Ce que cachent les bons résultats de Dexia

Les dirigeants de Dexia. © Belga

Dexia vient de publier ses résultats annuels. Ils sont très bons: le groupe affiche 353 millions de résultats nets (part de groupe) à la fin de l’an dernier, contre 163 millions fin 2015. Mais que cachent ces chiffres ? Une réponse en trois points.

1. Ne pas analyser Dexia comme une banque classique

Grâce à de très belles performances au second semestre, Dexia affiche un résultat net part de groupe de 353 millions d’euros. C’est évidemment une bonne nouvelle pour les finances des États luxembourgeois, belge et français, actionnaires du groupe. Mais cela ne signifie pas que Dexia soit tirée d’affaire, car contrairement à une banque classique, dont les résultats reflètent en grande partie la performance opérationnelle (la conquête de parts de marché, les marges réalisées sur de nouveaux crédits, le lancement de nouvelles activités…), Dexia est une banque en voie d’extinction. Elle ne peut donc, par exemple, accorder de nouveaux crédits (sauf, à la marge, dans le cas de négociations avec les communes françaises pour restructurer leurs emprunts toxiques). Ces bons résultats reposent donc surtout sur des éléments exceptionnels et la volatilité des marchés, et donc de la valorisation des titres que Dexia détient et des coûts de financement que Dexia doit payer.

Ainsi, en 2016, les résultats ont été essentiellement soutenus par quelques éléments exceptionnels. Le groupe franco-belge a par exemple résolu un litige avec l’état autrichien concernant des obligations que Dexia détenait dans la banque autrichienne Heta, ce qui a permis au groupe de reprendre 136 millions d’euros de provision. Le contexte des taux négatifs a également permis d’effectuer une gestion active de son portefeuille et de gagner 144 millions d’euros. Et la banque a aussi engrangé 50 millions sur la cession de son immeuble dans le quartier parisien de la Défense et 90 millions en raison de l’augmentation de la valeur comptable de certains de ses produits dérivés.

En revanche, le renforcement de la réglementation bancaire a pesé sur le bénéfice. Dexia indique que les “taxes bancaires et contributions aux fonds de résolution représentent environ 30 % des charges opérationnelles (qui s’élevaient à 407 millions en 2016, NDLR).”

2. Un capital encore solide, mais rongé peu à peu

Toujours au niveau réglementaire, Dexia doit intégrer peu à peu dans son capital les moins-values potentielles que la banque subirait si elle devait revendre aujourd’hui les obligations qu’elle détient en portefeuille. Dans le jargon financier, ces moins-values latentes sont appelées “réserves AFS”. Au vu de la nervosité des marchés secoués par le Brexit, le référendum italien et la montée des risques politiques, ces réserves ont augmenté l’an dernier pour atteindre 5,7 milliards d’euros (+ 300 millions). Le double effet de leur augmentation et de la nécessité de les prendre davantage en compte année après année (40% en 2015, 60% en 2016, 80% en 2017) pèse évidemment sur le niveau des fonds propres. Ceux-ci s’élevaient à près de 8,2 milliards en 2015, ils ne représentaient plus que 7 milliards fin 2016. Ils devraient encore être impactés cette année. Le ratio de solvabilité de Dexia devrait ainsi passer de 16,8% fin 2016 à 14,5% cette année (et tomber même à 11,3% pour ce qui concerne DCL, la filiale française de Dexia). Cela reste cependant largement supérieur au minimum imposé par le gendarme bancaire européen, la BCE, qui impose d’avoir au moins 9,875%.

Deux observations toutefois : cette évolution n’est pas neuve. En 2012, lorsque la France et la Belgique ont recapitalisé le groupe, ils ont tenu compte de cet élément. Sauf évolution très défavorable des marchés, les fonds propres de Dexia devraient donc être suffisants et ne pas nécessiter une nouvelle aide des États. D’autant plus que face à ces éléments négatifs, l’évolution naturelle des actifs de Dexia, elle, est un élément positif : chaque mois, des obligations arrivent à échéance, ce qui “libère” du capital. Le bilan de Dexia s’est ainsi réduit de presque 17,5 milliards d’euros l’an, dernier pour atteindre 212,8 milliards d’euros. Cela est d’autant plus positif que le management de Dexia essaie de vendre en premier les actifs les plus gourmands en fonds propres.

3. Des emprunts de moins en moins toxiques

Un dernier risque, judiciaire celui-ci, pesait aussi sur Dexia : c’était celui lié aux crédits toxiques (des emprunts vendus aux municipalités françaises et dont les taux étaient, par exemple, liés à l’évolution du franc suisse ou du cours du pétrole). L’évolution très négative de ces emprunts avait provoqué une fronde des emprunteurs. La constitution par l’État français d’un fonds pour aider les communes et les négociations de Dexia avec les emprunteurs à transformer ces crédits toxiques en crédits classiques ont permis de largement désamorcer le problème. L’encours de ces emprunts toxiques a baissé de 33% l’an dernier, pour atteindre 651 millions d’euros.

Dexia poursuit donc sa route vers une extinction définitive qui prendra encore une trentaine d’années. Mais chaque année qui passe réduit la crainte d’une intervention des États, et donc des contribuables. Le risque s’affaiblit, mais n’est pas encore totalement effacé.

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