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Après moi, le démiurge…

Annoncer sa succession est décidément à la mode. Solvay avait surpris à l’occasion du rachat de Rhodia le mois dernier, Jean-Pierre Clamadieu, le patron de l’entreprise chimique française, étant tout de go désigné futur successeur de Christian Jourquin à la tête du groupe belge…

Annoncer sa succession est décidément à la mode. Solvay avait surpris à l’occasion du rachat de Rhodia le mois dernier, Jean-Pierre Clamadieu, le patron de l’entreprise chimique française, étant tout de go désigné futur successeur de Christian Jourquin à la tête du groupe belge. C’est un appui diplomatique à la signature de l’accord, avaient alors susurré certains, avec un petit sourire entendu. Pourquoi pas, après tout ? Dès l’instant où le PDG de Rhodia a fait de sa société un partenaire enviable grâce à un redressement spectaculaire, il est clair qu’il devient lui aussi un patron enviable. Après moi, le démiurge, pouvait affirmer Christian Jourquin. Un autre démiurge, cela va de soi.

Surprise aussi chez GBL la semaine dernière. Certes, on attendait de longue date un mou-vement en ce sens dans le chef d’Albert Frère (85 ans depuis le 4 février). De longue date, au point… qu’on ne l’attendait plus vraiment et que l’annonce a surpris. D’aussi longue date, d’ailleurs, qu’à l’instar de celle de Louis XIV, la succession du baron de Gerpinnes saute finalement une génération ! Ou pres-que, en ce qui concerne Gérard Lamarche.

Faut-il pour autant en faire un fromage ? Après tout, GBL n’est jamais qu’une sicav géante, investie dans quelques grosses entreprises cotées à Paris. Le non-coté, ce qui n’est pas accessible en direct à l’investisseur, n’est qu’une (petite) cerise sur le (gros) gâteau. La participation assez marginale du groupe au fonds PAI Europe III (PAI pour Paribas Affaires Industrielles), ainsi que ses engagements dans les fonds Sagard et Ergon Capital Partners ne représentaient que 233 millions d’euros à fin 2010, soit 1,6 % d’un actif net alors évalué à 14,3 milliards. Prometteur, peut-être, mais presque négligeable.

C’est la Compagnie Nationale à Portefeuille (CNP), aujourd’hui soustraite à l’affection des épargnants, qui regroupe la plupart des participations du groupe Frère dans des entreprises non cotées. N’est-ce pas dans celles-ci qu’un financier de haut vol peut exprimer ses talents de manager, consultant, coach, banquier d’affaires, etc. ? Apportant ainsi une réelle valeur ajoutée au titre coté et aux investisseurs désireux de l’acheter ? En théorie, la réponse est largement positive, du moins à défaut d’une gestion assez active du portefeuille. On pourrait toutefois se convaincre du contraire en songeant à Berkshire Hathaway, le groupe emblématique dirigé par le légendaire Warren Buffett. Ses 200 millions d’actions Coca-Cola, détenues depuis un quart de siècle, représentent pas moins de 25 % de son portefeuille et ses 320 millions de Wells Fargo, 21 %. Avec American Express, on frise les 60 % ! Une concentration semblable à celle de GBL ? Nullement : ce portefeuille pèse beaucoup moins lourd que les entreprises intégralement détenues par le groupe, qu’elles soient historiques (l’assurance) ou récentes, tels les chemins de fer Burlington Northern Santa Fe. Berkshire n’est pas GBL mais CNP. Au carré.

Quoi qu’il en soit, la dernière acquisition réalisée par Warren Buffett, le groupe chimique Lubrizol, lui a causé bien du souci. Non au niveau de l’entreprise elle-même, mais en raison des achats de titres réalisés par David Sokol. Achats intervenus peu avant que l’intéressé ne conseille au sage d’Omaha de mettre la main sur le numéro 1 mondial des additifs pour lubrifiants. Abus d’information privilégiée, fût-ce à un niveau purement interne, voilà qui fait tache ! Exit Dave, pourtant présenté comme le dauphin du gourou. Contrairement à Albert Frère, Warren Buffett n’a donc pas de successeur désigné. Il n’y a heureusement pas le feu : né le 30 août 1930, il n’a pas encore 81 ans !

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