“Tous les regards des professionnels sont braqués sur Tomorrowland”

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Si les parcs d’attractions n’ont jamais connu autant de succès, ils font également face à de nombreux défis. Le Danois Andreas Andersen, CEO d’un parc d’attractions suédois, mais également président de l’IAAPA, détaille les nouveaux enjeux du secteur.

Agé aujourd’hui de 46 ans, Andreas Andersen a contracté le virus des parcs d’attractions chez nous, à Walibi. Près de quatre décennies plus tard, il est le CEO du parc d’attractions suédois Liseberg, le plus grand de Scandinavie, et assume également cette année la présidence de l’IAAPA, la fédération des parcs d’attractions et de leurs sous-traitants. Une organisation dont l’univers est en pleine expansion puisque des domaines skiables, des entreprises de croisière et des constructeurs de centres commerciaux sont également membres de l’IAAPA. Un organisme qui, par la voix d’Andreas Andersen, n’est pas avare de louanges envers les parcs belges. Et surtout du festival techno Tomorrowland.

Nous luttons tous pour la même chose, le temps et l’argent de nos visiteurs.

Si je fais ce job, confie-t-il, c’est notamment parce que j’ai grandi à Bruxelles. J’y ai vécu avec mes parents, de l’âge de 6 à 11 ans. Ils travaillaient dans les institutions européennes. Et j’adorais Walibi. C’est là que j’ai contracté le virus. Si j’ai fait carrière dans ce secteur, c’est de la faute de Walibi ( il rit). Les acteurs belges se distinguent également par leur professionnalisme et leur ouverture. Je suis fier des bonnes relations que nous entretenons avec Tomorrowland. Aujourd’hui, tout le secteur a les yeux braqués sur eux, notamment sur la manière dont ils abordent les questions de sécurité. Ils disposent d’un système d’accès impressionnant et sont un exemple à suivre en matière de séjours sans cash. Ils ont également des leçons à donner concernant les possibilités d’atteindre les plus jeunes. Ils ont conféré une nouvelle dimension à la fomo, la fear of missing out. Ils sont parvenus à élaborer une stratégie qui donne le sentiment de devoir absolument être présent sous peine de rater quelque chose de génial, ce qui est très pertinent dans notre secteur. Nous voulons tous des attractions que les visiteurs veulent absolument voir, et dont ils prendront ensuite une photo qu’ils partageront sur Facebook ou Instagram afin de rendre les autres jaloux.

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TRENDS-TENDANCES. Comment le secteur des parcs d’attractions se porte-t-il ?

ANDREAS ANDERSEN. Il enregistre une croissance continue et fait preuve de réactivité. Les perspectives pour les cinq à dix prochaines années sont donc très favorables. Nous observons surtout de la croissance en Asie, mais des marchés matures comme la Belgique, la Scandinavie et l’Allemagne recèlent encore un potentiel indéniable. On note également une évolution rapide de la structure de notre secteur. Sur un marché mature, il n’y a guère de sens à ajouter des montagnes russes ou des toboggans aquatiques à un parc. L’évolution des habitudes de voyage a dopé l’importance du marché des short breaks. Il faut donc créer des possibilités de séjour. Plopsa à La Panne en est un très bon exemple. En 2020, ils ajouteront un hôtel à leur parc. Et j’espère en inaugurer un à Liseberg, le parc thématique de Göteborg que je dirige depuis sept ans. C’est devenu un élément de plus en plus important de la croissance et de la rentabilité du secteur.

Profil

Né à Copenhague, 46 ans

Etudes de droit à l’université de Copenhague et de comptabilité à la Copenhagen Business School

1996-2001 : deputy manager au ministère danois des Finances

2001-2008 : d’abord avocat, puis vice-président du parc Tivoli

2008-2011 :executive director de l’IAAPA

Depuis février 2011 : CEO de Liseberg

2018 : président de l’IAAPA

Les parcs d’attractions représentent désormais un énorme business. On y investit des milliards…

