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Bâle III : les trous noirs du système financier

Bâle III est le Fort Eben-Emael du secteur financier : peut-être utile dans la guerre précédente mais généralement surestimé pour jouer un rôle dans la suivante.

Bâle III est le Fort Eben-Emael du secteur financier : peut-être utile dans la guerre précédente mais généralement surestimé pour jouer un rôle dans la suivante. De plus, la mise en place du système de défense renforcé – le rehaussement des fonds propres qui doivent servir d’amortisseurs – n’aura pas été entamée, a fortiori achevée, pour le moment où un nouveau problème financier surgira. Il n’est donc pas tellement utile de répéter ici l’analyse qui a déjàété faite ailleurs. Le danger pour le secteur financier ne viendra pas tellement de l’intérieur mais surtout de l’extérieur.

Politique de tolérance

Un des gros problèmes à la base de la crise financière est ce qu’on appelle le shadow banking system (le système bancaire parallèle ou fantôme). Cela signifie qu’il est possible pour une structure qui n’est pas une banque de mettre en place d’importants leviers ou de créer des liquidités “en partant du néant” dans le système financier. Le plus gros problème qui se pose, ce sont les structures financières qui rendent ces grands leviers possibles. Nous pensons ici aux hedge funds et aux produits dérivés. Toute généralisation est naturellement dangereuse. Tous les produits dérivés ne sont pas “des armes financières de destruction massive” comme les a appelées Warren Buffett en 2002.

Cependant, il n’est pas sain d’appliquer des règles (à juste titre) plus sévères à la partie visible du système financier et de pratiquer simultanément une politique de tolérance à l’égard d’une partie sans cesse croissante de ce secteur, qui n’est pas réglementée et qui n’est pas transparente.

Les organes de contrôle ne peuvent pas non plus se cacher derrière l’absence d’informations. Tout comme les leviers excessifs des banques et surtout des banques “Tchernobyl” (institutions financières complexes) avaient été répertoriés dès 2001, notamment par la Banque d’Angleterre, d’importantes parties des shadow banks ont également déjàété bien identifiées.

Le plus grand immeuble de bureaux du monde

Le dernier rapport de la Banque des règlements internationaux (BRI) contient un graphique représentant les flux de capitaux cumulés (en dollars US) au cours de ces dernières années. On peut y voir que les flux vers les paradis des Caraïbes sont aussi importants que les flux entre le Royaume-Uni et la zone euro. Des centres financiers comme les îles Caïman abritent d’obscures constructions. C’est le centre mondial des “trous noirs” du système financier. Comme Barack Obama le déclarait de façon imagée en 2009 : à une seule adresse sur les îles Caïman sont établies 12.000 entreprises. Cela cache soit le plus grand immeuble de bureaux du monde, soit la plus grande fraude…

La partie croissante non réglementée des marchés financiers n’est pas une preuve de l’impuissance des régulateurs mais plutôt de leur mauvaise volonté. Car derrière ces trous noirs financiers se dissimulent de gros intérêts qui sont surtout très importants pour les centres financiers de New York et Londres. En s’attaquant à ces trous noirs, on pourrait faire d’une pierre deux coups. Car outre le risque financier qu’ils représentent, ces centres sont aussi une manière de rendre les “trucs” fiscaux possibles. Les managers du Top 25 des hedge funds gagnent 25 milliards de dollars par an. Grâce à un lobbying ciblé et aux paradis fiscaux, ils sont soumis à des taux d’imposition plus bas que des instituteurs, des pompiers ou des ouvriers d’usine, par exemple.

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