Comment “Chocofinger” a fait flamber les cours du cacao

© Reuters

Le fonds d’investissement britannique Armajaro et son président, Anthony Ward, ont mis la main sur 15 % des stocks mondiaux de fèves. Une acquisition inédite qui fait s’envoler des cours déjà dopés par les maigres récoltes en Afrique.

La City a déjà trouvé son surnom : Anthony Ward est devenu “Chocofinger”, alter-ego du Goldfinger de James Bond, qui voulait accaparer le stock d’or mondial. Mais c’est sur le marché de l’or brun qu’Anthony Ward a raflé la mise. L’ancien président de l’Association européenne du cacao a acheté la semaine dernière pour 1 milliard de dollars de fèves de cacao, via le fonds d’investissement londonien Armajaro qu’il a cofondé en 1998 et préside toujours.

La société de courtage en matières premières détiendrait maintenant l’équivalent de 7 % de la production mondiale de cacao, 15 % des stocks mondiaux et 25 % des stocks européens estimés, de quoi remplir cinq Titanic, souligne le Telegraph . La production sera stockée dans des entrepôts des Pays-Bas et de Grande-Bretagne en attendant de trouver preneur.

Une pure opération de spéculation appelée squeeze ou corner outre-Manche : le but est d’assécher le marché pour créer de la rareté, faire grimper les cours et revendre au prix fort. La nouvelle de cette commande record les a propulsés à leur plus haut niveau depuis 1977, soit 2.725 livres la tonne.

Un coup de poker osé mais légal, qui ne devrait pas être qualifié de manipulation des cours. La Bourse du NYSE Liffe, où s’échange le cacao à Londres a assuré dans une lettre publiée jeudi par le Financial Times qu’elle n’avait pas détecté de “comportement abusif” sur le marché.

Le cacao, un marché sous tension

Si Anthony Ward est presque sûr de gagner son pari, c’est que le marché du cacao connaît une hausse spectaculaire de ses cours depuis plusieurs années. En deux ans, les prix ont plus que doublé. L’offre se raréfie, les récoltes en Côte-d’Ivoire – qui assure 40 % de la production mondiale – et au Ghana s’annoncent encore mauvaises. La demande, elle, se porte toujours aussi bien. Les fabricants doivent approvisionner les marchés indien et chinois en pleine expansion.

L’homme n’en est d’ailleurs pas à son premier coup d’éclat sur le marché du cacao. En 2002, l’acquisition expresse de 204.000 tonnes de fèves, en pleine période d’instabilité en Afrique de l’Ouest, lui avait rapporté 47,4 millions d’euros en deux mois. Le prix de la tonne avait immédiatement grimpé de 1.400 à 1.600 livres sterling.

L’association Word Development Movement (WDM) s’est, elle, indignée contre la hausse des prix du café et du chocolat dont sont responsables, selon elle, des banques comme Goldman Sachs et d’autres spéculateurs. Pour les ONG, ces actions spectaculaires rendent le marché instable et privent les producteurs d’une visibilité sur le long terme.

Face à la hausse des cours, les fabricants pourraient revoir leurs prix à la hausse, ou réduire la part du chocolat dans leurs recettes à la portion congrue…

L’Expansion.com

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