Et si la zone euro éclatait…

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Récession généralisée, chocs inflationniste et déflationniste, lourdes pertes pour les banques, faillite de certains pays : l’implosion de l’eurozone aurait des conséquences dramatiques pour ses membres, selon les calculs de la banque ING.

S’il n’y avait qu’un événement à retenir du premier semestre de l’année 2010, c’est que la crise de la dette publique grecque a bien failli faire chavirer le navire européen. Beaucoup de voix se sont élevées pour dénoncer, à juste titre, les failles de la zone monétaire européenne – l’absence de coordination des politiques budgétaires, l’obsolescence des critères du Pacte de stabilité, l’inefficacité des sanctions, l’absence de mécanisme de prêt, etc. D’autres voix, plus rares – l’Allemagne, des analystes anglo-saxons, ont prédit ou n’ont pas exclu la sortie de la Grèce de l’eurozone. En moins de six mois, l’impensable est devenu envisageable : l’éclatement de la zone euro.

Aujourd’hui, cette éventualité n’est plus évoquée, grâce à la volonté politique des Etats européens de sauver la monnaie unique (prêts à la Grèce, création d’un fonds de stabilisation de la zone euro, mise en place de plans de rigueur, etc.). Il est toutefois bon de rappeler qu’un éclatement de la zone euro aurait des conséquences dévastatrices, comme le démontre une étude du service économique de la banque ING, publiée le 7 juillet et révélée par Lepoint.fr et le blog Les coulisses de Bruxelles. L’étude “Quantifier l’impensable” mesure l’impact économique, financier et monétaire de deux scénarii évoqués au plus fort de la crise grecque : la sortie de la Grèce de la zone euro et l’éclatement pur et simple de la zone euro.

Plongeon en récession Quel que soit le scénario retenu, la croissance européenne serait plombée. Dans le cas d’une sortie de la Grèce uniquement, c’est bien sûr la péninsule hellénique qui subirait les plus gros dommages : son PIB reculerait dans la première année de 7,5%. L’impact sur les autres pays serait plus limité, vu le faible poids économique de la Grèce dans les échanges intracommunautaires : la France et l’Allemagne ne souffriraient ainsi que d’une baisse de 1% de leur PIB. L’implosion de la zone euro, en revanche, aurait un impact beaucoup plus large : le PIB de la Grèce reculerait de 9%, celui de la France de 5% et celui de l’Allemagne de 4%. Rappelons qu’au plus fort de la crise économique mondiale, en 2009, le PIB français n’a reculé “que” de 2,6%.

Les effets sur les monnaies et l’inflation seraient plus variés. Si la Grèce abandonne seule l’euro, la drachme serait dévaluée de 80% par rapport à la monnaie européenne, ce qui créerait une inflation à deux chiffres dans le pays. A l’inverse, dans les autres pays membres de la zone euro, la récession créerait un choc déflationniste. En cas d’implosion de la zone euro dans son ensemble, la monnaie grecque serait dévaluée de 50% par rapport au nouveau deutsche mark, de même que la peseta espagnole et l’escudo portugais. Dans ces pays, l’inflation serait galopante. Le franc serait quant à lui dévalué de 11% par rapport à la monnaie allemande et la lire italienne de 22%. Quant à l’euro, il passerait sous la barre du dollar. Le choc déflationniste qui toucherait la France et l’Allemagne toucherait alors aussi l’économie américaine.

Des pays poussés à la faillite

Autres conséquences : la baisse des cours de Bourse, des prix de l’immobilier, et surtout un séisme pour le secteur financier. En effet, la plupart des obligations de l’Etat grec étant possédées par des banques européennes, la sortie de la Grèce de la zone euro entraînerait de lourdes pertes pour ces établissements. Ce serait encore pire en cas d’éclatement de la zone euro, le coeur de la zone euro (France, Allemagne, Autriche, Italie, etc.) étant généralement créditeur des pays périphériques.

Le scénario d’un éclatement de la zone euro créerait d’ailleurs de fortes tensions sur taux des obligations d’Etat : les capitaux se réfugiant vers les dettes jugées solvables, les taux d’intérêt à long terme des obligations allemandes et néerlandaises chuteraient sous les 1%, tandis ceux des pays périphériques flamberaient à plus de 10%. Ce qui renchérirait le coût de la dette de ces pays et rendrait possible leur faillite.

“L’impact immédiat d’un éclatement de la zone euro serait très douloureux, conclut l’étude d’ING. Les dommages économiques provoqués dans les deux ans pèseraient lourdement face aux bénéfices de long terme supposés. Ceux qui évoquent la fin de l’union monétaire européenne devraient y réfléchir.” Ils devraient surtout chiffrer ces supposés bénéfices. Afin que le débat puisse avoir lieu.

Emilie Lévêque

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