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148 ans de tentatives monétaires

Tous les économistes sérieux savent que la crise de l’euro est loin d’être terminée. Le risque d’une aggravation et d’une prolongation est d’ailleurs considérable.

Comment finira-t-elle ? C’est peu clair car les Etats doivent subir une purge de leurs dettes publiques. Mais cette dernière est inopérable dans une perspective budgétaire, puisqu’une augmentation des impôts ou une baisse des dépenses publiques serait effroyable dans le contexte de récession que nous connaissons.

Il faudra donc utiliser — comme nous l’avons sans cesse défendu depuis trois ans — l’arme monétaire, c’est-à-dire un assouplissement massif de la création de monnaie.

Une telle démarche, de nature inflationniste, sera un palliatif à un défaut massif des Etats européens, ce qui s’assimilerait à une gigantesque opération Gutt, en référence à l’échange des billets mis en oeuvre en 1944.

En d’autres termes, il vaut mieux inonder les économies dans la création monétaire que de chercher la rédemption dans l’austérité.

Mais, au-delà de ce problème de dettes publiques, ce qui est troublant, c’est que les tentatives d’harmonisation monétaire européenne furent nombreuses et que toutes échouèrent à cause de l’hétérogénéité des différentes économies reliées par la même devise.

L’Union monétaire latine de 1865, il y a 148 ans, fondée sur le bimétallisme or-argent, fut probablement la tentative la plus ambitieuse, affiliant 32 pays.

Elle s’effrita sur la guerre franco-allemande de 1870 (qui contraignit la France à payer 5 milliards de francs or à l’Allemagne), les fluctuations relatives du cours de l’or et de l’argent (suite, notamment, à la découverte d’or en Californie) avant de s’échouer définitivement sur la guerre de 1914. Il y eut aussi le “bloc-or” de 1933 qui constitua une tentative d’étalon-or articulé autour du franc français.

La Belgique en fit partie. Ce bloc-or entraîna donc ses Etats constituants dans une récession qui en expulsa ses participants entre 1933 et 1935.

Et l’euro, aujourd’hui ? Il est devenu un système d’étalon-or sans référence aurifère et ainsi sans possibilité de dévaluation des devises individuelles. L’euro s’est peut-être transformé en une fuite en avant vers une homogénéité économique que les faits démentent.

Ceci ramène à la théorie des zones monétaires optimales de l’économiste canadien Mundell, prix Nobel 1999. Ce dernier a défendu l’idée qu’une zone monétaire était optimale si elle était caractérisée par une mobilité des facteurs de production, dont le travail.

Concrètement, cela signifie qu’en cas de choc négatif sur une des nations constituantes de la zone monétaire, des déplacements de travailleurs sont constatés afin de recréer un état d’équilibre.

Un des autres attributs d’une zone monétaire est le degré de diversification des économies : plus ces dernières sont diversifiées, plus elles forment une zone monétaire optimale.

L’euro ne répond que modestement à ces critères, puisque les facteurs de production sont restés très locaux (et le redeviennent de plus en plus à travers une redomestication progressive des banques) et que les économies membres de la zone euro sont restées très spécialisées.

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