“En 2018, Belfius Insurance part à l’attaque”

© Karel Duerinckx

Belfius nourrit de grandes ambitions pour ses activités d’assurance. “Les nouvelles applications mobiles que nous lancerons dans le courant de l’année prochaine seront disruptives pour le marché”, lance Dirk Vanderschrick, CEO de Belfius Insurance, la filiale d’assurance du groupe Belfius.

En charge de la division retail de la banque, Dirk Vanderschrick (52 ans) est également depuis quelques mois CEO de la filiale d’assurance du groupe Belfius. Une double casquette qui a pour objectif de doper la vente de produits d’assurance aux clients de la banque. Alors que le groupe revendique une part de marché de l’ordre de 15 % dans les produits bancaires, il ne détient en effet que 6 % du gâteau sur le terrain de l’assurance. D’où l’objectif d’amener la part de marché de Belfius Insurance au même niveau que celui de la banque, et cela via une forte croissance dans le segment de l’assurance dommage (auto, habitation, etc.). Un créneau sur lequel Belfius vise 10 % de croissance par an alors que le marché progresse à peine de 1 à 2 % en rythme annuel. Mais ” seulement 3 % des clients de Belfius ont une assurance auto et 10 % une assurance incendie : le potentiel est là “, assure Dirk Vanderschrick, qui fait le point sur cette plus grande intégration entre la banque et l’assurance, baptisée en interne Belfius Together.

TRENDS-TENDANCES. Le rapprochement entre les activités de banque et d’assurance porte-t-il déjà ses fruits ?

DIRK VANDERSCHRICK. 2017 a été une année exceptionnelle pour Belfius Insurance. Dans l’assurance-dommage (non-vie), nous avons enregistré une croissance d’environ 6 %, soit une croissance trois fois plus rapide que celle du marché. En outre, cette croissance se marque dans nos trois canaux de vente : les agences bancaires Belfius, nos agents DVV-LAP et notre assureur direct Corona Direct. Nous travaillons suivant cette philosophie Belfius Together, qui vise à éviter les conflits entre nos différents canaux de distribution. Si nous gagnons des parts de marché, cela doit être auprès de la concurrence.

Profil

Né en 1965, à Bruxelles. Marié, trois enfants.

Sciences commerciales et financières (Vlekho) et MBA à la Vlerick Business School. Commence sa carrière chez Arthur Andersen et à la Chase Manhattan Bank.

1988 : rejoint l’ancienne Bacob comme trésorier avant de devenir ensuite responsable des marchés financiers.

2001 – 2008 : membre du comité de direction et COO de Dexia Banque (aujourd’hui Belfius Banque).

2009 – 2012 : vice-CEO et CFO de Dexia Insurance Belgium (l’actuel Belfius Insurance).

2012 – 2017 : membre du comité de direction de Belfius Banque en charge du retail & commercial banking.

Depuis le 1er avril 2017 : CEO et président du comité de direction de Belfius Insurance, tout en étant également membre du comité de direction de Belfius Banque

en charge des activités de banque de détail.

D’accord, mais 6 %, c’est inférieur aux 10 % de croissance annuelle que vous vous êtes fixés ?

Oui, mais 2017 est une année de transition. L’année prochaine, nous partons à l’attaque. Nous travaillons pour le moment sur une adaptation complète de nos systèmes informatiques. Cette modernisation devrait aboutir au lancement, mi-2018, de nouvelles applications d’assurance digitale, qui seront intégrées dans notre application bancaire (Belfius Direct Mobile). Nous attendons beaucoup de cette nouveauté. J’ose dire que notre offre sera disruptive. L’idée est qu’après avoir répondu à un nombre très limité de questions, les clients reçoivent immédiatement une offre d’assurance auto via leur mobile (smartphone et tablette).

Ceci dit, KBC offre déjà la possibilité à ses clients de pouvoir souscrire une assurance habitation en trois clics. Comment Belfius compte-il se démarquer ?

Le prix sera bien sûr un élément commercial important pour convaincre le consommateur. En automatisant un certain nombre de processus, nous pouvons servir les clients plus facilement et plus rapidement. Nous utiliserons ces gains d’efficacité pour leur faire une proposition attrayante.

Ces nouveautés digitales ne risquent-elles pas de cannibaliser Corona Direct ?

D’ici 2020, tous les produits Belfius, y compris les assurances, doivent être disponibles via le digital, et cela de manière aussi simple et transparente.

Corona Direct a sa propre approche. Elle se concentre sur l’assurance sans intermédiaire, comme l’assurance au kilomètre, grâce à laquelle ceux qui roulent peu peuvent payer moins cher et faire de belles économies. De son côté, Belfius vise les clients qui sont à la recherche d’une couverture globale. Et le client qui veut séparer ses assurances de ses produits bancaires, ou veut le service d’un spécialiste, peut aller chez DVV – Les AP.

Le secteur de l’assurance accuse un sérieux retard en termes de digitalisation par rapport au secteur bancaire. Pourquoi ?

Traditionnellement, l’assurance est synonyme d’administration et de paperasserie, car l’évaluation des risques est cruciale. Il faut donc un peu plus de temps pour traduire tout cela en une application numérique.

Un autre frein est aussi la présence du canal de courtage. Les courtiers occupent encore une position importante sur le marché belge et compliquent le développement numérique. Les compagnies d’assurance qui travaillent avec les courtiers ne doivent pas seulement moderniser leur propre plateforme, elles dépendent aussi des démarches entreprises par leurs distributeurs. Mais je m’attends à une évolution rapide dans les années à venir. Un client qui utilise le mobile banking veut la même chose avec ses polices d’assurance. Belfius a accompli un beau parcours sur le terrain du digital, nous voulons maintenant transposer rapidement cette expertise dans l’assurance.

