Délicate scission des banques

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Faire payer la crise aux banquiers, oui, mais… Le gouvernement a bien du mal à faire atterrir ce dossier, pour le moins sensible.

Cinq ans après la crise qui a secoué le paysage bancaire à l’automne 2008, le ministre des Finances Koen Geens (CD&V) trace prudemment le cadre d’une réforme du secteur bancaire : taxation de l’épargne, bonus des banquiers, séparation des activités de banques de dépôt et d’investissement (mesure figurant dans l’accord de gouvernement), etc. Les textes sont, paraît-il, épais. Ils devraient être approuvés par le parlement avant la fin de la législature. Bonne nouvelle.

Sauf que “personne ne sait exactement ce qu’il y aura dans cette nouvelle loi”, observe Jean-Pierre Buyle, avocat spécialisé en droit bancaire chez Buyle Legal. Comment va-t-on scinder les métiers bancaires ? Va-t-on y intégrer d’autres réformes comme l’instauration d’une taxe sur les opérations financières ? Comment ces textes vont-ils s’articuler avec la vieille loi bancaire de 1993, la nouvelle mouture de la directive MiFID (protection des consommateurs de produits et services financiers), les nouvelles règles de Bâle III (renforcement des fonds propres des banques), le projet de Sabine Laruelle en matière de crédit aux entreprises, etc. ? “Pour le moment, nous n’avons pas de réponses à toutes ces questions, complète l’ancien bâtonnier de Bruxelles. On ne sait pas vers quoi on va ni quelles sont les intentions réelles du gouvernement. Il n’y a aucune cohérence entre les initiatives des divers ministres. Tout comme il est regrettable d’avancer sur ce délicat sujet de la séparation des banques sans tenir compte de la perspective européenne.”

Vers une réformette? Koen Geens avait pourtant annoncé un grand projet de réforme bancaire pour fin septembre. Jusqu’à prendre de l’avance sur la Commission européenne dans le traitement de ce dossier. Mais voilà : on sent bien que les avis divergent au sein de la majorité. On sent bien aussi que le rapport de la Banque nationale (BNB), qui déconseille la séparation stricte des métiers bancaires, est dans tous les esprits. Au grand bonheur du lobby bancaire et de sa fédération (Febelfin), affirmant qu’une scission serait néfaste pour le financement de nos entreprises. Bref, “à lire les déclarations des uns et des autres ainsi que le rapport de la BNB, on a plutôt l’impression qu’on s’oriente vers une réforme en trompe-l’oeil, juge le député fédéral Ecolo Georges Gilkinet. Une réforme dont on pourra dire qu’on l’a faite mais qui ne changera rien aux risques que font courir les grosses banques sur les finances publiques.”

Selon lui, il en va de même au niveau européen. “Le rôle des gendarmes bancaires a été renforcé. Mais on n’est nulle part dans le bras de fer avec les grandes banques. En France, BNP Paribas et la Société Générale ont fait un terrible lobbying pour préserver le modèle de banque universelle. Deutsche Bank a fait la même chose en Allemagne. Et les législateurs français et allemands ont cédé à leur chantage. Bref, on continue de laisser les grandes banques jouer avec des allumettes. On n’a pas vraiment tiré les leçons de la crise financière, ni en Belgique ni ailleurs.”

SÉBASTIEN BURON

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