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Fiasco du G7: esprit de Rambouillet, es-tu là ?

Le premier sommet des grands pays industrialisés se tint à l’initiative du président français Valéry Giscard d’Estaing. Il réunissait la France, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, le Japon et les Etats-Unis. Nous étions en 1975, année au cours de laquelle les Britanniques avaient largement dit oui à Europe et où Anderlecht gagna la coupe d’Europe des vainqueurs de coupe. Oui, une autre époque… La réunion des six eut lieu au château de Rambouillet. Un septième, le Canada, vint s’adjoindre, un an plus tard. Le G7 était né.

Le monde de 1975 n’était pas tout rose. Il digérait difficilement la fin du système des changes fixes de Bretton Woods et il était déjà secoué par le premier choc pétrolier. Les Trente Glorieuses s’estompaient. Toutefois, l’idée de réunir dans une atmosphère détendue et conviviale les principaux chefs d’Etat consistait justement à éviter, pour répondre à des problèmes qui à l’évidence étaient mondiaux, que chacun s’enferme dans une bulle mortifère.

La ” déclaration de Rambouillet “, publiée à l’issue du premier sommet, soulignait cette volonté d’assurer le développement ” d’une société ouverte, démocratique, profondément attachée à la liberté individuelle et au progrès social ” et ” d’une coopération internationale accrue “.

Par la suite, les communiqués du G7 ont le plus souvent été délicieusement tièdes. Ils ont parfois, en de rares occasions, donné des impulsions salvatrices. Comme en 2009, lorsque ces grandes économies ont décidé d’ouvrir les vannes de l’argent public pour sauver l’économie mondiale. Mais ils ont toujours été consensuels… jusqu’à ce dernier week-end, où le président Donald Trump a torpillé l’entente économique occidentale en invectivant au passage le Canada et l’Europe et en menaçant du même coup le financement de l’Otan.

Une fois le choc passé, on tente de réfléchir. Ce comportement apparemment irrationnel et très changeant du président américain obéirait-il en réalité à une stratégie subtile ? On essaie de trouver.

Jouer au fou n’est valable que dans une partie où, nécessairement, l’un gagne, et l’autre perd. Or, c’est un peu plus compliqué dans la ” vraie vie ” du commerce international.

” Imaginez que vous êtes au bord d’une falaise enchaîné par les chevilles à quelqu’un d’autre. Vous serez libérés tous les deux dès que l’un de vous deux jettera l’éponge. L’autre, celui qui n’aura pas abandonné, gagnera alors une forte récompense. Que faire ? ” Vous dansez, avait répondu le prix Nobel d’économie Thomas Schelling. Vous dansez de plus en plus près du bord. Vous n’avez pas à convaincre l’autre gars que vous vous comportez de manière irrationnelle. Vous devez le convaincre simplement que vous êtes davantage disposé que lui à prendre le risque de tomber de la falaise. Si vous réussissez, vous gagnez. ” Richard Nixon, qui avait employé cette stratégie en diplomatie, l’appelait ” the madman theory “. La théorie du fou.

Donald Trump semble l’adopter, lui aussi. De même, d’ailleurs, que les Brexiters les plus durs qui veulent tordre le bras de l’ Union européenne, mésestimant la force des biceps européens et ignorant qu’après un tel combat, votre adversaire aura du mal à vous considérer comme un partenaire commercial honnête et sûr.

Car jouer au fou n’est valable que dans une partie où, nécessairement, l’un gagne et l’autre perd. Or, c’est un peu plus compliqué dans la ” vraie vie ” du commerce international où souvent, une ouverture réciproque est gagnante pour chacun et où, à l’inverse, un repli protectionniste se traduit généralement par un ralentissement de l’activité d’un côté comme de l’autre.

Lors du week-end de ce G7 catastrophique, se réunissait aussi l’Organisation de coopération de Shanghai, qui rassemble la Chine, l’Inde, le Pakistan, la Russie ainsi que quelques républiques asiatiques issues de l’ancienne Union soviétique. Ces pays ont, eux, tissé de nouveaux liens malgré les divergences qui peuvent animer Pékin et New Delhi. Face au chaos du vieux monde, le nouveau se met en place. L’esprit de Rambouillet souffle désormais davantage à Pékin qu’à Washington. On peut en rire. On a cependant plutôt envie d’en pleurer.

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