© Karel Duerinckx

Belfius a récemment signé un partenariat avec Touring. De quoi s’agit-il exactement ?

La mobilité est un sujet qui préoccupe les gens. Ils cherchent des solutions et celles-ci sont de moins en moins liées à la voiture. C’est pourquoi Belfius Insurance tente d’offrir différents types de couverture. Par exemple, pour quelqu’un qui combine le vélo, la voiture et/ou le train pour aller travailler. Si nous avons entamé des discussions avec Touring, c’est parce que c’est un spécialiste de la mobilité, par ailleurs très préoccupé par le service à la clientèle et sa satisfaction. Dans un premier temps, Belfius utilisera Touring Assistance pour son assurance assistance, et non plus Allianz Mondial. Touring Autoglass est également notre nouveau partenaire pour la réparation et le remplacement des vitres de voiture. En échange, nous pouvons offrir tous nos produits bancaires et d’assurance aux nombreux membres de Touring.

Mais cette opération va plus loin que le simple partenariat commercial…

Absolument. Nous le voyons comme une première étape dans la formation d’un écosystème autour des solutions de mobilité. Dans un écosystème, les partenaires se donnent mutuellement accès à leurs clients, produits et services. Cela offre des possibilités de ventes croisées. Mais nous avons également l’intention de réfléchir ensemble à de nouvelles solutions et concepts autour de la mobilité. A long terme, d’autres partenaires pourraient y adhérer, dans la mesure où ils sont engagés dans la mobilité et ne sont pas des concurrents directs de Belfius ou de Touring.

Vous parlez beaucoup de l’assurance dommage. Est-ce à dire que l’assurance-vie n’intéresse plus Belfius ?

Si, mais dans l’environnement actuel de taux bas, nous avons mis la commercialisation des produits de la branche 21 en veilleuse. Ce genre de produit à rendement garanti n’est pour le moment plus intéressant ni pour le client ni pour la compagnie d’assurance qui le propose. Par contre pour les produits de la branche 23 comme pour ceux de la branche 44 (dont le rendement est lié en partie ou totalement à l’évolution de certains fonds, Ndlr), nous sommes très actifs commercialement parlant.

Dans l’assurance-dommage, nous avons enregistré une croissance d’environ 6 %, soit une croissance trois fois plus rapide que celle du marché.

Cela étant, je pense que l’assurance-vie va reprendre de l’importance dans les années à venir, mais dans le contexte du vieillissement de la population. Il y a une demande pour de nouvelles initiatives dans l’assurance-pension, via laquelle les futurs retraités peuvent se constituer un revenu complémentaire. Beaucoup de Belges, à tort, ne se constituent pas une réserve de retraite. C’est pourquoi nous allons lancer l’année prochaine un simulateur qui permettra aux clients de calculer le complément de revenu nécessaire pour maintenir leur niveau de vie. Et les agents leur expliqueront comment ce capital pourrait être construit, à partir de nos produits bancaires et/ou d’assurance.

Venons-en au ” retail & commercial banking ” dont vous êtes responsable au sein de la banque. Quelles sont ici vos priorités ?

La vente de produits d’assurance, bien sûr (sourire). Mais parallèlement à cela, nous ne ménageons pas nos efforts pour développer les ventes via les canaux digitaux. D’ici 2020, tous les produits Belfius, y compris les assurances, doivent être disponibles via le digital, et cela de manière aussi simple et transparente. Enfin, nous travaillons à l’alignement des canaux physiques et numériques, de sorte que chacun joue son propre rôle. Il est particulièrement important que nous continuions à innover et que nous continuions à arriver régulièrement avec des nouveautés sur le marché.

Vous vous apprêtez aussi, paraît-il, à lancer une nouvelle offre sur le terrain de la gestion de fortune pour les clients dont le patrimoine dépasse 2,5 millions d’euros. Pourquoi ?

Parce que, sur ce segment, Belfius reste en retrait par rapport à sa part de marché naturelle de 15 %. Ce type de clientèle a visiblement besoin d’une approche spécifique, qui est différente de celle de notre modèle de private banking. Cela nous a pris un peu de temps pour recruter les bonnes personnes et développer une bonne proposition, mais à partir de l’année prochaine, la marque Belfius Wealth Management sera une réalité.

Si tout se passe bien, Belfius devrait normalement faire son entrée en Bourse l’année prochaine. Est-ce que cela met plus de pression sur l’entreprise ?

Notre CEO Marc Raisière veut que les membres de la direction en charge des différentes activités commerciales y pensent le moins possible. Il nous demande de nous concentrer sur la croissance du business. Plus de clients satisfaits et plus d’employés satisfaits, voilà notre principal objectif. Qu’à cause de cela nous attirions plus de clients et nous vendions plus de produits par client, c’est une conséquence logique de cet objectif premier.

Mais les investisseurs préféreront toujours une banque pouvant offrir un rendement sur fonds propres élevé ? Et cela implique de prendre plus de risques ?

Plus de risques, plus jamais cela ! J’ai vécu les années 2000 chez Dexia. Il ne faut pas sous-estimer l’impact d’un CEO qui place la barre trop haut : 10 % de croissance des bénéfices pendant 10 ans… c’est irréaliste, tout le monde fait alors tout pour atteindre ses objectifs, avec comme conséquence les excès que l’on connaît. En ce qui me concerne, c’est une histoire que je ne veux pas voir se répéter. Si on repartait dans cette direction, je m’en irais pour faire autre chose. Je pense que Belfius a bien raison d’écrire sa propre histoire. Une banque locale avec un potentiel de croissance raisonnable et un rendement sur fonds propres stable, doit certainement pouvoir intéresser pas mal d’investisseurs.

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