Fortis (épisode 4) : un rachat “trop beau pour être vrai”

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Maurice Lippens, informé du rachat d’ABN Amro, a, sur un ton qui semblait trahir autant l’euphorie que l’incrédulité, a qualifié l’idée de “trop belle pour être vraie”. La suite des événements lui a, d’une certaine façon, donné raison.

L’OPA lancée par Fortis sur ABN Amro, en association avec Royal Bank of Scotland et Banco Santander, plongeait ses racines dans le passé. Il ne s’agissait toutefois pas de “revanchisme” pour la contre-offre qu’ABN Amro avait faite autrefois sur la Générale de Banque. C’eût été faire preuve d’étroitesse d’esprit et Maurice Lippens réfléchit trop en termes de stratégie pour se laisser aller à cela.

L’homme a réalisé que des décisions néerlandaises pouvaient nuire à ses intérêts. Il a toujours tenu ABN Amro à l’oeil et cela a joué un grand rôle lorsqu’il s’est vu offrir l’occasion de rendre cette banque inoffensive. De plus, Fortis pouvait ainsi enfin lutter à armes égales avec ING et Rabobank sur le marché néerlandais.

La logique de Maurice Lippens, considérant que Fortis devait poursuivre sa propre croissance pour ne pas devenir la proie d’une OPA, tenait la route. Fortis était prisonnier d’un marché domestique restreint et devait donc partir à la recherche de partenaires internationaux. AG et AMEV avaient déjà connu ce problème et avaient conclu un mariage de raison. Anton Van Rossum a cependant raté l’accord avec l’assureur néerlandais Aegon, puis avec BNP Paribas en 2000, tandis que Jean-Paul Votron, CEO de Fortis, a gâché la reprise de Dexia en 2005 et s’est opposé à une fusion avec la banque britannique Lloyds TSB en 2006. Bref, le grand deal nécessaire pour figurer parmi les grands du secteur n’a jamais abouti. Jusqu’à ce que se présente l’occasion de reprendre ABN Amro sur le marché domestique.

En partie sous l’influence de Gilbert Mittler, son CFO, Maurice Lippens estimait que Fortis était capable d’absorber cette acquisition. Soumettez un plan à Mittler et il fera tout pour rendre le plan réalisable ! Dans son plan, cependant, Mittler avait très clairement indiqué qu’il fallait supprimer le dividende en 2007 pour pouvoir acquérir ABN Amro. Le conseil d’administration n’a pas accédé à cette exigence et la suppression du dividende a également disparu du projet.

En août 2007, on a effectué une opération d’urgence à l’occasion de laquelle on a puisé dans les réserves techniques de la branche assurances pour payer le dividende. Du jamais vu. Ce fait a été soigneusement dissimulé au monde extérieur à la veille de la gigantesque opération d’augmentation de capital – Fortis a levé 15 milliards d’euros pour financer l’acquisition d’ABN Amro. Si cette information avait filtré à l’époque, bon nombre d’actionnaires n’auraient pas souscrit à cette émission.

On peut même se demander comment l’organe de contrôle a traité cette information car Fortis signalait ainsi que le capital de la branche bancaire était insuffisant pour acquérir ABN Amro. L’organe de contrôle aurait pu suggérer à Fortis de renforcer le capital en vendant plus rapidement des activités, par exemple.

En novembre 2007, la direction de Fortis a encore constaté qu’il fallait 4 milliards d’euros de plus pour renforcer le noyau dur du capital – le Tier 1 – du groupe, du moins s’il voulait placer les activités d’ABN Amro sur son propre bilan à la fin de 2009…

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