Banques françaises: les raisons de la panique

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Après une brève accalmie matinale, la panique s’est de nouveau emparée des marchés ce jeudi après-midi. Même s’il a fini la journée dans le vert, le secteur bancaire français a été particulièrement maltraité. Explications.

Alors qu’une accalmie semblait se dessiner mardi sur les marchés après plus de dix jours de tempête spéculative, les Bourses ont été très chahutées ce jeudi, plombées par les valeurs bancaires. Partout en Europe, le secteur est maltraité par les investisseurs, mais les banques françaises sont assurément les plus durement touchées.

Pourquoi les valeurs bancaires s’effondrent en Bourse? Après la saignée d’hier, les banques ont retrouvé quelques couleurs jeudi matin… pour replonger presque aussitôt et finir la journée dans le vert (+3,7% pour la SG, +0,31% pour la BNP). Bref depuis hier, les banques font du yo-yo, les plus folles rumeurs faisant vaciller le secteur. La crainte d’une dégradation de la note française déjà a fortement influencé les investisseurs, persuadés que le retour précipité de Nicolas Sarkozy à Paris n’était pas anodin. Tout comme la montée spectaculaire des CDS français (passés de 100 à 175 points de base), ces produits financiers permettant de se garantir contre le défaut d’un pays ou d’une entreprise. Pour l’heure, les agences de notation ont démenti l’information, mais certains spécialistes en sont persuadés : un autre pays noté AAA sera bientôt dégradé. Reste à savoir lequel.

Par ailleurs, les déclarations du ministre grec des Finances, qui envisage de modifier son programme d’échange d’obligations, ont ajouté à la cacophonie ambiante. Dans cette hypothèse, les banques seraient en effet les premières touchées. Jusqu’à présent, les négociations avec les banques portaient sur les titres courant jusqu’en 2020. Si de telles négociations se confirmaient, la perte enregistrée par les banques détenant des obligations d’État grecques pourrait être plus élevée que ce qui était prévu. La BNP serait la plus concernée -la rumeur du jour évoque 500 millions d’euros de dépréciations supplémentaires-, la Société Générale ne détenant pas d’obligations grecques au-delà de 2020. Pour l’heure, les banques françaises ont déjà provisionné plus de 2,3 milliards d’euros dans leurs comptes, liés aux titres grecs.

Les rumeurs sont-elles seules à l’origine de cette panique? Non, de réelles inquiétudes planent sur les banques françaises, très exposées aux dettes souveraines des Etats européens. En plus des obligations grecques ou italiennes – qui inquiètent tout particulièrement en ce moment-, les banques sont également très exposées au risque d’une crise de confiance généralisée, comme celle qui a eu lieu en 2008 après la chute de Lehman Brother. Mardi, certains membres de la BCE commençaient à s’inquiéter de l’afflux des dépôts des banques auprès de l’institution bancaire européenne (dont les montants restent pour l’heure inconnus), preuve que les établissements financiers rechignent de plus en plus à se prêter entre-eux. Ensuite, en cas de dégradation de l’environnement économique, les établissements bancaires risquent de se retrouver avec beaucoup de créances douteuses dans leurs portefeuilles, des créances d’Etats mais aussi d’entreprises et de particuliers. Reste à avoir si les banques auront la capacité d’absorber de nouvelles dépréciations. Sans aucun doute a a affirmé ce jeudi, le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer. “Les niveaux de capital (des banques françaises, NDLR) sont adéquats et les programmes de refinancement à moyen et long terme sont réalisés dans des conditions tout à fait satisfaisantes”, a-t-il déclaré. De fait, malgré les dépréciations sur la Grèce, les banques françaises ont dans l’ensemble affiché des résultats solides au deuxième semestre.

Qu’est-ce qui s’est passé sur le titre Société Générale? Le titre a été particulièrement maltraité mercredi, chutant de plus de 22% en milieu d’après-midi. En cause notamment une rumeur datant de lundi dernier. Ce jour là, le Daily Mail, un journal britannique, affirme que la banque est au bord de la faillite et qu’elle est en train de négocier sa nationalisation avec l’Elysée. Il faudra finalement attendre mercredi pour que cette information finisse par influencer le cours de l’action SG, et ce alors même que la Daily Mail s’est déjà excusé pour cette information erronée. Pourquoi ? Vraisemblablement parce que l’accumulation de mauvaises nouvelles ont redonné de la crédibilité à la rumeur. Selon Libération, les salles de marché se seraient notamment rendus compte que la banque vendait ses contrats à douze mois sur les marchés de l’or, et ce à des prix très inférieurs aux marchés. Une absurdité ne pouvant donc s’expliquer que par un besoin pressant de liquidités… Par ailleurs, la banque possède un profil moins solide que BNP Paribas, et a affiché des résultats décevants en deuxième trimestre, ce qui explique que la chute du titre ait été plus sévère ces dernières semaines : actuellement la banque rouge et noire se traite à seulement la moitié de son actif net comptable. Réagissant violemment à la rumeur, le PDG de SocGen, Frédéric Oudéa, a assuré ce jeudi au Figaro être confiant sur la capacité de l’établissement à générer de solides résultats et à se financer. Il a aussi demander à l’AMF d’ouvrir une enquête sur les rumeurs qui ont fait plonger sa banque…

Que prévoir pour l’avenir ? Pour l’heure, rares sont ceux qui s’essayent à donner des pronostics. Les banques font du yo-yo en Bourse, comme la majorité des valeurs d’ailleurs. Tout dépendra en réalité de l’évolution de la spéculation et des prophéties auto réalisatrices. L’AMF s’est dite très vigilante ce jeudi à l’égard de la spéculation sur le secteur bancaire, affirmant qu’en cas de rumeurs infondées des sanctions pouvaient être prises. Quoi qu’il en soit, tous les économistes s’accordent à dire que sans de bons indicateurs macroéconomiques, les investisseurs ne retrouveront pas rapidement la confiance.

Julie de la Brosse, Lexpansion.com

Le Daily Mail victime des feuilletons du Monde? Selon une journaliste de Reuters, l’auteur de l’article litigieux du Daily Mail aurait pris pour argent comptant une série d’été publiée par le quotidien français Le Monde qui imaginait le scénario catastrophe d’une banqueroute des banques françaises. Mercredi le quotidien britannique a reconnu la fausseté de ses informations et présenter “ses excuses sans réserve” à l’établissement bancaire.


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