Draghi: “La politique de la BCE est la seule à soutenir la croissance”

Mario Draghi © Reuters

Quelques semaines après avoir musclé son action face à une inflation léthargique, la BCE a demandé jeudi qu’on “laisse du temps” à ses mesures pour dévoiler pleinement leurs effets, mais exigé que les gouvernements fassent davantage leur part du travail.

“Nos mesures fonctionnent, elles sont efficaces, laissez leur juste du temps pour montrer pleinement leurs effets”, a déclaré M. Draghi, lors d’une conférence de presse.

Mais cela ne peut se faire tout seul. “Afin de récolter pleinement les fruits de nos mesures de politique monétaire, d’autres sphères de décision doivent contribuer de façon beaucoup plus appuyée, au niveau national et au niveau européen”, a-t-il insisté avec un ton plus véhément qu’à l’habitude.

La politique de la BCE est “la seule à soutenir la croissance” depuis quatre ans, a-t-il regretté, reprochant aux gouvernements de ne pas avoir lancé les réformes structurelles indispensables.

Obéir à la loi

Le président de l’institution monétaire de Francfort (ouest) s’exprimait à l’issue de la réunion régulière du conseil des gouverneurs, qui a décidé, sans surprise, de maintenir ses taux d’intérêt directeurs à leurs niveaux historiquement bas.

Le taux central, baromètre du crédit en zone euro, est à zéro depuis le mois dernier, ce qui signifie qu’emprunter ne coûte pratiquement plus rien. Mais aussi que les placements ne rapportent plus, ou très peu, ce qui vaut à la BCE de vives critiques en Allemagne, pays où l’épargne est chérie.

“Nous avons pour mandat de chercher à atteindre la stabilité des prix pour toute la zone euro, pas seulement pour l’Allemagne”, a dit M. Draghi.

“Nous obéissons à la loi, pas aux politiques, parce que nous sommes indépendants”, a insisté le président de la BCE, s’exprimant officiellement pour la première fois après une récente vague de critiques en provenance d’Allemagne. Le très influent ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble s’est illustré avec une pique particulièrement virulente contre la BCE, l’accusant de favoriser la montée des mouvements populistes, une critique sur laquelle Mario Draghi a préféré botter en touche.

“L’Allemagne est actuellement le principal problème de la BCE”, a confié à l’AFP une source proche de la banque centrale.

Et la guerre des mots pourrait bien se poursuivre puisque la banque centrale, mise en échec depuis de longs mois par une inflation désespérément basse, a encore promis jeudi d’utiliser “tous les instruments disponibles” dans le cadre de son mandat, “si nécessaire”.

Pénalisés par le recul des cours du pétrole, les prix ont fait du surplace en mars, après un recul de 0,2% en février, là où la banque centrale vise une “inflation proche mais inférieure à 2%”.

Dettes d’entreprises en juin

Face à cette situation, l’institution monétaire européenne a élargi par deux fois son action au cours des cinq derniers mois.

Début mars, elle a abaissé l’ensemble de ses taux directeurs à des niveaux historiquement bas, dévoilé un nouveau programme de prêts géants gratuits aux banques (TLTRO) et élargi le “QE”, son vaste programme de rachats de dettes publiques et privées, avec même des rachats de dettes d’entreprises — une opération encore inédite qui va débuter en juin.

Objectif de toutes ces actions: faire circuler l’argent dans le bloc monétaire, stimuler le crédit, l’investissement et la consommation. Et en bout de chaîne, faire repartir les prix.

Mais “la première évaluation des mesures décidées par la BCE en mars est plutôt désillusionnée: le +choc de confiance+ que la banque centrale avait espéré ne s’est pas matérialisé”, note Michael Schubert, de Commerzbank.

Et “plus la déception dure, plus il est probable que la banque centrale prenne de nouvelles mesures. Elle va probablement opter pour les mêmes instruments que jusqu’à présent, ce qui risque de ne pas améliorer significativement la confiance”, juge-t-il.

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