Chypre : encore un mois de restrictions bancaires… “si tout se passe bien”

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Les limitations sur les mouvements de capitaux mises en place à Chypre pour éviter une fuite massive de fonds pourraient être levées d’ici un mois, a annoncé ce jeudi le ministre chypriote des Affaires étrangères, Ioannis Kasoulides.

“Nous nous attendons à ce que les restrictions soient levées d’ici un mois si tout se passe aussi bien qu’aujourd’hui” a déclaré M. Kasoulides lors d’une conférence de presse, en allusion à la réouverture dans le calme des banques, avec des restrictions comprenant une limitation des retraits à 300 euros par jour et une interdiction d’emporter plus de 1.000 euros à l’étranger.

Ces mesures ont été publiées au journal officiel pour une durée d’une semaine, période après laquelle la Banque centrale a précisé qu’elles seraient levées progressivement, en fonction de la réaction des déposants.

Faisant écho à des déclarations du président Nicos Anastasiades, M. Kasoulides a rendu hommage au “comportement adulte et responsable des citoyens de Chypre”. “Tout a fonctionné dans l’ordre”, a-t-il ajouté.

La réouverture des banques ce jeudi, après 12 jours de fermeture en raison de craintes des autorités d’une fuite massive de capitaux, s’est passée dans le calme avec une affluence importante à l’ouverture à la mi-journée qui s’est tarie dans l’après-midi.

Anastasiades remercie ses compatriotes

Le président chypriote Nicos Anastasiades a remercié jeudi ses compatriotes pour leur “grand sens des responsabilités” à la réouverture des banques après 12 jours de fermeture alors que l’île s’efforçait d’éviter la faillite. Il a aussi annoncé une diminution de son salaire de 25%, ses ministres verront eux leur rémunération baisser de 20%.

“Je voudrais remercier les Chypriotes pour la maturité et le calme dont ils font preuve dans leurs relations avec les banques chypriotes”, a écrit Nicolas Anastasiades en grec et en anglais sur son compte Twitter.

Le président “souhaite exprimer ses sincères remerciements et sa reconnaissance aux Chypriotes pour la maturité et le grand sens des responsabilités qu’ils ont montrés à un moment critique pour la stabilité de l’économie chypriote et aussi pour la crédibilité du système bancaire à Chypre”, a ajouté un communiqué de la présidence.

Les banques chypriotes, fermées depuis le 16 mars, ont rouvert dans le calme jeudi, avec seulement quelques queues au moment de l’ouverture à midi. Mais des restrictions importantes ont été imposées aux mouvements de capitaux, et les particuliers ne peuvent retirer que 300 euros par personne et par jour.

L’attitude des clients des banques ce jeudi “envoie un message clair d’optimisme et de certitude pour l’avenir et à ceux qui suivent ces événements au plan international”, a ajouté le président dans le communiqué.

“L’attitude des gens prouve que non seulement nous voulons mais nous pouvons réussir à sortir notre pays de la position difficile dans laquelle il se trouve. Le système bancaire de notre pays va survivre et prospérer”, a-t-il assuré.

Par ailleurs, le gouvernement chypriote a nommé jeudi une commission pour enquêter sur d’éventuels actes criminels ayant entraîné la débâcle des banques de l’île, a indiqué un conseiller du président.Le panel sera chargé de déterminer s’il y a “des responsabilités criminelles, civiles ou politiques” à l’origine de la crise bancaire, a indiqué à la presse le sous-secrétaire de la présidence, Constantinos Petrides. La commission d’enquête sera composée de trois anciens juges de la Cour suprême, George Pikis, Panayiotis Kallis et Yiannakis Constantinides.
“L’ensemble des décisions, des actes et des omissions à tous les niveaux -des décisions politiques à celles des comités de direction des banques ou des régulateurs ainsi que toute autre personne-, devra être examiné”, a-t-il ajouté.

Le salaire du président raboté de 25%

Par ailleurs, le président chypriote Nicos Anastasiades a décidé une réduction de 25% de son salaire et ses ministres verront leur rémunération baisser de 20%, a indiqué M. Petrides Le président “a déjà autorisé le comptable général à réduire son propre salaire de 25%”, a-t-il indiqué à la presse. Tous renonceront par ailleurs à leur 13e mois.

Ce jeudi matin, avant l’ouverture des banques, et cela, pour prévenir un éventuel dérapage, des gardes de sécurité, certains armés, ont été postés devant les banques locales et étrangères de la capitale.

Une cinquantaine de personnes attendaient ce matin devant la Bank of Cyprus dans le centre de Nicosie. Devant les autres établissements, les chiffres variaient entre une dizaine et plus, selon des correspondants de l’AFP.

Devant la Laïki Bank sur Makarios, la principale artère de la capitale, une douzaine de personnes faisaient la queue. L’établissement a précisé qu’il laisserait entrer huit personnes à la fois.

La réouverture des banques s’accompagne de restrictions financières inédites dans la zone euro. Les paiements et virements à l’étranger sont limités à 5.000 euros par mois, par personne et par banque et les voyageurs quittant l’île ne pourront porter sur eux plus de 1.000 euros en espèces, selon un décret ministériel valable au moins 4 jours.

Les retraits en espèces aux guichets et aux distributeurs sont limités à 300 euros par jour, par personne et par banque, selon le même texte.

L’accord sur Chypre sans impact immédiat sur les banques de la zone euro

L’accord sur Chypre ne devrait pas avoir d’impact immédiat sur les notations des banques de la zone euro même s’il crée un précédent, a affirmé jeudi l’agence de notation Standard and Poor’s (SP) dans un communiqué. L’agence indique ne pas s’attendre à ce que “les développements récents à Chypre puissent provoquer des décisions immédiates sur les notes des banques de la zone euro”. Toutefois, il crée un “précédent” en vertu duquel les créanciers seniors pourraient être mis à contribution lors d’éventuels futurs plans d’aide international, impliquant une restructuration bancaire.

SP souligne ainsi que le plan de sauvetage et de restructuration bancaire de Chypre, agréé par l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI), est substantiellement différent des plans d’aide à la Grèce, au Portugal, à l’Irlande et à l’Espagne puisque son volet bancaire prévoit la contribution des créanciers, des actionnaires et des gros déposants.

Cela s’explique par les spécificités de la crise chypriote, estime SP, mais cela met également en valeur les réserves des pays de la zone euro à continuer de solliciter les contribuables pour recapitaliser leurs banques, notamment en raison des difficultés budgétaires auxquelles ils sont eux-mêmes confrontés.

L’agence estime enfin que la crise chypriote a démontré la nécessité d’une union bancaire au niveau de la zone européenne.

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