Effectivement, d’énormes investissements sont annoncés, dans la plupart des cas pour prolonger la durée de séjour ou permettre une ouverture toute l’année. Disney investit quelque 2 milliards, principalement à Paris. Europa-Park ( le plus grand parc d’Allemagne, Ndlr) va investir 300 millions, comme Liseberg. La Compagnie des Alpes va construire de nouveaux logements et de nouvelles attractions au Parc Astérix et au Futuroscope, Merlin Entertainment investit dans des parcs en Italie et au Royaume-Uni, et Walibi, Efteling ( aux Pays-Bas, Ndlr) et Plopsa annoncent également des investissements. Cela devient vraiment fou : il y a d’énormes projets non seulement en Chine, mais aussi au Moyen-Orient, comme Warner Brothers qui a construit le plus grand parc thématique indoor du monde à Abu Dhabi.

Auparavant, un parc d’attractions était un parc d’attractions, et un zoo était un zoo. Aujourd’hui, on trouve des combinaisons multiples.

Les investisseurs en capital-risque se jettent également sur le secteur…

Croyez-moi, il existe de nombreux secteurs où il est beaucoup plus facile de gagner de l’argent que dans les parcs d’attractions ( il rit). Mais effectivement, de nouveaux investisseurs dotés de moyens immenses sont arrivés dans le secteur ces dernières années, surtout en Chine et en Asie du Sud-Est. Mais la plupart le font pour d’autres raisons. Ils utilisent le parc d’attractions comme véhicule pour vendre de l’immobilier commercial résidentiel. Ils construisent un parc d’attractions pour pouvoir écouler des dizaines de milliers d’appartements autour. Heureusement, les autorités chinoises sont récemment intervenues.

Auparavant, les parcs d’attractions étaient surtout une affaire de montagnes russes. Est-ce toujours le cas ?

Les formes hybrides s’imposent de plus en plus. Auparavant, un parc d’attractions était un parc d’attractions, et un zoo était un zoo. Aujourd’hui, on trouve des combinaisons multiples. Nous voyons par exemple des centres commerciaux proposer beaucoup d’expériences et devenir ainsi des concurrents des parcs. Leur business model se rapproche du nôtre. Récemment, nous avons même été invités au Conseil des centres commerciaux allemands, et j’ai eu une entrevue avec les responsables du groupe français Rodamco qui construit un centre commercial à proximité de Disneyland Paris. Je m’attends aussi à ce que de nombreux parcs, comme l’Europa-Park, construisent des zones RDE ( retail, dining, entertainment/commerce, restauration et divertissement, Ndlr) dans ou à côté de leurs installations.

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Quel est le terrain d’action de l’IAAPA ? Inclut-il également les navires de croisière ?

Effectivement. Nous grandissons dans de nombreux secteurs qui n’étaient pas aussi pertinents pour nous auparavant, et les navires de croisière en sont un bon exemple. Les derniers paquebots géants sont presque des parcs d’attractions. Nous comptons également des stations de ski, un groupe de développement immobilier autrichien et des musées parmi nos membres. Ils veulent savoir comment divertir leurs hôtes et les exploitants de parcs d’attractions peuvent le leur apprendre. Un musée doit également être dirigé comme un parc. Finalement, nous luttons tous pour la même chose : le temps et l’argent de nos visiteurs.

On a recensé plusieurs accidents mortels ces dernières années…

Les problèmes qui surviennent en Indonésie ou aux Etats-Unis ont également un impact sur le Benelux et la Scandinavie. Nous sommes tous dans le même bateau. L’IAAPA tente dès lors d’accroître les connaissances de ses membres pour rendre les attractions plus sûres et faire appliquer les mêmes normes par tout. Si nous ne garantissons pas la sécurité, nous sommes condamnés à disparaître. Les statistiques démontrent que nous sommes plus performants que la plupart des autres secteurs en matière de sécurité. Un grand nombre de pays européens disposent de législations et de systèmes d’inspection de grande qualité. Le niveau de sécurité est très élevé ici, surtout dans les parcs belges. Mais il subsiste d’importantes marges d’amélioration dans les marchés émergents.

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Les attractions attirent un large public. Qu’en est-il de la menace terroriste ?

