Dexia : une commission pour enterrer la vérité ?

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“Il n’y a pas d’un côté les gentils qui veulent savoir et de l’autre les très méchants qui veulent cacher !”, s’énerve-t-on côté socialiste pour défendre la démarche de la commission Dexia. Cela n’a pas suffi à calmer l’opposition…

Ultime bras de fer entre majorité et opposition lors du débat sur le rapport Dexia

Majorité et opposition se sont donc livrées mercredi à un long et dernier bras de fer sur le contenu et les recommandations du rapport final de la commission spéciale de la Chambre sur le démantèlement du groupe Dexia, dont le vote est attendu jeudi.

A l’image des derniers débats en commission la semaine dernière, l’opposition a longuement reproché mercredi, en plénière, aux partis de la majorité d’avoir refusé d’aller véritablement au fond des choses. Tant la N-VA que le groupe Ecolo-Groen, ou encore Jean-Marie Dedecker (LDD) sont revenus sur le choix posé en octobre dernier par la coalition sortante d’opter pour la création d’une commission spéciale, plutôt qu’une commission d’enquête parlementaire aux pouvoirs plus étendus.

“La conséquence, c’est que nous n’avons pas pu avoir accès aux documents du superviseur financier”, a critiqué le député Peter Dedecker (N-VA). Un reproche partagé par le groupe Ecolo-Groen, pour qui la majorité a de la sorte évité que n’éclate toute la vérité.

Des accusations qui ont fait bondir la majorité : “Il n’y a pas d’un côté les gentils qui veulent savoir et de l’autre les très méchants qui veulent cacher !”, a répliqué Christiane Vienne (PS), l’une des rapporteuses de la commission. “On peut entretenir tous les fantasmes, a renchéri la présidente de la commission, Marie-Christine Marghem (MR) à l’adresse de l’opposition. La vérité, c’est que tous les parlementaires se sont engagés intensément pour chercher et trouver la vérité. Une commission d’enquête parlementaire n’aurait rien apporté de plus !”

“Le rôle de Jean-Luc Dehaene n’a pas été suffisamment étudié”

Pour l’opposition, cependant, c’est l’évidence : les partis de la majorité n’ont pas voulu établir, à l’issue de ces cinq mois de travaux, les responsabilités politiques dans ce double naufrage qui a coûté des milliards au Trésor belge, contraint le gouvernement à offrir sa garantie d’Etat, et entraîné la liquidation du Holding Communal et de la coopérative Arco.

“Le rôle de Jean-Luc Dehaene n’a pas été suffisamment étudié”, a dénoncé la N-VA.

Meyrem Almaci (Groen) a, elle, nommément cité l’ancien ministre des Finances, Didier Reynders, ainsi que l’ancien Premier ministre, Yves Leterme, pour leur rôle en 2008 et 2011. Elle a notamment pointé les négociations avec la France sur la répartition – jugée déséquilibrée – des garanties d’Etat offertes à la banque résiduelle, ou l’absence prétendue de responsables belges lors de négociations avec la Commission européenne, laissant le champ libre au CEO du groupe, le Français Pierre Mariani, placé à la tête de Dexia en 2008 sur intervention expresse de l’Elysée.

Sur le risque lié aux garanties d’Etat offertes par le gouvernement belge, le député CD&V Kristof Waterschoot a tenu à contredire les Cassandre qui affirment que ces garanties – qui pèsent quelque 15 % du PIB – auront à terme des conséquences funestes pour les finances publiques : “88 % du portefeuille de Dexia est sain. Dire que l’on va vers la faillite de l’Etat belge n’est absolument pas vrai !”

Vers une action en justice de l’Etat belge contre les responsables du naufrage ?

Majorité et opposition ont aussi longuement croisé le fer sur l’opportunité d’une action en justice de l’Etat belge contre les responsables du naufrage.

Pour l’opposition, vu le préjudice subi, il n’y pas lieu de tergiverser. “Mais les experts de la commission n’ont pu mettre en évidence aucun fait répréhensible !”, a opposé l’Open VLD Luk Van Besien, pour qui c’est à présent à chaque partie lésée par le démantèlement de Dexia (communes, etc.) de voir ce qu’il y a lieu de faire.

“Notre rapport est une boîte à outils qui permet à ceux qui le souhaitent d’entamer des poursuites”, a ajouté en substance Marie-Christine Marghem, recommandant aux intéressés de s’adjoindre à présent les services d’un avocat.

Le reste des recommandations formulées par le rapport n’a guère rapproché davantage les positions, l’opposition reprochant à la majorité d’avoir in fine éliminé toute proposition ambitieuse. “Ce paquet va moins loin que les recommandations de 2009 (Ndlr, formulées par la précédente commission spéciale sur la crise financière), il n’y a rien de neuf, c’est une honte !, a lancé Meyrem Almaci (Groen) lors d’un échange vif avec Christiane Vienne. Vous avez renforcé les pompiers, mais vous n’avez rien fait contre les pyromanes. De la part du PS, c’est incompréhensible !”

“Je ne vois pas ce qu’on aurait pu faire de plus, sauf à considérer que plus n’est jamais assez”, a répliqué Marie-Christine Marghem.

En commission, le rapport de 400 pages avait été approuvé par 12 voix pour et 2 abstentions, soit l’ensemble des partis excepté le SP.a et le Vlaams Belang. Les 53 recommandations politiques, elles, avaient été approuvées selon un clivage majorité contre opposition (N-VA, Ecolo-Groen et VB), soit 8 voix contre 5.

Dexia : “La parge n’est pas tournée !”

Steven Vanackere, ministre fédéral des Finances, considère que la fin du débat sur le rapport de la commission Dexia ne tournait pas la page de ce dossier. Prenant la parole au terme des échanges en séance plénière, il a précisé qu’il entendait lui-même examiner en profondeur les recommandations de la commission et aider les instances européennes dans la mise en oeuvre des recommandations qui dépassent les limites des frontières du pays.

Aux yeux de notre grand argentier, un changement des mentalités est nécessaire dans le secteur bancaire lui-même. Il est nécessaire que celui-ci “devienne et soit intègre”, a-t-il notamment dit. Au nom du gouvernement, le ministre a remercié la commission pour le travail appréciable qui a été accompli.

Trends.be, avec Belga

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