Bangladesh : les marques sont-elles responsables ?

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L’effondrement d’un immeuble à Dacca, capitale du Bangladesh, a fait près de 400 morts et 900 disparus. Cette tragédie pose la question de la responsabilité des grandes marques de textile, qui font appel à des sous-traitants parfois peu scrupuleux.

Le bilan est lourd, très lourd. Un immeuble de huit étages situé dans la banlieue de Dacca, capitale du Bangladesh, s’est effondré sur ses milliers d’occupants. Si 2.500 personnes ont pu être sauvées, on compte à l’heure actuelle 380 morts et plus de 900 disparus. Selon les premiers éléments de l’enquête, le bâtiment a été construit sur un sol instable. Les victimes, majoritairement des femmes, sont des ouvriers du secteur textile, principal pourvoyeur d’emplois dans cette région touchée par une extrême pauvreté. D’après des chiffres cités notamment par lefigaro.fr, le secteur pèse quelque 16 milliards d’euros et emploie 3,6 millions de personnes au Bangladesh. Le pays est le deuxième exportateur de produits textiles dans le monde, derrière la Chine.

De nombreuses grandes marques font appel aux services bon marché des ouvriers du Bangladesh, dont les salaires tourneraient autour de 30 euros par mois. Dans le cas du Rana Plaza, l’immeuble qui s’est effondré voici quatre jours, les choses ne sont pas encore tout à fait claires. Toutes les marques travaillant avec des sous-traitants basés dans ce bâtiment ne sont pas encore connues. Pour l’instant, les entreprises espagnoles Mango et El Corte Inglès, ainsi que la britannique Primark et la canadienne Joe Fresh, ont reconnu avoir passé des commandes à des sous-traitants logés au Rana Plaza. Des doutes existent encore au sujet de Benetton, de C&A et de Carrefour. Selon l’ONG Clean Clothes Company, ces grandes marques – qui démentent toute implication – sont liées commercialement à l’une ou l’autre entreprise travaillant dans l’immeuble aujourd’hui en ruines.

Pas de responsabilité directe

Le propriétaire de l’immeuble a été arrêté, ainsi que trois chefs d’atelier. Mais qu’en est-il des marques qui font appel à ces sous-traitants particulièrement négligents au niveau de la sécurité des locaux de leurs employés ? Leur responsabilité peut-elle être engagée ? “Même si je ne suis pas au courant des détails de la législation en vigueur au Bangladesh, cela paraît improbable. Si l’immeuble n’appartient pas aux marques en question, il est impossible de démontrer une responsabilité directe. A priori, la faute réside dans le chef du sous-traitant ou du propriétaire de l’immeuble”, répond Jo Willems, avocat en droit commercial au cabinet Lydian.

Les marques sont cependant de plus en plus attentives aux relations qu’elles entretiennent avec leurs sous-traitants. “Les marques concluent des contrats dans lesquels elles fixent des règles en matière de temps de travail, de sécurité… Mais il est évidemment difficile pour la marque de surveiller la bonne application de l’ensemble de ces dispositions”, explique Jo Willems. Dans le cas présent, on pourrait même imaginer que les marques elles-mêmes introduisent une procédure judiciaire à l’encontre de leurs sous-traitants, pour non-respect des clauses du contrat.

Un problème d’image

Mais le dommage le plus important pour les marques est surtout lié à l’image extrêmement négative que véhicule ce genre de catastrophe. Raison pour laquelle elles chercheront peut-être à redorer leur blason en proposant des indemnisations aux victimes, même en-dehors de toute responsabilité juridiquement établie. C’est ce qu’a fait récemment C&A suite à l’incendie survenu le 24 novembre 2012 à Dacca (déjà), dans une usine de confection de vêtements. C&A s’est notamment engagé à verser 1.200 dollars à chaque famille ayant perdu un proche dans cette tragédie, qui a fait 112 morts.

De nouvelles indemnisations sont à prévoir suite à l’effondrement du Rana Plaza. Clean Clothes Company estime leur montant à 30 millions de dollars, hors coût des interventions d’urgence. L’ONG fustige les audits réalisés sur place par les marques, qui n’ont pas permis de révéler les manquements en matière de sécurité. Elle presse surtout les marques de signer un accord par lequel elles s’engageraient à ne travailler qu’avec des sous-traitants respectant de nouveaux standards en matière de stabilité des bâtiments et de sécurité incendie. Une autre manière de leur faire porter une part de responsabilité dans ce type de catastrophe.

Gilles Quoistiaux

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