“Chypre, un centre financier sans valeur ajoutée”

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Economiste au Centre de recherche sur l’économie internationale, Olena Havrylchyk répond aux questions de Trends.be sur les particularités du secteur bancaire chypriote.

Alors que la dette chypriote atteind presque le niveau de son PIB, le Parlement de Nicosie vient de rejeter le plan d’aide européen de 17 milliards d’euros, qui prévoyait une contribution des dépôts bancaires à hauteur de 5,8 milliards: une solution échafaudée conjointement par le gouvernement et la troïka des bailleurs. L’Allemagne, notamment, tient à faire contribuer les grosses fortunes russes qui s’abritent dans l’île, soupçonnant des opérations de blanchiment. Pour Wolfgang Schaüble, le ministre des Finances allemand, Chypre doit de toutes manières réformer son système bancaire “complètement surdimensionné”. De son côté, le ministre des Finances chypriote cherche secours à Moscou, qui a déjà prêté 2,5 milliards d’euros en 2011. Olena Havrylchyk, économiste au CEPII, nous donne des précisions sur le secteur bancaire chypriote.

La solution de taxer tous les dépots bancaires pour sauver l’économie chypriote était-elle prévisible? Non, pas du tout, cet aspect du plan a été une surprise totale. Depuis 2008, les dépôts bancaires jusqu’à 100 000 euros sont garantis par une loi européenne. Cette solution a probablement été envisagée dans l’espoir de préserver l’avenir de Chypre comme centre financier international, en ne frappant pas trop durement les comptes étrangers bien fournis, notamment russes.

Quelles sont les relations financières entre Chypre et la Russie?
Les investissements russes à Chypre sont de type “round-cycling”, ils reviennent d’où ils sont partis. D’après l’étude que nous avons faite au CEPII, l’argent ne fait que transiter par Chypre pour être massivement réinvesti en Russie, dans les secteurs où la corruption est la plus courante. Par exemple, plus de 50% des investissements dans l’immobilier russe viennent de Chypre. D’où les soupçons de blanchiment d’argent, et les jugements négatifs de l’Europe sur un centre financier sans valeur ajoutée, et sans véritable intérêt économique.

Chypre pourrait-elle être aidée par la Russie alors qu’elle fait partie de l’UE? Il me paraît envisageable que la Russie rachète une banque chypriote. Par contre, l’hypothèse d’un nouvel emprunt pourrait poser problème. Des deux emprunts, l’européen et le russe, lequel Chypre remboursera-t-elle en priorité? Et la troïka n’aurait pas les mains libres, comme en Grèce, pour envoyer ses observateurs surveiller l’emploi des fonds.

Comment Chypre doit-elle trouver les 5,8 milliards d’euros manquant au plan d’aide? La meilleure solution me semble être de ne taxer que les dépôts supérieurs à 100 000 euros, comme le permettent les garanties bancaires. Mais bien sûr, cela entraînerait une fuite des capitaux douteux vers des cieux plus cléments et probablement la fin du statut de Chypre comme centre financier international.

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