7 ex-administrateurs de Fortis renvoyés en correctionnelle

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Le parquet de Bruxelles va demander à la chambre du conseil de renvoyer sept ex-administrateurs de l’ex-holding Fortis et Fortis Banque devant le tribunal correctionnel car ils auraient mal informé les actionnaires sur la situation du groupe au moment du rachat d’ABN Amro.

Ils auraient présenté la situation sous un jour trop favorable. Le parquet de Bruxelles va par contre demander le non-lieu pour Ageas, qui a succédé au holding, et BNB Paribas Fortis, a indiqué le parquet mardi soir. Le parquet ne précise pas qui il souhaite renvoyer devant le tribunal mais tout semble indiquer qu’il s’agit des sept personnes inculpées par le juge d’instruction Jeroen Burm, soit l’ancien président Maurice Lippens, l’ancien CEO Jean-Paul Votron, son successeur Herman Verwilst, l’ancier directeur financier Gilbert Mittler, son ancien bras droit Lars Machenil, l’ancien responsable de la banque d’affaires Filip Dierckx et l’ancien directeur de risques Reginald De Gols.

Des précédentes fuites dans la presse laissent toutefois entendre que le juge d’instruction a décidé d’inculper ces sept personnes car elles n’auraient pas fourni des informations fiables sur la situation financière de Fortis dans la période 2007-2008. L’augmentation de capital de Fortis aurait également été basée sur des informations incorrectes et les comptes annuels n’auraient en outre pas fourni une image correcte de la position financière du groupe.

Maurice Lippens se dit “serein et confiant”

Maurice Lippens, l’ancien président de Fortis, “a pris note des éléments repris dans le réquisitoire du procureur du Roi”, indique son assistante dans un communiqué de presse mercredi. Même si l’identité des sept personnes visées par le parquet n’a pas encore été divulguée, tout porte à croire que Maurice Lippens figure parmi celles-ci. Maurice Lippens rappelle qu’il “occupait une fonction non exécutive en tant que président du Conseil de Fortis” et que “le tribunal civil d’Utrecht n’a (…) retenu aucune charge contre lui et le régulateur des marchés bancaires et financiers, la FSMA, n’a pas entamé des poursuites contre lui dans ce dossier”. “Maurice Lippens reste serein et confiant dans la justice belge”, conclut le communiqué.

Jean-Paul Votron répète qu’il n’a jamais essayé de manipuler l’information L’ancien CEO de Fortis Jean-Paul Votron répète qu’il n’a “à aucun moment menti ou essayé de manipuler l’information donnée au marché”, dans un communiqué de presse mercredi. Tout semble indiquer que Jean-Paul Votron fait partie, tout comme Maurice Lippens des personnes visées par le parquet.

Jean-Paul Votron prend bonne note du réquisitoire du ministère public et prépare une réponse aux accusations formulées à son encontre, indique-t-il. “Je ne peux que répéter que je n’ai à aucun moment menti ou essayé de manipuler l’information donnée au marché, ni commis le moindre acte délictueux dans le cadre de la mission qui m’était assignée par le conseil d’administration de Fortis et que j’ai exercée sous le contrôle de ce dernier”, explique l’ancien dirigeant de Fortis. Selon M. Votron, “la communication de Fortis s’est toujours faite sous le contrôle permanent des auditeurs internes et externes, ainsi que des régulateurs (CBFA et DNB) qui ont été impliqués et informés
à tout moment”. Votron estime également qu’il fait l’objet “d’une campagne de dénigrement inadmissible” depuis quatre ans et qu’il ne peut jouir de sa présomption d’innocence.

“Très étonnant que le parquet ne poursuive que des individus”

“Il est très étonnant que le parquet ne souhaite poursuivre que des individus et non pas les ‘deep pockets’ qui ont bénéficié des fautes de ces derniers, et pour lesquels ceux-ci agissaient, à savoir Ageas (ex-Fortis) et BNP Paribas Fortis (ex-Fortis Banque)”, réagit mardi soir l’avocat Laurent Arnauts, qui défend quelque 1.200 actionnaires de l’ex-groupe Fortis. Me Arnauts considère comme “très positif que le parquet partage la vision des parties civiles, selon lesquelles il est en effet question de possibles manipulations de cours et/ou escroquerie dans ce dossier, et souhaite à ce titre poursuivre pénalement un certain nombre de hauts responsables”.

L’avocat souligne également que la décision du parquet de poursuivre sept ex-administrateurs de l’ex-holding Fortis et Fortis Banque devant le tribunal correctionnel – car ils auraient mal informé les actionnaires sur la situation du groupe au moment du rachat d’ABN Amro – “n’enlève rien à la possibilité d’obtenir de la chambre du conseil le renvoi des ‘deep pockets’ devant le tribunal correctionnel”.

Enfin, “Ageas ne va de toute façon pas échapper à la procédure”, assure Me Arnauts. “Elle devra quoi qu’il arrive comparaître devant la chambre du Conseil, dès lors que des constitutions de partie civile la visent nominativement. Cependant, les parties civiles devront accomplir la plus grande part de l’effort à son égard. Ceci implique que des devoirs complémentaires puissent êtres demandés concernant l’implication des sociétés en tant que telles.”

Ageas ne veut pas crier victoire

Le parquet de Bruxelles n’a pas demandé le renvoi en correctionnelle d’Ageas dans le dossier Fortis mais l’assureur ne veut pas crier pour autant victoire. “Ce n’est que la première étape dans l’une des différentes procédures qui sont en cours”, a nuancé Kurt De Schepper, chief risk officer à Ageas, en marge de la présentation des résultats annuels. Tous les soucis ne sont donc pas encore écartés pour Ageas. Ageas a qualifié toutefois la décision du parquet de “fait positif”. “Nous nous montrons prudents et verrons ce que la procédure réservera”, a précisé M. De Schepper.

Le parquet a demandé le renvoi de sept anciens administrateurs de Fortis. Certains avaient conclu une clause avec leur employeur visant à couvrir d’éventuels futurs frais juridiques et conséquences financières de leurs actes de l’époque. De cette façon, Ageas risque de devoir encore payer pour les erreurs présumées de ses anciens administrateurs. Il est encore beaucoup trop tôt pour évaluer l’impact, estime donc Ageas. “En cas de condamnation, il y aura lieu d’examiner dans quelle mesure la clause peut être évoquée. Nous allons en tout cas faire le maximum pour nous protéger ainsi que nos partenaires”, a précisé mercredi Ageas.

L’héritage de Fortis pèsera encore un certain temps sur Ageas. Des procédures civiles ont été lancées en Belgique et aux Pays-Bas. Ageas s’attend les prochains mois à en savoir davantage sur la procédure lancée par la FSMA pour non-respect des obligations de communication de Fortis en tant que société cotée en Bourse. “Mais nous avons déjà été sanctionnés aux Pays-Bas et ne pouvons dès lors être condamnés deux fois pour les mêmes faits”, a déclaré le chief risk officer.

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