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Les recettes de l’Etat sont-elles sacrées?

Fin décembre est apparue une nouvelle que tous les journaux se sont empressés d’annoncer. Le ministre des Finances déclarait triomphalement que les recettes fiscales étaient plus importantes que prévues au budget, et ce pour environ 800 millions d’euros.

L’événement constitue effectivement une grande nouvelle en soi. Nous sommes tellement habitués à ce que les gouvernements, celui-ci ni plus ni moins que les précédents, surévaluent les recettes à venir et constatent ensuite des ” trous budgétaires ” que, lorsque l’inverse survient, il s’agit d’un véritable événement. Et c’est évidemment un soulagement pour le gouvernement qui, exceptionnellement, n’est pas obligé de trouver des solutions, souvent boiteuses, pour combler le fameux ” trou budgétaire ” en identifiant les victimes qui devront payer de nouveaux impôts, ou plus rarement, des dépenses à réduire.

Ce qui est plus étonnant, c’est la réjouissance généralisée des uns et des autres. Elle est logique dans le chef du gouvernement, qui, au passage, s’approprie ainsi une réussite dans laquelle il n’est pour rien : si les recettes fiscales augmentent, c’est en raison de la légère embellie économique que l’Europe connaît après des années d’une crise, que nos gouvernants annoncent terminée tout en percevant, encore pour quelques années, une ” cotisation complémentaire de crise ” à charge des sociétés. Mais cette réjouissance est aussi le fait de l’opposition, apparemment très contente que le gouvernement encaisse des recettes supplémentaires et qui ne trouve comme seule critique que des doutes à propos de leur réalité comptable. Tous les commentateurs semblent aussi très heureux que l’Etat dispose ainsi de plus de moyens que prévu. Personne ne demande en revanche que l’on diminue les impôts, au moins pour l’exercice prochain, à concurrence du trop-perçu.

L’augmentation des recettes de l’Etat est uniquement un indice du renforcement du pouvoir et ce n’est assurément pas un motif de réjouissance.

Tout se passe en l’occurrence comme si le bonheur des citoyens résultait automatiquement et uniquement du niveau le plus important possible des recettes de l’Etat. Or, logiquement, lorsque l’Etat perçoit davantage de recettes, c’est parce que les contribuables ont payé plus d’impôts. S’ils en ont payé plus parce qu’ils ont eu davantage de revenus, la bonne nouvelle n’est pas qu’ils ont payé plus d’impôts, mais qu’ils sont globalement devenus plus prospères. Sinon, cela veut simplement dire que la part de l’Etat dans l’économie, et dans la vie des gens, a encore augmenté à concurrence des recettes supplémentaires. Et on ne trouve personne, dans la classe politique et dans la presse, pour s’inquiéter de l’augmentation – perçue malheureusement comme inexorable – de la part de l’Etat dans les ressources globales. On devrait pourtant savoir, avec l’exemple des Etats qui perçoivent la quasi-totalité de la production des citoyens (la Corée du Nord aujourd’hui et les autres Etats socialistes hier) que lorsqu’un Etat s’approprie tout ou presque, il s’agit nécessairement d’un Etat totalitaire, et, en pratique, d’un Etat qui gouverne des citoyens misérables.

Il y a donc à tout le moins un niveau au-delà duquel l’augmentation de la part des recettes de l’Etat correspond en réalité à un appauvrissement du pays et de ses citoyens, et on ne peut donc se réjouir systématiquement de l’enrichissement de l’Etat au détriment de ceux-ci. Au contraire, lorsque les recettes fiscales diminuent, on pourrait, idéalement espérer que le gouvernement songe enfin à faire de vraies ” économies “, c’est-à-dire à réduire ses dépenses.

On a parfois l’impression que, pour la plupart de nos politiciens, la défense de l’Etat, de ses pouvoirs et de ses moyens relève du domaine de la religion et que les impôts qu’il perçoit ont quelque chose de sacré. Il serait temps de leur rappeler que les Etats ne sont que des constructions humaines, coupables d’ailleurs des pires crimes commis dans l’Histoire, qu’ils ne défendent en général que les intérêts des groupes qui les soutiennent, soit la clientèle de ceux qui exercent le pouvoir. Et que les impôts ne sont que des sommes accaparées par la force à des contribuables. Il n’y a aucune raison de considérer que l’argent est mieux utilisé par le pouvoir que par les individus et les entreprises qui financent celui-ci malgré eux. L’augmentation des recettes de l’Etat est donc uniquement un indice du renforcement du pouvoir et ce n’est assurément pas un motif de réjouissance, sauf pour ceux qui bénéficient des avantages que le pouvoir distribue, ou espèrent en bénéficier à l’avenir.

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