Comment le “soft power” de Pékin se déploie

La Muraille de Chine est l'un des 52 sites d'intérêt culturel et naturel chinois classés au patrimoine. © istock

Le pays redécouvre son patrimoine et ne lésine pas sur les moyens pour le mettre en valeur.

Pendant la majeure partie de son histoire, le Parti communiste chinois a voulu effacer plutôt que célébrer le passé de la Chine. Plus récemment, il a pris conscience des avantages qu’il y a à préserver, protéger et glorifier la longue histoire du pays. En 2018, il espère franchir un cap dans ce domaine en portant la Chine au premier rang des pays ayant le plus de sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco.

Un territoire aussi grand que celui de l’Empire du Milieu a forcément beaucoup de sites à préserver. Le pays s’est engagé tardivement dans la protection de son patrimoine. Comme beaucoup d’autres, il a commencé à attacher de l’importance à ses traditions quand il s’est enrichi. C’est seulement en 1987, 15 ans après l’instauration du classement de l’Unesco, que les premiers sites chinois ont été inscrits sur sa liste du patrimoine mondial. Depuis, la Chine a mis les bouchées doubles. Aujourd’hui, elle compte 52 sites d’intérêt culturel et naturel classés au patrimoine, juste derrière l’Italie (qui en totalise 53). Pour que le pays accède au premier rang, le gouvernement chinois n’a pas lésiné sur l’argent, le marketing et le personnel. Depuis 2013, l’Italie n’a proposé que cinq nouveaux sites, alors que la Chine en a présenté 29. Parmi les pratiques chinoises inscrites sur les listes du patrimoine culturel immatériel figurent le chant de gorge mongol, les ponts de bois en arc et différentes formes d’opéra chinois.

De nombreuses provinces ont déployé des efforts considérables pour décrocher l’estampille Unesco. En 2010, un district de la province du Hunan, dans le sud de la Chine, a investi plus du double de ses recettes fiscales dans la candidature des spectaculaires reliefs Danxia. De même, la ville de Xi’an, dans le centre du pays, a proposé de dépenser 12,5 milliards de yuans (environ 1,67 milliard d’euros) pour défricher le site de Chang’an, la capitale de la dynastie Han, un dossier toujours à l’étude. Pour financer de tels projets, les autorités locales encouragent le tourisme, ce qui peut contribuer à dégrader les sites. Ainsi, on a tellement construit dans le parc forestier de Zhangjiajie après son inscription au patrimoine mondial en 1992 que les autorités ont dû remettre en état une partie du site. Le nombre de touristes n’en a pas moins grimpé de moins de 2 millions en 1995 à plus de 60 millions en 2016.

Effets collatéraux

La Chine utilise son patrimoine pour stimuler l’orgueil national et améliorer son image dans le monde. Mais certaines de ses initiatives n’ont fait que renforcer les inquiétudes sur son mauvais bilan en matière d’environnement et de respect des droits de l’homme. En 2016, Greenpeace a révélé que l’exploitation minière illégale menaçait certaines des forêts les mieux protégées dans le sud-ouest du pays (l’Unesco les a répertoriées en 2003). En 2013, la demande d’inscription d’une pagode datant de la dynastie Tang, dans le centre de la Chine, prévoyait de démolir des cellules de moines et des salles de méditation plus modernes.

La question de savoir à qui appartient ce patrimoine fait souvent débat. La réserve naturelle de Kekexili, une vaste région du plateau tibétain qui abrite de nombreuses espèces sauvages, a été classée en 2017. Le gouvernement chinois a décrit le site comme une terre ” inhabitée “, mais la région a longtemps été peuplée par des éleveurs nomades tibétains, dont beaucoup ont été déplacés contre leur gré. Ces derniers craignent que le classement au patrimoine mondial n’encourage le tourisme de masse et ne nuise à la préservation de la culture tibétaine.

Si quelque chose doit entraver les efforts de la Chine pour accéder au ” statut suprême “, ainsi que l’a présenté un magazine chinois, ce sera plus probablement un changement de régime qu’une glorification insuffisante de l’histoire du pays.

Par Rosie Blau.

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