En 2017, les incertitudes politiques pèseront sur les investissements

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Nouvelle tête à Washington, casse-tête du Brexit, scrutin présidentiel en France et élections législatives en Allemagne : les investisseurs devront avancer dans le brouillard en 2017.

En 2017, les incertitudes politiques demeureront une des grandes préoccupations des investisseurs. Ils devront s’efforcer de comprendre les conséquences pour eux du nouveau gouvernement aux Etats-Unis et des répercussions du Brexit sur les marchés en Europe. Le Royaume-Uni finira probablement par invoquer l’article 50, le mécanisme permettant de quitter l’Union européenne, au cours du premier semestre de l’année. Les négociations pourront alors commencer, mais le processus sera compliqué par l’élection présidentielle en France (en avril-mai) et les élections législatives en Allemagne (sans doute en septembre). Si Marine Le Pen en France et le parti de droite Alternative für Deutschland (AfD) en Allemagne obtiennent de bons résultats, on pourrait assister dans ces deux pays à un glissement à droite – et à l’apparition d’un climat plus nationaliste et moins coopératif.

Reste à savoir dans quelle mesure ce climat se traduira par des initiatives concrètes, autrement dit si les investisseurs et les entreprises devront faire face à des contrôles des mouvements de capitaux ou à une hausse des impôts, ou bien aux deux à la fois. Les marchés s’en sortiront si des accords commerciaux comme le Partenariat transpacifique (PTP) ou le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) ne sont pas mis en oeuvre : ces accords prévoient de renforcer les échanges et les mouvements de capitaux. Mais les marchés prendront peur si les gouvernements semblent faire marche arrière par rapport à des accords commerciaux antérieurs.

En dehors des questions politiques, les investisseurs concentreront leur attention sur les banques centrales.

En dehors des questions politiques, les investisseurs concentreront leur attention sur les banques centrales. La Réserve fédérale a certes commencé à durcir sa politique monétaire, mais elle s’y prend par à-coups, ce qui tend à créer une certaine confusion. Il est impossible de déterminer clairement (pour les responsables de la Fed comme pour les marchés) dans quelle mesure la croissance tendancielle aux Etats-Unis s’est ralentie par rapport au taux observé avant la crise financière. Cette donnée a son importance, car elle permettrait de savoir à partir de quel niveau la croissance future peut entraîner des tensions inflationnistes et nécessite par conséquent un resserrement monétaire.

Quand les économistes examinent les autres régions riches du monde (zone euro, Japon, Royaume-Uni), il ressort clairement que les banques centrales devront conserver une approche très souple. L’argument d’une ” stagnation séculaire ” des économies – autrement dit l’idée que la détérioration des données démographiques et le ralentissement de la productivité ont eu un impact préjudiciable permanent sur le rythme de la croissance – semble plus convaincant dans le contexte européen et japonais. Il est donc d’autant plus probable de voir persister pendant encore un certain temps la faiblesse sans précédent des taux d’intérêt, et même les rendements obligataires négatifs.

Cette faiblesse des rendements s’explique aussi en partie par la réglementation qui a contraint les fonds de pension et les sociétés d’assurance à apparier leurs passifs, ce qui en a fait des ” acheteurs captifs “. D’autres gestionnaires de fonds peuvent être en revanche convaincus que les actions sont la seule catégorie d’actifs susceptible de générer un rendement décent : c’est l’approche dite Tina (there is no alternative, il n’y a pas d’autre solution).

Le grand test pour les actions américaines sera la capacité des entreprises à accroître leurs bénéfices après un très mauvais départ en 2016. Les bénéfices des sociétés entrant dans la composition de l’indice S&P 500 ont reculé d’environ 3,6 % au deuxième trimestre par rapport à la même période l’année précédente et de 1 % au troisième trimestre. Cette contraction est due non seulement à une forte diminution des cours du pétrole, qui a pesé sur les profits des géants du secteur de l’énergie, mais aussi à la vigueur du dollar, qui a réduit le montant des bénéfices enregistrés par les multinationales à l’extérieur des Etats-Unis. Ces facteurs pourraient s’atténuer en 2017, même si cela dépend dans une large mesure de la vitesse à laquelle la Fed relèvera les taux d’intérêt.

Les bénéfices ont aussi une importance plus fondamentale. Par rapport au PIB, ils se sont redressés très rapidement après la récession de 2009 et restent rétrospectivement élevés. Ce phénomène contribue à expliquer le dynamisme remarquable des marchés d’actions malgré la lenteur de la reprise économique depuis 2009. Mais le corollaire de ces bénéfices largement redistribués aux investisseurs est une moindre part du PIB pour les travailleurs, car les entreprises ont serré leur coût de main-d’oeuvre. Et cette absence d’augmentation sensible des salaires réels est une des principales raisons du fort mécontentement populaire dans le monde développé.

Performances hésitantes

Cela incite à penser que les investisseurs en actions risquent de se retrouver pris au piège. Pour réduire le risque politique, il faudrait des augmentations de salaires d’une telle ampleur que leur impact sur les bénéfices – et donc sur les cours des actions – serait négatif. Bien entendu, une telle quadrature du cercle pourrait se résoudre dans un monde où la croissance économique renoue avec les niveaux antérieurs à la crise, et où les salaires et les bénéfices peuvent augmenter simultanément. Mais même si ce scénario se réalise, les banques centrales devront s’empresser de supprimer les mesures monétaires de relance qu’elles ont mises en place, ce qui risque de porter un coup aux valorisations sur les marchés boursiers.

Par conséquent, 2017 pourrait être encore une année de performances hésitantes sur les marchés d’actions. En l’absence de mauvaises nouvelles, les investisseurs seront toujours tentés d’acheter des actions. Mais les mauvaises nouvelles – sous forme de risque politique, de baisse des bénéfices ou de changements de politique monétaire – ne seront sans doute jamais bien loin.

Par Philip Coggan, éditorialiste à “The Economist”.

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