Mon argent à la sauce PSD2 saupoudré de MiFID II: késako ?

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Payer, épargner, gérer ses comptes… En 2018, beaucoup de choses vont changer pour les consommateurs lambda de services bancaires que nous sommes. En cause, une série de nouvelles réglementations européennes telles que MiFID II ou PSD2. De quoi s’agit-il exactement et que doit-on en attendre ?

PSD2, MiFID II, GDPR, PRIIPs… A moins d’être banquier ou expert en placements, ces acronymes un peu barbares ne vous disent probablement pas grand-chose. Derrière eux se cachent pourtant de nouvelles règles qui vont chambouler vos habitudes de consommation en tant que client de banque. Des nouvelles règles mises en place au niveau européen qui concernent les produits d’épargne, les paiements, et donc la gestion de vos comptes, ainsi que le partage et la protection de vos données. Bref, entre vous et votre banquier, les choses ne seront plus tout à fait les mêmes que précédemment. Tour d’horizon des principales conséquences à attendre.

1. Plus de transparence

C’est ce 3 janvier qu’est entrée en vigueur la directive européenne MiFID II, qui vise à améliorer la transparence des produits d’investissement vendus au particulier par les intermédiaires financiers (banque, société de Bourse, etc.). Pour renforcer la protection du consommateur, elle prévoit notamment que les investisseurs, petits et grands, recevront une facture détaillant les frais et connaîtront ainsi le coût du service presté qu’ils payaient jusqu’ici de manière moins claire à travers des commissions. But de la manoeuvre ? Mettre fin à la pratique qui consistait pour les institutions financières à proposer des produits qui leur rapportent des commissions plus élevées mais qui sont moins adaptés au profil du client. Plus prosaïquement, ” MiFID II va accélérer la transparence sur les frais en matière de fonds de placement et donc attirer l’attention du consommateur sur la différence entre les banques “, soulignait dernièrement dans notre magazine le CEO de Deutsche Bank Belgium, Alain Moreau, mettant en avant les 0 % de frais d’entrée et de sortie sur la grande majorité des 1.800 fonds commercialisés par Deutsche Bank tandis que d’autres banques prélèvent jusqu’à 3 % de frais sur leurs propres fonds ” maison “.

Une heure de discussion avec une star de l’analyse financière dans une grande banque d’investissement américaine pourrait coûter… 2.500 dollars !

Par ailleurs, les analyses financières fournies jusqu’ici gracieusement par les banques devront, au passage, figurer sur la liste des frais facturés. Désormais, ” les coûts de recherche devront être clarifiés et non plus camouflés au plus opaque des comptes des acteurs, là où se faisait naguère la profitabilité, à l’abri de la concurrence “, analysait dernièrement dans un éditorial Philippe Maudry, directeur des rédactions de l’Agence économique et financière (Agefi). Rien n’est jamais gratuit, en effet. Aujourd’hui, ” si vous recevez gratuitement de la banque, c’est que vous la payez quelque part ailleurs “, relève André-Pierre André-Dumont, avocat spécialisé en droit bancaire au cabinet Buyle Legal. Voilà pourquoi, selon Bloomberg, Nomura compte facturer jusqu’à 120.000 euros par an à ses grands clients pour ses rapports et l’accès à ses analystes. Selon la grande banque britannique Barclays, une offre premium pour un service illimité sur une année pourrait coûter 350.000 livres. Last but not least, une heure de discussion avec une star de l’analyse financière dans une grande banque d’investissement américaine pourrait quant à elle vous coûter… 2.500 dollars !