C’est évidemment une de nos principales préoccupations. Prenez les attentats au Bataclan à Paris. C’était la veille de l’ouverture de notre marché de Noël à Liseberg. A 1.500 km de Paris, nous avons ressenti l’impact de cet attentat pendant des semaines. Disneyland Paris est resté fermé pendant plusieurs jours. En tant que fédération, nous créons une plateforme sur laquelle nos membres peuvent se concerter sur la sécurité. Les plus grands acteurs ont l’expérience, la puissance et les moyens nécessaires pour innover dans ce domaine et nous veillons à ce que tout le monde puisse en profiter au sein du secteur.

Quel sera le prochain grand théâtre des hostilités pour les parcs d’attractions ?

L’Europe de l’Est, à présent que les revenus disponibles sont en hausse. La Pologne en est un bon exemple et de nombreux projets se construisent également en Russie. Et il y a bien entendu l’Asie. Legoland enregistre une forte croissance, Disney vise surtout la Chine et Fox est active en Malaisie. L’Arabie saoudite est un marché en plein essor et Dubaï est intéressant après quelques problèmes de mise en place. L’évolution est rapide. Ainsi, j’étais récemment au Vietnam où j’ai visité le groupe Sun World Danang Wonders. Il a été constitué il y a sept ans à peine, mais exploite déjà plusieurs parcs et est agressif dans son expansion.

La plupart des investisseurs utilisent le parc d’attractions comme véhicule pour vendre de l’immobilier commercial résidentiel.

Quelle est la principale menace ?

Que nous répondions mal aux évolutions actuelles. Nous pourrions également faire mieux en termes de durabilité. Je pense principalement à des aspects comme les gobelets en plastique. Et la véritable concurrence provient de tout ce qui est numérique. Dans une étude de nos parcs allemands, on a demandé à des adolescents de citer les principaux concurrents pour les parcs d’attractions ( il sort son smartphone) et cette petite chose est arrivée largement en tête… La numérisation a également un impact sur la manière dont les tickets seront vendus et dont un parc restera en contact avec ses visiteurs après la visite. Les analyses de données sont de plus en plus importantes pour connaître les souhaits et le comportement des visiteurs.

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Les nouvelles idées sont-elles de plus en plus souvent copiées ?

Quand j’ai commencé dans ce secteur, on le surnommait affectueusement l’industrie de la photocopie. Tout le monde copie tout le monde mais surtout Disney, qui a été novateur pendant de nombreuses années. Ce n’est plus le cas. On retrouve des innovations partout. L’important, c’est de connaître ses visiteurs et de rester fidèle à l’ADN de son parc. Liseberg, mon parc, fêtera son centième anniversaire dans cinq ans et il y a certaines choses qu’il est tout simplement impossible de copier.

Plus fort… ou mort

” Auparavant, la présidence de l’IAAPA était surtout une fonction cérémonielle, se remémore Andreas Andersen. On embrassait des bébés et on coupait des rubans ( il rit). Ce n’est plus le cas. Il faut prendre de très nombreuses décisions stratégiques. Nous déménageons notre quartier général de Washington DC à Orlando, nous devons rechercher un nouveau CEO, et nous fêterons cette année le centième anniversaire de l’IAAPA ( qui organise également l’Euro Attractions Show, le salon annuel du secteur des loisirs qui se tient fin septembre à Amsterdam, Ndlr). De plus, je me trouve au coeur d’un lourd programme d’investissement à Liseberg, le parc urbain de Göteborg que je dirige. Le volume de travail est donc énorme. Mais je survis. On dit que ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. L’an prochain, je serai donc beaucoup plus fort… ou mort. ”

Disney comme exemple

” Disney est une grande source d’inspiration, mais il est difficile à suivre pour les petits parcs régionaux, analyse Andreas Andersen. Ainsi, à Orlando, Disney World a lancé il y a quelques années un bracelet RFID connecté à votre smartphone et qui est la clé de votre fast pass ( un système de réservation anticipée d’une attraction qui permet de contourner les longues files d’attente, Ndlr). C’est un très bon exemple de la manière dont le numérique envahit l’industrie et influence les visites des parcs. Mais il s’agissait d’un investissement d’un milliard de dollars. Il est donc impossible pour un petit parc de suivre, même s’il existera peut-être une version plus abordable dans quelques années. “

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