Bouleversement post-électoral annoncé

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Si le 1er janvier sera surtout synonyme de lancement d’un emprunt populaire limité à sa plus simple expression, l’année 2014 pourrait être marquée par d’importants bouleversements en matière de fiscalité de l’épargne après les élections de juin. Analyse avec François Parisis, chief wealth structuring officer chez Puilaetco Dewaay.

Les prêts-citoyens thématiques, rebaptisés emprunt populaire, verront enfin le jour au 1er janvier prochain. Le gouvernement n’a toutefois pas utilisé le délai supplémentaire (le lancement était initialement prévu pour le 1er novembre 2013) pour ficeler un projet ambitieux, toute la gestion ayant été déléguée aux banques qui proposeront ainsi des bons de caisse et comptes à terme dont les fonds récoltés serviront à des financements culturels et socio-économiques (écoles, hôpitaux, PME, etc.). L’investissement minimum sera limité à 200 euros, la durée ne pourra être inférieure à cinq ans et les taux proposés devront être en ligne avec les conditions de marché, assez chiches actuellement. Pour l’épargnant, le principal atout de l’emprunt populaire est le précompte mobilier réduit à 15 % contre 25 % pour les produits classiques. En acceptant de bloquer ses fonds pour une période assez longue et à des taux assez faibles, il aura également le sentiment d’avoir contribué au soutien de l’économie et de la culture locales. On peut toutefois craindre que l’emprunt populaire s’apparente finalement à une simple opération comptable pour les banques, les fonds levés dans le cadre de l’emprunt populaire risquant d’être affectés à des prêts qui auraient de toute façon été octroyés. Le risque est d’autant plus grand que les établissements peuvent passer par l’intermédiaire d’une autre banque (via des prêts interbancaires) et ne doivent prêter que maximum 90 % des fonds récoltés endéans l’année. Accord limité sur le compte d’épargne On ne devrait pas non plus assister à de grands changements dans le régime fiscal propre au livret d’épargne. Rappelons qu’il y a quelques mois, la Belgique a été condamnée par la Cour de Justice de l’Union européenne parce qu’elle limite l’exonération des intérêts des comptes d’épargne à concurrence des 1 880 premiers euros (montant indexé chaque année) aux seuls livrets proposés par les banques établies sur son territoire. Bien qu’il fut question un moment d’étendre l’avantage à d’autres types de revenus (intérêts sur obligations, dividendes d’actions), le gouvernement devrait finalement se contenter d’étendre aux banques étrangères ne disposant d’aucune filiale ou succursale en Belgique la possibilité d’offrir des comptes d’épargne réglementés à leurs clients belges tout en prenant des mesures afin d’éviter les abus (le système actuellement en vigueur incite les contribuables à ouvrir un livret dans plusieurs banques afin de bénéficier plusieurs fois de l’exonération des 1.880 premiers euros d’intérêts). Ce système ne serait toutefois pas applicable avant 2015.

En cette période préélectorale, le monde politique n’a visiblement pas eu le courage de mettre fin à cette exonération bien que le compte d’épargne n’atteigne plus son objectif premier qui est de soutenir l’économie locale (comme l’emprunt populaire…). De nombreuses filiales de banques étrangères se contentent en effet de lever en Belgique des fonds qu’elles rapatrient auprès de leur maison-mère, sans donc les utiliser pour octroyer des prêts aux sociétés et ménages belges.

Grande réforme fiscale Après plusieurs années mouvementées, le 1er janvier prochain ne sera donc pas synonyme d’importants changements, si ce n’est qu’il marquera la fin de l’opération de régularisation fiscale.

Cela ne sera toutefois que partie remise, les politiques préparant le terrain pour une grande réforme fiscale après les élections. L’objectif premier serait de réduire la lourde taxation du travail. À titre de comparaison, le taux marginal d’imposition (50% + additionnels communaux) est d’application à partir d’environ 37 500 euros chez nous alors qu’en France, il faut gagner 150 000 euros pour atteindre le taux marginal d’imposition de 45%. Afin de compenser cet allégement de la fiscalité sur le travail, le futur gouvernement devrait tailler dans les dépenses et sans doute, également augmenter la fiscalité patrimoniale.

La problématique de l’exonération du compte d’épargne pourrait ainsi revenir sur la table de négociation des futures coalitions fédérale et régionale. La taxe sur les opérations boursières pourrait également être refondue, d’aucuns souhaitant élargir son champ d’application tout en réduisant le taux d’imposition (ainsi la taxe de 1% sur les SICAV de capitalisation est jugée trop élevée). On pourrait aussi relever le plafond de cette taxe ou tout simplement la déplafonner.

Taxation des plus-values Il se murmure également que le verrou de la taxation des plus-values sur valeurs mobilières (obligations, actions, etc.) pourrait sauter. Dans un contexte d’austérité budgétaire, de consensus sur la trop forte taxation du travail et après le relèvement du précompte mobilier sur les intérêts de 15% à 25% en deux ans, cette exonération est en effet de moins en moins soutenue. Rappelons que les partis étaient déjà proches d’un accord sur la question en 2007 mais la crise et la chute des Bourses les années suivantes avaient relégué le dossier aux oubliettes.

Les modalités d’une taxation des plus-values mobilières restent par contre encore extrêmement floues, notamment en ce qui concerne le type de plus-values taxées (toutes les plus-values ou uniquement les plus-values à court terme), ainsi que les modalités relatives à la déduction des moins-values. Un mauvais calibrage pourrait avoir des effets pervers comme le fait d’inciter les investisseurs à conserver trop longtemps leurs titres uniquement pour échapper à la taxation.

Loyers réels Dans l’optique d’une refonte de la fiscalité des revenus du patrimoine, le dossier de la taxation des loyers réels devrait inévitablement revenir sur la table des négociations. En effet, la Belgique a été priée par la Commission européenne de mettre un terme à la discrimination qui existe dans notre législation entre la taxation des revenus immobiliers belges et étrangers. Notre Code des impôts sur les revenus privilégie les biens mis en location en Belgique (taxation sur le revenu cadastral) par rapport à ceux situés à l’étranger (taxation des loyers réels), ce qui constitue une atteinte au principe de libre circulation des capitaux.

Les raisons qui pourraient conduire le prochain gouvernement à taxer les loyers réels ne manquent pas, il est vrai. À commencer par la faible représentativité du revenu cadastral, la dernière péréquation remontant à 1979-80. Par ailleurs, la taxation avantageuse des revenus immobiliers incite davantage d’épargnants à opter pour ce type de placements au risque de doper artificiellement les prix de l’immobilier. Les crises immobilières successives aux États-Unis, en Espagne, en Irlande ou aux Pays-Bas ont également démontré que l’immobilier résidentiel n’est pas un placement à toute épreuve. Le risque est d’autant plus grand en Belgique en raison de la régionalisation en 2014 des avantages fiscaux liés à l’immobilier (dont la suppression a précipité la chute des prix aux Pays-Bas) ainsi qu’une probable remontée des taux dans les années à venir, ce qui pèserait sur la capacité d’emprunt des candidat-acheteurs.

La fiscalité mauvaise conseillère Globalement, les récentes et futures modifications de la fiscalité patrimoniale démontrent que l’investisseur ne doit pas gérer ses placements en fonction de la fiscalité mais bien de son profil de risques et de ses besoins. Il y a ainsi fort à parier pour que les conditions de l’emprunt populaire s’avèrent fort peu intéressantes malgré le précompte réduit.

Cédric Boitte

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