Deutsche Bank change de stratégie

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Une augmentation de capital de 8 milliards d’euros et un changement de stratégie devraient définitivement inverser la tendance pour Deutsche Bank.

“Il est positif que nous ayons le courage d’avouer que nous allions dans la mauvaise direction. Nous corrigeons cela maintenant. Je suis persuadé que ce sont les bonnes décisions.” C’est ainsi que s’exprimait le CEO britannique de Deutsche Bank John Cryan au cours d’un conférence-call avec des analystes.

John Cryan vient juste d’annoncer des mesures radicales. Deutsche Bank (DB) augmente à nouveau son capital de 8 milliards d’euros. Il s’agit de la troisième augmentation de capital en quelques années. 687,5 millions de nouvelles actions seront émises, avec une remise de presque 40% sur le cours de clôture de vendredi. Cela conduira à une gigantesque dilution de l’actionnariat actuel.

Les investisseurs sont soulagés qu’il y ait enfin une solution à la faiblesse des fonds propres de Deutsche Bank

Michael Hünseler, Assenagon Asset Management

Les actionnaires actuels ne sont pourtant pas réticents vis-à-vis du projet. Le cours de bourse de Deutsche Bank a diminué d’à peine 6% lundi matin, ce qui, étant donné la dilution massive, peut à peine être considéré comme une réaction négative. “Les investisseurs sont soulagés qu’une solution soit enfin apportée à la faiblesse des fonds propres de Deutsche Bank”, analyse Michael Hünseler d’Assenagon Asset Management, qui détient une participation dans Deutsche Bank.

Outre l’augmentation de capital, Deutsche Bank vendra également une participation minoritaire dans sa branche de gestion de fortune ainsi qu’une série d’actifs peu rentables de sa banque d’affaires. Cela devrait encore générer 2 milliards d’euros. Avec 10 milliards d’euros de capital supplémentaire, le ratio de fonds propres de base de Deutsche Bank atteindra 14,1 %, contre 11,9 % fin 2016.

La banque désire maintenir ce ratio stable au cours des prochaines années, au-dessus de 13 %, et vise un ratio de levier (rapport entre les fonds propres et le total du bilan) de 4,5 %. La banque arriverait de la sorte à nouveau au niveau des autres entreprises dans son secteur en Europe.

Autre stratégie

Deutsche Bank est poursuivie depuis quelques années déjà pour des plaintes juridiques et menacée d’amendes pour des pratiques irrégulières par le passé. Celles-ci ont considérablement pesé sur le résultat de la banque ces dernières années. Fin de l’an dernier, le CEO John Cryan a passé un important accord avec le ministère de la Justice américaine. Coût: presque 7 milliards d’euros, à peine la moitié de ce que les Américains exigeaient initialement.

“Une fois cette amende réglée, il s’agissait de s’attaquer au déficit de capital de Deutsche Bank”, explique Hünseler. “Avec 10 milliards d’euros de capitaux frais, ce problème devrait une fois pour toutes être aplani. Mais la banque doit maintenant encore démontrer qu’elle est capable de développer un business model rentable.”

Deutsche Bank est poursuivie depuis quelques années déjà pour des plaintes juridiques et menacée d’amendes pour des pratiques irrégulières par le passé. Celles-ci ont considérablement pesé sur le résultat de la banque ces dernières années.

Après deux années de tâtonnement et la suppression de 9.000 emplois, Cryan n’y est pas parvenu. C’est la raison pour laquelle il change son fusil d’épaule. La stratégie a complètement été modifiée. La vente planifiée de la filiale de retail Postbank, qui occupait une place centrale dans le précédent plan stratégique, ne se fera dès lors pas.

Focus sur l’Allemagne

Postbank sera au contraire intégré dans la division Private & Commercial Bank au cours des prochaines années, à laquelle les activités belges appartiennent aussi. Avec 20 millions de clients, la combinaison de Postbank et de Deutsche Bank devient le plus important acteur en Allemagne. De ce fait, la banque se concentrera davantage sur le marché allemand. Les conséquences de ceci pour les activités hors Allemagne (Belgique, Italie, Espagne, Portugal, Pologne) ne sont pas encore claires pour l’instant.

Selon Alain Moreau, le CEO de Deutsche Bank Belgique, le revirement stratégique au niveau du groupe ne changera rien pour sa banque: “Nous sommes parfaitement en ligne avec la stratégie du groupe. Nous sommes une banque de conseil qui entreprend des avancées significatives dans la numérisation, et notre chiffre d’affaires augmente année après année. Il y a deux ans, il n’y avait pas de plans pour se défaire de la Belgique chez DB, et ce n’est toujours pas le cas maintenant.”

Du fait de l’intégration de Postbank, Deutsche Bank renforce son marché national allemand. Mais du point de vue de la rentabilité, un plus grand focus sur l’Allemagne peut être considéré comme un défi, car le marché bancaire allemand est très concurrentiel et se caractérise par la faiblesse des marges. “Nous désirons devenir une banque qui croît de manière contrôlée”, disait Cryan dans un commentaire. “Cela signifie que nous nous contentons de chiffres de croissance modérés.” Il indique aussi que l’intégration de Postbank peut générer d’importantes économies d’échelle. Celles-ci sont chiffrées à presque un milliard d’euros à l’horizon de 2022. Cela s’accompagnera toutefois d’une perte d’emplois en Allemagne.

Changements des priorités

Au lieu de Postbank, Deutsche Bank va vendre une participation minoritaire dans son activité de gestion de patrimoine. Cela se fera par le biais d’une introduction en bourse. Avec plus de 700 milliards d’euros d’actifs, Deutsche Asset Management est considéré comme le joyau de la couronne du groupe.

Afin de réaliser les 2 milliards d’économies structurelles planifiées à l’horizon de 2018, Cryan adapte également la structure du groupe. L’activité de trading et la banque d’affaires seront à nouveau regroupées, deux ans après avoir été scindées. Cela devrait générer une économie et un meilleur ciblage des clients d’affaires.

Deutsche Bank désire à l’avenir moins intervenir en tant que courtier pour des fonds alternatifs (hedge funds), d’autres institutions financières et les investisseurs institutionnels. L’accent doit plus se situer sur les entreprises. Cryan est fermement convaincu que la relance de la croissance économique dans la zone euro et aux États-Unis et l’augmentation des taux d’intérêt soutiendront les nouvelles options stratégiques.

Dividende symbolique

Afin de souligner la confiance en l’avenir, la banque distribuera un dividende symbolique d’au moins 11 cents lors de l’exercice en cours. À partir de l’an prochain, le groupe désire à nouveau présenter “un ratio de distribution (pay-out ratio) compétitif’.

Pour finir, Cryan a également déjà pensé à sa succession. Il nomme deux co-CEO. Il s’agit de Christian Sewing et de Marcus Schenck. Sewing dirige les activités de banque de retail et de gestion de patrimoine. Schenck était jusqu’à présent CFO et vient à la tête de la banque d’affaires annexe à l’activité de trading.

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