“Assainir maintenant ou laisser nos enfants se débrouiller?”

Luc Coene, gouverneur de la Banque nationale de Belgique. © Belga

Luc Coene achèvera son mandat à la tête de la Banque nationale de Belgique en mars 2015. Il critique sévèrement ceux qui remettent en question l’assainissement des finances publiques.

Pour le gouverneur de la Banque nationale, les derniers mois ont été chahutés. L’évaluation des bilans par la BCE et les stress tests ont pris beaucoup de temps et d’énergie. Mais Luc Coene est satisfait du résultat : “Les objectifs — transparence accrue et obligation pour les banques d’améliorer leur solvabilité — sont atteints. Même s’il reste du pain sur la planche. Continuer à renforcer les tampons de capitaux existants n’est pas un luxe inutile, même si ce n’est pas toujours évident dans un environnement économique défavorable.”

Selon Luc Coene, les tests menés par la BCE sur les banques auront une incidence favorable sur l’octroi de crédits : “Les banques auront moins peur. Elles savent désormais qu’elles disposent de capitaux suffisants pour absorber un choc.” Mais tant que la demande de crédits reste faible, cela ne changera pas grand-chose. “Des réformes structurelles doivent intervenir afin d’améliorer la confiance et la rentabilité des entreprises, qui doivent mener à terme vers la croissance économique.”

TRENDS-TENDANCES. La Belgique a un nouveau gouvernement, au programme très différent du précédent. Comment évaluez-vous les mesures de l’accord gouvernemental ?

LUC COENE. La réforme des pensions est de toute manière un pas dans la bonne direction. Il est crucial de baisser les coûts liés au vieillissement et de donner aux gens une perspective claire du moment où ils pourront partir à la pension. Ces dernières semaines, j’ai ouvert de grands yeux en lisant que certains remettaient en question l’assainissement des finances publiques. Je voudrais être clair sur ce point : cet assainissement est indispensable, parce que le coût énorme du vieillissement — 5 à 6 % du PIB — va nous tomber dessus. Soit nous dégageons des marges, en éliminant dès que possible le déficit budgétaire, pour absorber une partie de ces coûts et réduire les charges à venir. Soit nous disons aux générations suivantes qu’elles n’ont qu’à régler le problème elles-mêmes. Finalement, il s’agit d’un débat transgénérationnel : sommes-nous prêts à renoncer à une part de notre prospérité pour que nos enfants et petits-enfants n’en souffrent pas ? Ou ne voulons-nous rien céder dans l’idée que nos enfants et petits-enfants se débrouilleront ? C’est le choix fondamental auquel nous sommes confrontés. Ceux qui vont faire la grève contre cet assainissement disent en fait à leurs enfants : “Allez-vous faire voir !” Je trouve cela très grave.

Quels sont les aspects négatifs des projets gouvernementaux ?

J’attendais un peu plus dans le domaine de la compétitivité. Le saut d’index est OK, mais on aurait pu faire un glissement plus important des cotisations sociales vers, par exemple, la TVA. A mon avis, c’est une occasion manquée. De cette manière, on aurait pu stimuler l’emploi, ce dont nous avons grandement besoin. Les mesures actuelles suffiront peut-être pour arrêter la destruction d’emplois, mais pas pour stimuler la création de jobs au coeur de notre économie (industrie et services). La base de la pyramide rétrécit encore. Alors que l’emploi baisse dans le secteur privé, il continue à progresser dans le public ou le semi-public. C’est un poids qu’on ne peut pas porter éternellement. A un moment donné, la pyramide va s’effondrer.

Quel est le handicap concurrentiel réel de nos entreprises ?

Si l’on cumule coût salarial et productivité, le handicap est de 13 %. Un autre indicateur, très objectif, est le coût salarial horaire du travailleur, établi par la Commission européenne. La Belgique est à 39 euros, la France à 35 et les Pays-Bas et l’Allemagne à 32. Ce sont des écarts substantiels. Ces chiffres sont également très pertinents pour l’emploi intérieur et les secteurs subventionnés. Celui qui voit baisser ses frais de personnel, par exemple en raison d’un niveau inférieur de charges sociales ou d’impôts, peut, à budget constant, embaucher davantage et améliorer ses services. Ceci vaut pour les hôpitaux et les maisons de retraite comme pour les entreprises industrielles.

Retrouvez cette interview complète dans le magazine Trends-Tendances de cette semaine.

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