2. Plus de concurrence

L’autre grand changement pour les clients des banques en 2018, c’est l’arrivée de la directive PSD2 (en français dans le texte, directive sur les services de paiement 2). Entrée en vigueur ce 13 janvier, elle a pour objectif de corriger le marché unique des paiements, trop peu concurrentiel car aujourd’hui encore trusté par les banques. L’idée consiste à obliger les banques à permettre à des entreprises tierces d’accéder aux données relatives aux comptes bancaires pour qu’elles puissent elles aussi initier des transactions. La menace n’est pas négligeable pour les banques traditionnelles. Pourquoi ? Parce que bien sûr des acteurs non bancaires mais néanmoins très puissants comme Amazon, ou des fintechs, pourraient pénétrer le marché des solutions de paiement. D’un autre côté, cette ouverture du marché est aussi vue par les enseignes bancaires classiques comme une opportunité. Comme nous le révélions dans notre magazine la semaine dernière, plusieurs grandes banques belges disent en effet vouloir profiter de la nouvelle directive PSD2 pour proposer d’ici quelques mois de nouveaux services. A commencer, par exemple, par la possibilité donnée à leurs clients de consulter l’ensemble de leurs comptes, y compris ceux ouverts chez les concurrents, et même de pouvoir effectuer des paiements au départ de ces autres comptes. Et cela, via une seule appli. Un service que Belfius lancera d’ailleurs d’ici l’été. Bref, vous êtes client de plusieurs banques et avez donc autant d’applications pour gérer vos comptes. Le casse-tête devrait bientôt appartenir au passé. ” Il s’agit de fluidifier les paiements transfrontaliers dans le marché intérieur tout en tenant compte des évolutions technologiques et de permettre ainsi l’arrivée de nouveaux acteurs “, explique André-Pierre André-Dumont. En effet, la vague de régulation post-crise pour éviter une nouvelle catastrophe financière a créé une situation de monopole pour les banques. La citadelle bancaire est aujourd’hui entourée de trop nombreux ponts-levis, qui ont pour noms MiFID II, Bâle 3 (renforcement du matelas de fonds propres), etc. D’où des initiatives comme PSD2.

3. Plus de papier

” Le client en banque de détail constatera les effets de MiFID II par une augmentation considérable du volume de documents qui lui seront soumis “, pointe André-Pierre André-Dumont chez Buyle Legal. Succédant à MiFID I qui obligeait les intermédiaires financiers à dresser votre profil financier en tant qu’investisseur, MiFID II impose l’élaboration de profils types encore plus détaillés (défensif, neutre, équilibré, dynamique, etc.). Et cela, ” via des questionnaires de plus en plus développés mais propres à chaque banque en fonction de son offre de produits “, ajoute l’avocat de Buyle Legal.

Rien n’est jamais gratuit. Les coûts opérationnels seront d’une manière ou d’une autre répercutés sur le client.

Avec MiFID II, PRIIPs est l’autre nouvelle grande réglementation européenne qui va générer plus de papier ( lire l’encadré ” Lexique “). Visant également à améliorer la transparence des produits d’investissement vendus aux particuliers, PRIIPs, d’application depuis le 1er janvier, prévoit en effet que chaque produit ” packagé ” soit accompagné d’une fiche d’information (appelée KID pour Key Information Document). Celle-ci doit clairement spécifier le coût et les risques du produit en question. On pense notamment aux produits d’assurance de la branche 23 dont le rendement n’est pas garanti et dépend des fluctuations de marché. ” Ici aussi, le but est de permettre à l’épargnant d’investir en connaissance de cause. La question est de savoir s’il va réellement lire tous ces documents avant de les signer “, s’interroge André-Pierre André-Dumont. De fait, le nouveau CEO de la fédération bancaire (Febelfin) Karel Van Eetvelt estime qu’il est important que la mise en oeuvre de ces nouvelles réglementations rencontre correctement cet objectif en pratique et permette de mieux informer et protéger l’investisseur ( lire l’encadré intitulé ” On constate une certaine lourdeur et de la confusion “).

4. Plus de standardisation

C’est le revers de la médaille de toutes ces nouvelles règles visant à mieux informer l’épargnant. ” Dorénavant, il saura ce que sa banque lui coûte, explique André-Pierre André-Dumont. Cette transparence a des avantages : on va pouvoir comparer plus facilement les offres, cela devrait favoriser l’arrivée de nouveaux acteurs avec une pression sur les prix, etc. D’un autre côté, cela va entraîner une certaine standardisation des produits et des services offerts au consommateur. Le choix sera moins large. Il sera plus difficile d’avoir une gestion individualisée. Le sur-mesure va coûter plus cher. Le coût opérationnel de toutes ces nouvelles réglementations est en effet important pour les banques. Il faut mettre en place toute une série de procédures qui doivent être respectées et contrôlées en interne par la compliance. Or, rien n’est jamais gratuit. Ces coûts opérationnels seront d’une manière ou d’une autre répercutés sur le client, par exemple dans les frais de gestion de portefeuille, qui risquent donc d’augmenter “, conclut André-Pierre André-Dumont.

