Commission Dexia : “J’ai dit oui pour tirer le gouvernement du pétrin”

© BELGA

Le président du conseil d’administration de Dexia, Jean-Luc Dehaene, a avoué ce lundi devant la commission spéciale que s’il avait été mieux informé de la situation du groupe à l’automne 2008, il n’aurait jamais accepté d’en prendre la présidence.

Attendu de pied ferme par les membres de la commission spéciale sur le démantèlement de Dexia, M. Dehaene a répété n’être prêt à assumer que les seules décisions prise par la groupe depuis son arrivée en 2008, et non avant. Par ailleurs, l’ancien Premier ministre a répété que le naufrage du groupe franco-belge trouvait son origine dans les décisions prises par les managers précédents.

Remontant à la fusion du Crédit communal et du Crédit local de France pour donner vie au groupe Dexia en 1996, M. Dehaene a cependant estimé que le business model du nouveau groupe n’était pas condamné dès le début. “Il a même bien fonctionné tout un temps et fut assez rentable”, selon lui.

Mais à partir des années 2000, le groupe a entamé son “expansion à grande échelle”, notamment avec l’acquisition du rehausseur de crédits américain FSA, “sans avoir le financement nécessaire, ce qui a mis Dexia dans les difficultés”.

Et M. Dehaene de s’étonner d’ailleurs que ni les agences de notation, ni les régulateurs ne se soient inquiétés à l’époque de cette politique vu sa structure de financement et ses besoins de liquidités. Comme le patron du groupe Pierre Mariani il y a deux semaines devant cette même commission, M. Dehaene a lui aussi pointé l’absence de contrôle interne dans un groupe qui s’était au fil des années complètement “balkanisé”.

“J’ai dit oui (…) mais dans les 24 heures, tous les signaux d’alarme sont apparus, et je me suis alors demandé ce que j’étais venu faire là !”
En 2008, lorsque le groupe encaisse de plein fouet la tempête provoquée par la faillite de Lehman Brothers, les gouvernements belge, français et luxembourgeois décident alors de sauver Dexia en la recapitalisant à hauteur de six milliards d’euros. La France et la Belgique conviennent aussi d’inverser les rôles à la tête du groupe, et de nommer dorénavant un Français, Pierre Mariani, comme CEO du groupe, un Belge devant reprendre la présidence du conseil d’administration. Le Premier ministre Yves Leterme, sur le chemin du retour de l’Elysée où il a traité avec Nicolas Sarkozy, téléphone alors à Jean-Luc Dehaene pour lui proposer le job.

“J’ai reçu un premier coup de fil vers 18 ou 19 heures. Le Premier ministre m’a proposé de prendre la présidence du conseil d’administration de Dexia. J’ai répondu que ce n’était pas évident de désigner un politique à cette fonction, mais je sentais bien qu’il (le gouvernement) serait dans les plus grandes difficultés s’il ne trouvait pas quelqu’un pour le lendemain”, a confié M. Dehaene devant les députés. “J’ai dit oui pour sortir le gouvernement du pétrin(…) mais dans les 24 heures, tous les signaux d’alarme sont apparus, et je me suis alors demandé ce que j’étais venu faire là!”.

“Je me suis retrouvé dans un maison en feu, et nous avons essayé d’éteindre l’incendie autant qu’on pouvait. Si j’avais pu faire une +due diligence+ (vérification préalable, ndlr) avant de donner ma réponse, il est fort probable que j’aurais refusé…”, a-t-il reconnu.

“Personne ne voyait le risque dans les obligations d’Etat européennes, mais aux Etats-Unis”

Une fois aux commandes avec Pierre Mariani, le nouveau management s’emploie alors à se séparer au plus vite de FSA, coulée par la crise des subprimes, diminuer son bilan, et de réduire le nombre de salles de marché. “Il s’agissait de retrouver notre périmètre d’activités naturel”, selon l’orateur. Interrogé par les députés pour savoir pourquoi le groupe ne s’était pas défait dès ce moment-là des obligations émises par les pays périphériques européens comme la Grèce, le Portugal ou l’Italie, M. Dehaene a assumé ce choix. “A cette époque-là, personne ne voyait le risque dans les obligations d’Etat européennes, mais aux Etats-Unis. Nous étions dès lors occupé à céder nos obligations américaines les plus risquées”.

Et la crise obligataire européenne passa par là
Pour Jean-Luc Dehaene, Dexia aurait pu réussir à réduire sérieusement son bilan d’ici 2014, comme planifié avec la Commission européenne, et retrouver ainsi des eaux plus calmes… s’il n’y avait pas eu la crise obligataire européenne cet été. Celle-ci a provoqué une énorme méfiance sur le marché interbancaire dont dépendait tant le groupe pour trouver les liquidités dont il avait besoin. “Nous avons choisi de revenir à un modèle classique, mais le chemin n’était possible que si nous disposions du temps nécessaire. Nous avons été rattrapés par les événements…”.

L’audition de l’ancien Premier ministre a été interrompue une grosse demi-heure, vers 18H00, ce lundi soir, le temps pour les commissionnaires et l’orateur de savourer un sandwich. Très techniques, les débats ont repris vers 18h45. Ils devraient se poursuivre une bonne partie de la soirée. Les députés ont en effet fait parvenir plus de 160 questions préalables au président du conseil d’administration de Dexia. A la reprise de l’audition lundi soir, moins de la moitié de celles-ci avaient déjà été abordées.

Trends.be, avec Belga

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content