Brexit: “Si une forte déstabilisation se produit, on voit mal de quelles marges disposerait la BCE”

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La zone euro est armée pour faire face au “scénario de danger” que représente le Brexit pour les banques européennes, mais la BCE n’aura pas beaucoup d’instruments à disposition si la déstabilisation est plus profonde, explique le professeur d’économie Pierre-Olivier Gourinchas.

Enseignant à l’université californienne de Berkeley, M. Gourinchas est l’un des participants au forum de la Banque centrale européenne (BCE) à Sintra, au Portugal. Il a accordé un entretien à l’AFP.

Alors que beaucoup s’attendaient à un message fort, le président de la BCE Mario Draghi n’a quasiment pas évoqué l’issue du référendum britannique lors du forum annuel de la BCE à Sintra. En quoi ce sujet intéresse-t-il la zone euro ?

Pierre-Olivier Gourinchas: Stricto sensu, c’est un non-évènement pour la Banque centrale car le résultat de ce référendum ne concerne pas véritablement la zone euro. Mais il ne faut pas s’y tromper. En réalité, c’est un vrai sujet pour la BCE. On voit que depuis vendredi, les actions bancaires ont été les plus touchées par la forte chute des marchés consécutive à l’annonce du résultat du référendum.

Cela fragilise encore davantage des institutions financières déjà affaiblies. On sait qu’il y a des problèmes de créances douteuses dans certaines régions, comme en Italie, mais les grandes banques européennes ne sont pas non plus dans une situation idéale.

Si une institution financière était confrontée à de graves difficultés, cela pourrait entraîner une nouvelle crise du secteur bancaire européen. Et dans ce genre de situation, il y a un risque de contagion.

Economiquement, le Brexit crée certes un champ d’incertitude. Celui-ci devrait toutefois toucher surtout les acteurs britanniques, les risques directs sur la croissance européenne sont donc limités. Mais d’un point de vue financier, il y a un scénario de danger pour les banques de la zone euro.

Comment prévenir la réalisation d’un tel scénario ?

Nous avons l’union bancaire qui encadre les risques auxquels sont confrontées les banques du secteur européen. Dans ce cadre, un certain nombre d’outils sont à disposition pour y faire face.

En cas de turbulences dans le secteur bancaire européen, il n’y a par conséquent pas nécessairement besoin d’une nouvelle intervention monétaire de la banque centrale. Les outils déjà disponibles pourraient suffire.

Mais si une forte déstabilisation se produit et que l’on va au-delà d’un simple risque bancaire, on voit mal de quelles marges disposerait la BCE pour stabiliser la situation. La banque centrale a déjà déployé beaucoup d’instruments de politique monétaire. Elle a abaissé tous ses taux, elle rachète des obligations souveraines et d’entreprises, elle a mis à disposition des banques les TLTRO (prêts accordés aux établissements bancaires ndlr). On approche des limites de ce qu’elle peut faire.

Le deuxième niveau de lecture est politique. (…) On assiste en Europe à une augmentation de forces centrifuges qui poussent des électeurs vers des votes protestataires, voire extrêmes. Ce mouvement n’est pas réservé aux Anglais. Il y a une dynamique toxique à l’oeuvre dans beaucoup de pays. Et nous avons besoin d’un vrai sursaut politique sur la capacité à réengager les peuples de la région autour d’un projet européen.

A quoi pensez-vous?

La logique de fond qui pourrait émerger serait la mise en place de ressources communes à court terme pour accroître la solidarité européenne et réduire les inégalités au sein de l’Union européenne.

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