LEXIQUE

– MiFID II : deuxième mouture de la Markets in Financial Instruments Directive qui fixe les règles à suivre par les institutions financières (banques, sociétés de Bourse) en matière de produits d’investissement et de conseils à ce sujet (fonds de placement, actions, etc.). Succède à la directive MiFID I entrée en vigueur en 2007.

– PSD2 : deuxième version de la directive sur les paiements (Payment Services Directive). Son but est d’ouvrir le marché du paiement à de nouveaux acteurs (fintech) afin de développer la concurrence et de réduire le coût d’accès aux moyens de paiement pour les consommateurs.

– GDPR : General Data Protection Regulation. Nouveau règlement qui encadre le traitement des données en Europe. Il a pour objectif principal de protéger la vie privée des citoyens européens dont les données privées sont collectées, stockées et traitées par les entreprises (en ce compris les PME).

– PRIIPs : Packaged Retail and Insurance based Investment Products. Nouveau règlement qui vise à accroître la transparence des produits d’investissement dont la performance est fonction d’investissements sous-jacents dépendants des fluctuations de marché.

“On constate une certaine lourdeur et de la confusion”

Mon argent à la sauce PSD2 saupoudré de MiFID II: késako ?
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TRENDS-TENDANCES. Plusieurs directives, règlements ou initiatives belges touchant le monde bancaire entrent en vigueur cette année. En quoi les banques sont-elles réellement touchées par ces nouvelles mesures ?

KAREL VAN EETVELT. Le secteur a connu d’énormes évolutions au niveau législatif au cours des dernières années. Les dernières semaines ne font en effet pas exception. Si l’objectif de ces nouvelles règles est louable – à savoir notamment mieux informer et protéger l’investisseur -, il est pour nous important que la mise en oeuvre permette de rencontrer correctement cet objectif en pratique. A ce stade, on constate en effet une certaine lourdeur et parfois de la confusion, tant pour les institutions que pour les clients. Il faudra voir sur la durée et garder le cap sur les objectifs.

Ce déluge de réglementation qui déferle sur le secteur depuis 2008 nous protège-t-il d’une nouvelle catastrophe financière ?

On ne peut jamais exclure totalement qu’il puisse y avoir des problèmes, souvent inattendus et pour partie imprévisibles, mais il est certain que les ambitions, soutenues par le secteur, sont d’éviter au maximum qu’il y ait à l’avenir de grosses difficultés. Il y a eu de réels progrès tant dans la législation que sur le terrain, notamment avec un retour sur le core business et un renforcement des fonds propres des banques. Il y a du reste un équilibre à trouver entre un bon niveau de réglementation et un degré suffisant de souplesse pour que les banques puissent jouer leur rôle pour le financement de l’économie. Il y a aussi un équilibre à trouver entre régulation et supervision. Les autorités jouent un rôle important aux côtés des institutions financières.

Ce corset réglementaire pousse-t-il à une uniformisation des modèles bancaires (et donc à une concentration des risques) ?

Le secteur bancaire belge reste très diversifié et concurrentiel. On constate aujourd’hui une transformation du secteur dans une société et un monde qui est de plus en plus digital. Un risque serait de ne pas prendre en compte cette évolution. Les nouvelles règles sont un des paramètres que chaque institution doit intégrer, en plus de cette transformation. Une régulation trop stricte pourrait pousser les banques dans un carcan trop étroit, qui pourrait alors pousser à l’uniformisation. Cela ne semble pas souhaitable. Il semble par ailleurs essentiel que les opérateurs non bancaires qui remplissent certaines fonctions bancaires soient assujettis aux mêmes règles, pour donner aux utilisateurs les mêmes garanties, notamment en matière sécurité ou de protection de la vie privée et des données personnelles.

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