Investir: l’Asie au centre de l’attrait émergent

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Le redressement des attentes bénéficiaires touche désormais un large nombre de secteurs.

Après avoir été une des bonnes surprises de l’année 2017, les fonds investis en actions émergentes ont connu un début d’année plus difficile, en raison principalement de la force du dollar sur le marché des changes. Pour autant, les gestionnaires investis sur ces marchés conservent une grande confiance dans les perspectives à moyen terme. Nous en avons rencontré trois ces dernières semaines.

Croissance et valorisation

Sean Taylor, head of emerging markets equity chez DWS, reste optimiste pour les perspectives des marchés émergents, même si plusieurs éléments sont venus peser sur les valorisations durant les dernières semaines, comme la hausse des taux d’intérêt aux Etats-Unis, l’appréciation du dollar et le risque d’une guerre commerciale. ” C’est clairement ce dernier facteur qui pose le plus de risques, et les marchés détestent l’incertitude. Ceci étant, il faut signaler que ces politiques protectionnistes ne changent fondamentalement rien aux perspectives favorables sur le long terme. ”

” La croissance économique, la valorisation et la croissance des résultats constituent les trois piliers sur lesquels se base notre optimisme, souligne Krishan Selva, client portfolio manager chez Columbia Threadneedle. C’est aujourd’hui un point d’entrée attractif au vu d’une décote de 25 % par rapport à la valorisation des marchés développés. En outre, alors que la croissance bénéficiaire en 2017 avait surtout été poussée par le secteur technologique chinois, le redressement des résultats est aujourd’hui beaucoup plus large. ”

” Pour notre part, nous pensons que le marché a accordé des valorisations trop élevées pour certaines sociétés de faible qualité sensibles au cycle, souligne Glen Finegan, head of global emerging market equities chez Janus Henderson. Face à cet optimiste exagéré, nous pensons qu’il convient de rester positionné sur des valeurs de qualité et d’adopter une discipline stricte dans la valorisation des sociétés que nous mettons en portefeuille. Nous restons néanmoins optimistes, notamment sur les tendances structurelles visant à une augmentation des standards de vie dans le monde émergent. ”

Solidité chinoise

Chez DWS, Sean Taylor souligne les perspectives favorables offertes par le marché chinois. ” La qualité de la croissance est en amélioration, avec une moindre importance des grands programmes d’infrastructures et une crise financière qui semble avoir été bien maîtrisée. En outre, l’équipe dirigeante va avoir les coudées franches pour piloter les réformes structurelles durant les cinq prochaines années. ”

Au niveau sectoriel, Sean Taylor apprécie notamment les entreprises chinoises exposées sur les dépenses de consommation, comme les soins de santé, les équipements sportifs, ou l’éducation. ” En Chine, il est courant pour les parents de sacrifier leurs économies pour s’assurer que leurs enfants aient une meilleure vie. ”

L’Inde constitue un autre pays surpondéré au niveau de la stratégie sur les Bourses émergentes. Et au niveau sectoriel, les valeurs internet conservent une place importante, ” mais pas les sociétés qui font partie de la chaîne d’assemblage d’Apple en Corée du Sud ou à Taïwan “.

Changements politiques

Glen Finegan (Janus Henderson) souligne pour sa part qu’un marché comme l’Afrique du Sud pourrait receler des perspectives plus favorables que les très populaires marchés asiatiques. ” Depuis un certain temps, nous avons mis en évidence le fait que les valorisations des belles sociétés asiatiques sont devenues très chères, dit-il. Nous apprécions les changements politiques en cours dans un pays comme l’Afrique du Sud, et nous nous attendons à voir une forte hausse des dépenses d’investissements après une longue période de stagnation. ”

” Ceci devrait constituer un terrain fertile pour les investisseurs à la recherche d’opportunités pour le long terme. ” Glen Finegan souligne en parallèle avoir une exposition relativement limitée sur les actions chinoises, plus particulièrement pour les entreprises d’Etat qui n’agissent que rarement en tenant compte des intérêts des actionnaires minoritaires.

Gestionnaires

Krishan Selva souligne que la stratégie d’investissement de son fonds vise des sociétés affichant des flux de trésorerie élevés, avec un accent important mis sur les petites et moyennes capitalisations. ” Nous apprécions des modèles d’entreprise qui ont fait leurs preuves dans les marchés développés, et qui sont aujourd’hui appliqués dans les pays émergents, comme le réseau sud-africain de pharmacies Clicks. Nous ne cherchons pas des entreprises qui vont réinventer la roue. ”

A noter également que le fonds de Columbia Threadneedle affiche des performances historiques peu engageantes sur Morningstar, mais que ces chiffres correspondent à ceux de l’ancienne équipe de gestion (celle de Threadneedle), qui a été remplacée par les gestionnaires émergents de Columbia, dont les performances sont autrement plus impressionnantes (progression annualisée de 9 % par an sur les cinq dernières années).

Et sur les marchés frontières…

Olivier Bell, gestionnaire du fonds T.Rowe Price-Frontier Markets Equity
Olivier Bell, gestionnaire du fonds T.Rowe Price-Frontier Markets Equity© PG

Oliver Bell gère le fonds T.Rowe Price-Frontier Markets Equity, un produit noté quatre étoiles chez Morningstar qui a très largement dépassé la performance de son indice de référence sur les trois dernières années. Il souligne quelques avantages de ce segment du marché, constitué de pays qui sont trop peu avancés pour pouvoir être intégrés dans les indices émergents. Ce groupe reprend plus 100 pays disposant d’un marché boursier. ” Pour notre part, nous investissons sur 35 d’entre eux, avec un portefeuille comprenant entre 60 et 80 valeurs, et un taux de rotation des actifs très faible (environ 30 % par an). ”

Le portefeuille sera très largement exposé sur le secteur financier, en donnant la prédilection aux banques locales ayant des modèles simples. ” Au niveau des pays, nous sommes surpondérés sur l’Arabie saoudite, l’Argentine et le Sri Lanka “, mais pour des raisons très différentes. Le premier pays pourrait faire son entrée dans le cercle des pays émergents d’ici la fin de l’année, avec notamment l’introduction boursière d’Aramco. Le second dispose d’une nouvelle équipe dirigeante qui a entrepris des réformes structurelles favorable à l’attractivité du pays pour les investisseurs globaux. Et le troisième profite d’un boom touristique depuis la fin de la guerre civile et est un endroit de passage obligé pour le trafic maritime vers le marché indien.

Le processus d’investissement repose sur une connaissance approfondie des pays, avec de nombreux déplacements qui vont permettre d’avoir un portefeuille très différent de l’indice de référence. Oliver Bell indique que les marchés frontières sont peu soumis aux fluctuations des marchés globaux et affichent également des corrélations faibles entre eux. ” En outre, avec les performances relativement décevantes de ces dernières années, leur valorisation a rarement été aussi attractive et ils devraient donc réaliser de bonnes performances dans le futur. Ce sont également des marchés peu couverts par les gestionnaires internationaux, et recelant d’excellentes opportunités d’investissement pour les gestionnaires actifs. ” Point intéressant de la philosophie d’investissement de ce fonds, l’analyse action sera systématiquement complétée par une analyse crédit, qui poussera le gestionnaire à éviter un pays si les perspectives d’évolution sont négatives sur la devise. ” Le dollar constitue le principal risque pour un investissement sur les marchés frontières, qui sont également souvent exposés sur le pétrole. “

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