Crise en Ukraine: la Bourse de Moscou plonge, les marchés européens angoissent

© Image Globe / DENNIS M. SABANGAN

La Bourse de Moscou creusait nettement ses pertes ce lundi après-midi, les investisseurs paniquant face aux conséquences d’une possible intervention militaire russe en Ukraine pour l’économie russe déjà chancelante. L’onde de choc s’est également propagée à toutes les places financières et les Bourses européennes.

En première ligne, les deux indices de la place financière moscovite, le Micex et le RTS, plongeaient respectivement de 11,52% et 13,11% vers 12H30 GMT. Le titre de la banque semi-publique Sberbank lâchait à la même heure 17,12% et celui du géant Gazprom, qui tire une grande partie de ses bénéfices de ses exportations vers l’Europe, 14,41%. Le premier producteur de gaz naturel au monde est aussi le principal fournisseur de l’Ukraine, à qui il avait accordé une baisse de prix de 30%, sur laquelle il peut revenir dès la fin mars.

Finalement, le Micex et le RTS ont clôturé respectivement en baisse de 10,79% et de 12,01%. Plusieurs valeurs phares se sont effondrées, à l’image de Sberbank (-14,91%) ou du géant gazier Gazprom (-13,89%).

Les marchés financiers russes, déjà fragilisés depuis de nombreuses semaines par la politique monétaire des Etats-Unis ainsi que la crise ukrainienne, ont littéralement paniqué avec les menaces ce week-end d’une intervention militaire russe en Ukraine et celles de sanctions occidentales, qui risquent d’affecter les relations commerciales de la Russie avec ses partenaires.

Par ailleurs, la banque centrale russe a annoncé ce lundi une hausse inattendue de son taux directeur à 7%, contre 5,5% auparavant, en raison de l’apparition de “risques pour l’inflation et la stabilité financière”. La décision, qui devait s’appliquer à partir de 07H00 GMT, a été prise lors d’une réunion non annoncée des responsables de la Banque de Russie. La réunion de politique monétaire était prévue le 14 mars.

L’angoisse gagne les marchés européens

Hors de Russie, les Bourses européennes n’ont pas non plus échappé à la spirale de crainte, déjà sensible sur les places asiatiques, en ouvrant également sur de sensibles reculs.

A l’inverse, comme à chaque fois en temps de crise, les investisseurs se sont reportés vers des valeurs refuges comme la dette allemande ou française ou encore le franc suisse et l’or. Les cours du pétrole, soutenus par une prime de risque géopolitique, progressaient également.

“Il n’y pas vraiment de précédent de ce type”

“Cette crise avait déjà eu un premier effet mercredi dernier sur les marchés avec les premières annonces de manoeuvres de troupes en provoquant un mouvement similaire de chute des actions et de détente des dettes souveraines refuges, mais c’est aujourd’hui que l’impact se fait vraiment sentir car la situation a empiré durant le week-end”, a souligné Patrick Jacq, un stratégiste obligataire de BNP Paribas. “Ce qui est compliqué dans cette crise est qu’il n’y pas vraiment de précédent de ce type, donc pas de point de repère pour les marchés qui sont du coup un peu perdus”, a-t-il ajouté.

“Dans ce contexte, il faut s’attendre à une période de forte volatilité qui va jouer clairement en défaveur de l’appétit pour les actifs les plus risqués”, comme les actions et “les investisseurs vont se réfugier vers les valeurs les moins volatiles” comme la dette allemande, a complété M. Jacq.

“La situation en Ukraine va prendre le pas sur tout le reste cette semaine”

“L’escalade des tensions en Ukraine provoque un mouvement défensif sur les marchés”, ont aussi résumé les analystes chez Saxo Banque. Pour Chris Weston, analyste chez IG, “la situation en Ukraine est clairement le thème principal pour les marchés et va prendre le pas sur tout le reste cette semaine”. Il prévient qu’il s’agit d’un mouvement de vente important, mais “sans réelle panique”.

Vers 09H00 GMT, la Bourse de Paris reculait de 1,48%, celle de Francfort de 2,20% et celle de Londres de 1,13%, tandis qu’à Moscou, les deux indices phares Micex et RTS accentuait encore le repli respectivement à -8,30% et -8,34%.

Le rouble à des records historiques de faiblesse

Du côté des changes, le rouble a pour sa part atteint des niveaux historiques de faiblesse face à l’euro et au dollar. Vers 14H45 GMT, la devise européenne valait 50,22 roubles. Elle avait atteint dans la journée 51,20 roubles. Le dollar, qui a dépassé dans la matinée le seuil des 37 roubles, valait pour sa part 36,45 roubles.

En Asie, la Bourse de Tokyo a clôturé en chute de 1,27%, après avoir perdu jusqu’à 2,68% en cours de séance. Et le yen, considéré aussi comme une valeur refuge en cas de crise, s’est par ailleurs apprécié.

Du côté du marché obligataire, la dette allemande baissait à 1,580%, contre 1,624% vendredi à la clôture, tout comme celle de la France à 2,162% (contre 2,195%).

La crise en Ukraine s’est aggravée ce week-end et apparaît désormais comme l’un des plus graves conflits entre les pays occidentaux et Moscou depuis la Guerre froide.

L’or en forte hausse

L’or, considéré comme une valeur refuge, est de nouveau monté lundi à son plus haut niveau en quatre mois. Le métal jaune a ainsi atteint vers 08H55 son plus haut niveau depuis le 30 octobre dernier, à 1.350,37 dollars l’once. Vers 12H30, l’once d’or se maintenait à des niveaux élevés, à 1.344,71 dollars. La semaine dernière, l’or avait déjà atteint à plusieurs reprises des plus hauts en quatre mois, suscitant l’intérêt des investisseurs financiers alors que la crise s’approfondissait en Ukraine.

“Avec la situation géopolitique en Ukraine qui s’empire, les investisseurs ont cherché refuge dans l’or” alors qu’ils délaissent les actions, ce qui entraînait lundi une chute des bourses, a expliqué Samuel Fox, analyste chez Spreadex.

“Les risques géopolitiques en Europe de l’Est, où les tensions entre la Russie et l’Ukraine se sont intensifiées, contribuent sans aucun doute à la hausse du prix de l’or”, ont abondé les économistes de Commerzbank.

Au rang des très rares hausses, dans une Bourse de Londres chutant de 1,90% vers 12H40, figuraient d’ailleurs deux groupes miniers spécialisés dans l’or, Randgold Resources (+3,64% à 4.920 pence) et Fresnillo (+0,73% à 958,45 pence).

Depuis le début de l’année, le cours du métal jaune a progressé de plus de 11%, après avoir chuté de 28% en 2013.

Le pétrole en profite

La brusque montée des tensions a en revanche dopé les cours du pétrole. Vers 09H00 GMT Le baril de “light sweet crude” (WTI) pour livraison en avril progressait toujours à 103,92 dollars, à l’instar du baril de Brent de la mer du Nord à même échéance à 110,78 dollars.

L’Ukraine n’est ni un producteur pétrolier majeur ni un gros consommateur, mais le pays occupe une position géographique stratégique pour le transport des hydrocarbures russes, soulignent les analystes de la division matières premières chez JP Morgan.

Ainsi, plus de 70% du gaz et du pétrole russes passe par l’Ukraine, et l’Europe représente 90% des achats du pétrole russe.

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