“Merci d’être en retard” : nouveau mantra pour 2018 ?

Amid Faljaoui rédacteur en chef de " Trends-Tendances "

la manifestation nationale du mardi 19 décembre dernier m’a rappelé le bon mot de Philippe Bouvard : ” dans le vocabulaire syndicaliste, on ne passe à l’action qu’en cessant toute activité “. Si j’évoque l’animateur français, c’est parce que nombre de nos lecteurs vont prendre quelques jours de repos bien mérités en cette fin d’année. Ces quelques jours de recul sont d’autant plus importants que l’immédiateté et la proximité sont maintenant la règle, et le temps réel, la nouvelle loi.

Le numérique a tout raccourci, tout rapproché et tout interconnecté. ” Tant et si bien que le futur se confond aujourd’hui avec le présent, et que l’instant devient une sorte de dictature “, écrivait joliment Denis Jeambar, l’ancien directeur du magazine L’Express. Justement, beaucoup de nos lecteurs, qu’ils soient patrons, cadres ou indépendants surmenés, ne considèrent pas toujours à leur juste valeur les bienfaits des pauses. Et notamment des vacances. S’ils ont des doutes – peur de décrocher, peur de rater je ne sais quelle affaire ou quel dossier -, je les invite à lire Merci d’être en retard, le livre de Thomas Friedman, éditorialiste vedette du New York Times, dans lequel il explique pourquoi ces pauses, ces moments de détente sont en réalité des bienfaits du ciel.

L’intrusion du numérique dans notre vie quotidienne voudrait nous faire croire que la patience et les pauses sont devenues des vertus ” par défaut “.

Dans son best-seller, Thomas Friedman cite entre autres Dov Seidman, PDG de LRN, un cabinet de conseil en leadership auprès des grandes entreprises américaines. Ce dernier explique fort bien cette nécessité d’arrêter le temps, ce qui – encore une fois – n’est ni un luxe, ni un divertissement, mais une nécessité. Quelle est en effet la différence entre un ordinateur et un être humain ? C’est simple : quand on appuie sur le bouton ” pause ” d’un ordinateur, il s’éteint. En revanche, si on appuie sur le bouton ” pause ” de l’être humain, ce dernier s’allume. Dov Seidman rappelle à juste titre que c’est quand il est en mode ” pause ” que l’être humain se met à réfléchir, à reconsidérer ses hypothèses, à envisager d’autres solutions. Bref, c’est en mode ” pause ” que l’être humain trouve des solutions qu’il ne voit pas tant qu’il a le nez sur le guidon.

A force de petit-déjeuner avec ses interlocuteurs à Washington, Thomas Friedman avait remarqué que certains d’entre eux arrivaient souvent en retard. Les uns prétextaient que le métro était resté en rade, d’autres que le réveil n’avait pas sonné, d’autres encore que leur fils était malade. Et puis un beau jour, Thomas Friedman s’est rendu compte qu’il s’en fichait et il leur a même dit : ” Je vous en prie, ne vous excusez pas. Au contraire, merci d’être en retard ! “. Pourquoi ? Parce que grâce à ces retards, l’éditorialiste a pu découvrir un espace-temps précieux. Il a eu droit à quelques minutes de liberté pour penser, s’amuser des conversations à la table voisine ou du spectacle des allées et venues. Mais surtout cela lui a permis un jour de relier deux idées qui le tarabustaient depuis longtemps. Cette pause, il l’a donc mise à profit. Et voilà pourquoi, il remercie systématiquement ses interlocuteurs en retard de lui avoir involontairement donné un peu de temps de réflexion.

Les philosophes ont de tout temps enseigné que la sagesse provient de la patience et qu’il ne faut pas confondre patience et absence de vitesse. Avec l’aide de nos confrères du prestigieux magazine économique The Economist, et en exclusivité pour la Belgique, nous vous proposons un numéro prospectif unique en son genre. Ce numéro de fin d’année a aussi pour vocation d’être une pause, un espace de réflexion. Merci pour votre fidélité et n’hésitez pas, vous aussi, à dire plus souvent ” merci d’être en retard ” en 2018.

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