à la banque d’affaires de lui confectionner un Collateralized Debt Obligation (CDO). Ce véhicule d’investissement doit contenir les titres adossés aux subprimes qu’il va vendre à découvert. (Ce mécanisme permet de vendre un titre que l’on ne possède pas encore, pour l’acheter plus tard, en espérant que sa valeur aura chuté). Goldman se charge de trouver des investisseurs prêts à acheter ces produits. Opération réussie : la bulle immobilière éclate, le CDO chute, et Paulson empoche un milliard de dollars. La pratique peut paraître à certains un tantinet malhonnête, certes, mais elle n’est pas illégale.

Fabrice Tourre,le bouc émissaire. L’accusé est un Français ! Il est le seul à être nommément cité dans la plainte de la SEC, l’autorité boursière américaine. Centralien diplômé de Stanford, ce brillant matheux entre chez Goldman Sachs en 2001 où il devient spécialiste des produits dérivés. C’est lui qui, en 2007, aurait trouvé les investisseurs pour le CDO. La tâche n’est pas facile car qui voudrait d’un CDO que John Paulson s’apprête à shorter? Fabrice Tourre trouve donc un stratagème. Il fait venir ACA. Ce cabinet spécialisé est présenté comme le concepteur officiel du CDO. “On pourra se servir de la marque d’ACA pour distribuer ces titres”, écrit-il dans un mail… Selon la plainte de la SEC, il aurait même menti à ACA et in fine aux investisseurs en affirmant que Paulson pariait lui aussi à la hausse sur ces titres. Apparemment, le jeune trader ne connaissant pas une des règles d’or de la finance : ne jamais rien noter de compromettant dans ses mails. Car en février 2007, il écrit à un ami : “L’édifice tout entier est sur le point de s’effondrer à n’importe quel moment maintenant. Seul survivant potentiel, le fabuleux Fab, debout au milieu de toutes ces transactions complexes, à fort effet de levier, exotiques, qu’il a créées sans forcément comprendre toutes les implications de ces monstruosités!!!”. Que risque Fabuleux Fab ? Pas grand chose. La SEC ne porte pas l’affaire au pénal mais au civil. Fabrice Tourre paiera peut être une amende, ou sera interdit de finance, mais il n’ira pas en prison. Certains observateurs estiment que le Français est avant tout un bouc émissaire. Après tout, sa position dans la banque était relativement subalterne et la transaction a été validée par le comité des investissements immobiliers de Goldman Sachs. Comme l’explique un ancien de la banque dans les Echos, “il est impossible que, vu son âge, vingt-sept ans à l’époque, il ait été seul en charge”.

Jonathan Egol, le discret. Plus que Fabrice Tourre, c’est ce trader américain qui serait le principal auteur des CDOs, selon un article du New York Times de décembre dernier qui révélait l’affaire. Simplement, le supérieur de Fabrice Tourre aura été moins bavard dans sa correspondance. La discrétion, ça paye. Depuis, il a été promu au titre de “managing director”.

IKB et ABN Amro, les pigeons. Ces investisseurs croyaientqu’ils achetaient des CDOs vendus par ACA, alors qu’ils étaient conçus par Paulson qui misait sur leur chute. Résultat des courses : l’allemand IKB a perdu 150 millions de dollars et ABN Amro, 841 millions. Mais Goldman Sachs refuse de s’apitoyer sur leur sort : “les risques associés à ces titres étaient connus de ces investisseurs, qui étaient parmi les plus sophistiqués au monde en matière de prêts hypothécaires”. Pour la banque, les investisseurs n’avaient qu’à mieux couvrir leurs positions risquées.

Robert Khuzami, le justicier. C’est lui qui s’en est pris à Goldman Sachs. Et ce responsable de la SEC a laissé entendre que d’autres banques pourraient être la cible d’accusations similaires. Robert Khuzami, autrefois procureur à New York, a pris ses fonctions l’an dernier après l’arrivée à la présidence de la SEC de Mary Shapiro, nommée par le président Barack Obama pour succéder à l’ancien président Chris Cox, jugé excessivement proche des milieux financiers. Il est crédité d’avoir renforcé les effectifs des équipes d’enquête.

Laura Raim

Trends.be, L’Expansion.com

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