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‘Aux paradis (fiscaux), l’argent n’a pas d’odeur’

Le monde ressemblerait-il à un vieil hôtel à la tuyauterie fatiguée ? Chaque année, les fortunes cachées dans des paradis offshores ont à déplorer des inondations majeures.

Après l’Offshore Leaks (2013), le LuxLeaks (2014), le SwissLeaks (2015), les Panama Papers (2016), voici donc cette année les Paradise Papers, à nouveau dévoilés par l’ICIJ, le consortium international des journalistes d’investigation qui regroupe, dans notre pays, des confrères de Knack, du Soir et du Tijd.

Les Paradise Papers constituent une nouvelle fuite colossale dans la tuyauterie de la finance internationale : plus de 13 millions de documents provenant de deux sociétés de services financiers (Appleby aux Bermudes et Asiaciti Trust à Singapour), couvrant 67 ans (1950-2016) d’activités, concernant de grandes sociétés (Apple, Glencore), de célèbres particuliers (Madonna, Bono, etc.) et même des têtes couronnées (Elisabeth II en personne). Ils mettent au jour des montages moins grossiers que ceux dévoilés par les Panama Papers. Mais ils portent aussi à s’interroger sur la signification de ces ” leaks ” successifs.

Les premières fuites, en effet, ont amené à renforcer la lutte contre le secret bancaire. Il s’agissait, comme le disent les Anglo-Saxons, de mettre en place un level playing field, c’est-à-dire un terrain qui ne désavantage personne. Et pour cela, il fallait faire en sorte que les grands joueurs paient en proportion autant d’impôt que les petits. Toutefois, au fil des révélations, la problématique s’est transformée : d’un pur problème fiscal, elle est devenue une question de gouvernance mondiale.

En effet, que des sociétés comme Apple cherchent la voie la moins imposée via des montages considérés comme légaux, cela paraît normal. Comme il est normal que les Etats tentent de s’organiser, plus ou moins efficacement et plus ou moins de bonne foi, pour colmater ces brèches fiscales.

Ce qui crée un malaise grandissant c’est la multiplication des noms de contribuables qui sont à la fois administrateurs de sociétés offshores et actifs dans la chose publique.

Ce qui crée en revanche un malaise grandissant est la multiplication des noms de contribuables qui sont à la fois administrateurs de sociétés offshores et actifs dans la chose publique. On s’était déjà interrogé l’an dernier sur des cas comme celui du leader conservateur britannique David Cameron. Il avait détenu des parts dans le fonds offshore de son père jusqu’en 2010. Devenu ensuite Premier ministre, il avait bataillé pour que les règles de transparence européennes épargnent les fonds et les trusts britanniques.

On patauge toujours autant dans le mélange des genres aujourd’hui. Selon les Paradise Papers, le gendre du président Trump, Jared Kushner, aurait reçu de l’argent d’un oligarque russe pour soutenir ses investissements. Le secrétaire d’Etat américain au Commerce, Wilbur Ross, détiendrait, via des constructions offshores, un tiers d’une société spécialisée dans le transport de gaz dont certains clients (une société blacklistée par les Etats-Unis appartenant à l’Etat vénézuélien ou un groupe appartenant à des proches de Vladimir Poutine dont un actionnaire au moins se trouve sur la liste noire américaine) sont à tout le moins problématiques. Pourtant, Dieu sait (BNP Paribas aussi) que l’on ne badine pas avec la black list de l’Oncle Sam !

Au Canada, un des grands soutiens financiers de Justin Trudeau serait impliqué dans des montages offshores. A Malte, là où les voitures de journalistes ont une fâcheuse tendance à exploser, le patron de la régulation financière aurait, via une société logée aux îles Vierges britanniques, dissimulé des intérêts dans une société minière russe….

Les sociétés offshores viseraient ainsi autant à camoufler des conflits d’intérêt qu’à éluder l’impôt. Il n’y a donc pas une, mais au moins deux bonnes raisons pour s’attaquer au problème des places offshores et les rendre plus transparentes. Cela ferait rentrer un peu d’impôt dans les caisses trop vides des trésors publics. Et cela permettrait d’éviter la montée d’une vague de mécontentement d’électeurs-contribuables, fâchés d’être condamnés à l’enfer alors que leurs élites continueraient à batifoler au paradis.

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