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Agences de rating et contrôle des banques

Depuis les soudaines modifications de notation des pays méditerranéens (ou périphériques, pour utiliser un terme plus acceptable), la question de la qualité de ces notations de crédit est posée par les gouvernements européens et n’est pas neutre. En effet, derrière le problème des agences de notation se posent les problématiques des régulations de Bâle III (pour les banques) et de Solvency II (pour les entreprises d’assurances).

Traditionnellement, il était convenu que les banques et entreprises d’assurances puissent posséder des obligations d’Etat sans exigence de fonds propres, car elles étaient sans risque. Mais ce n’est plus le cas depuis que les agences de notation ont placé la Grèce en défaut. On comprend donc mieux la critique européenne consistant à rappeler que les trois agences de notation (Standard and Poor’s, Fitch et Moody’s) sont anglo-saxonnes et qu’il faudrait une agence européenne.

Mais la question est infiniment plus complexe car, en filigrane de ces problèmes se pose la nationalisation latente du secteur du crédit, qui est le premier créancier des Etats. Le secteur bancaire restera sous la stricte surveillance de ces derniers. Cette surveillance s’exerce pour des raisons prudentielles. Mais pas seulement : les Etats devront s’assurer que les banques souscrivent aux obligations d’Etat destinées à financer les déficits. C’est ainsi que les Etats devront capturer l’épargne privée au travers des banques qui devront leur faire crédit.

En d’autres termes, l’actionnaire (l’Etat) des banques sera, plus lourdement qu’auparavant, leur emprunteur. Cette situation ambiguë sera confortée par une logique implacable. Pour éviter de devoir à nouveau intervenir dans leur sauvetage, les Etats exigeront des banques qu’elles prennent moins de risques dans l’octroi de crédits. Or les obligations d’Etat sont justement des crédits de la meilleure qualité puisqu’ils sont garantis par la capacité des Etats à lever des impôts. Contrairement aux crédits ordinaires, les banques ne doivent d’ailleurs pas disposer de capitaux propres en proportion de ces obligations d’Etat. L’actionnaire (l’Etat) peut donc promouvoir le placement de ses propres dettes.

Au-delà des garde-fous réglementaires, cette situation devient circulaire puisque les banques ont dilué leurs déséquilibres dans ceux des Etats. Ou, inversement, les Etats ont trouvé dans leurs participations bancaires des créanciers fidèles. Les Etats et les banques vont entremêler leur solvabilité dans une relation impure qui confond les rôles d’actionnaire, de débiteur et de créancier.

Les agences sous tutelle ?

Faut-il, dès lors, mettre les agences de notation sous tutelle ? Intuitivement, la réponse devrait être positive, d’autant que ces agences sont rémunérées par les entreprises dont elles doivent évaluer la surface financière. Il y a donc un conflit d’intérêt inhérent à cette relation contractuelle.

Pourtant, le débat est infiniment plus complexe que ce qu’une analyse sommaire laisserait présumer. Il est d’ailleurs similaire à celui des auditeurs externes. En effet, le véritable problème des trois agences de notation est qu’elles forment un oligopole, c’est-à-dire un marché caractérisé par un nombre limité de fournisseurs et de très nombreux clients. Or un oligopole est imparfait en termes d’économie de marché car il entraîne des rentes de situations. D’ailleurs, un oligopole est usuellement démantelé par une fragmentation forcée d’activités : les autorités de la concurrence exigent la vente de certains agrégats pour éviter les positions dominantes et les cartels.

Mais, dans le cas des agences de notation, cette stratégie ne serait pas viable. L’oligopole est incontournable car il est bâti sur la réputation de ces trois agences qui fondent leur existence sur une couverture internationale et multidisciplinaire, d’autant plus indispensable que leurs clients mondialisent leurs activités.

Ceci étant, au-delà de ce type de dispositions, les pouvoirs publics ne devraient-ils pas s’intéresser à la validité de la notation elle-même ? En d’autres termes, ne faudrait-il pas que les contrôleurs prudentiels se prononcent sur l’exactitude de la notation ? La réponse est négative. Si un organisme public se révélait capable de donner une autre notation que celle des agences, au départ de modèles mathématiques qu’on suppose plus évolués, pourquoi les agences ne les utiliseraient-elles pas directement ? Dans un tel schéma, ce serait également contre la structure de contrôle public qu’un recours devrait s’exercer en cas d’erreur d’appréciation de la notation. De surcroît, un contrôle public des agences de notation ferait planer le doute d’une influence étatique portant sur les notations souveraines elles-mêmes.

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