“Le fisc se méfie de la mesure anti-abus”

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La toute première application de la fameuse loi anti-abus n’émeut guère le fiscaliste Thierry Afschrift.

La toute première décision de jurisprudence concernant la mesure anti-abus (le fameux article 344 du CIR) est tombée. Le tribunal de Bruges a rejeté la contestation de redressement fiscal par une société holding de Wevelgem (Belinvest), confirmant ainsi la requalification par l’administration fiscale d’une réduction de capital en distribution de dividendes (mécanisme de plus-values dites ” internes “, qui consiste à faire remonter des liquidités vers les actionnaires d’un holding sans application de précompte mobilier).

Que vous inspire cette décision du tribunal de Bruges ?

Il s’agit d’une première décision prise par un tribunal de première instance, c’est-à-dire au bas de l’échelle judiciaire. Il faudra donc voir ce que diront éventuellement d’autres tribunaux. Cela étant, je pense qu’il s’agit d’un jugement qui est mal fondé. Pourquoi ? Parce que, comme d’habitude, on n’a pas posé la bonne question. Selon moi, il fallait rechercher si le législateur avait eu comme objectif de placer sur le même plan réduction de capital et distribution de dividendes. Ce n’est manifestement pas le cas. Bref, comme on n’a pas posé la bonne question, on arrive à la mauvaise réponse.

Le jugement peut-il néanmoins avoir un impact sur le principe du choix de la voie la moins imposée ? Autrement dit, s’agit-il d’une mauvaise nouvelle pour ceux qui ont recours à des montages fiscaux pour diminuer la charge de l’impôt ?

Non, je ne pense pas. La loi anti-abus vise des hypothèses très limitées. Et ce n’est pas parce qu’une première décision lui donne corps que le principe de l’évitement en toute légalité de l’impôt va vaciller. Il faut bien constater, d’ailleurs, que ce principe du choix de la voie la moins imposée n’est nullement remis en cause par la jurisprudence. Loin de là. Les mesures anti-abus de l’Europe, qui font partie du nouveau paquet de directives fiscales applicables d’ici 2021, sont par contre plus inquiétantes à ce niveau-là.

L’administration est-elle devenue plus agressive avec cette mesure anti-abus ?

Si elle est devenue plus agressive dans ses contrôles, ce n’est en tout cas pas à cause de la disposition anti-abus. Dans la pratique, on voit bien qu’elle l’invoque très rarement. Elle préfère s’appuyer sur l’argument de la simulation, comme si elle se méfait de la disposition anti-abus. Peut-être parce qu’elle sait qu’il s’agit d’un texte mal rédigé, né à l’époque d’un compromis dans un gouvernement composé de cinq partis (Di Rupo), allant de la droite jusqu’à la gauche.

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