Le réveil de la Chine sur la question environnementale

La Chine inaugure les premières "forêts verticales" de l'Asie - deux tours couvertes d'arbres - pour lutter contre la pollution à Nankin. © STEFANO BOERI

Longtemps indifférente à la crainte de la communauté internationale, la Chine a enfin pris conscience des fléaux que représentent le changement climatique et la pollution atmosphérique.

La Chine a mis du temps à prendre conscience du réchauffement climatique. Mais dans les années à venir, le pays deviendra un leader mondial dans la lutte contre ce fléau planétaire. Pour en comprendre les raisons, il suffit de se pencher sur la rapidité avec laquelle il est revenu sur sa position dans ce domaine.

Il n’y a pas si longtemps encore, de nombreux Chinois croyaient que le changement climatique était une invention des pays développés pour freiner la croissance des pays en développement, en particulier la Chine. La relation entre le réchauffement mondial et les émissions de carbone a beau avoir été reconnue par des scientifiques, de nombreux responsables chinois sont restés attachés au principe de la ” responsabilité commune mais différenciée ” – et surtout différenciée. Les hauts fonctionnaires qui parvenaient à résister aux pressions étrangères dans des discussions internationales étaient considérés comme des héros. Selon le raisonnement chinois, l’empreinte carbone des pays développés était plus forte, car elle s’était accumulée depuis le début de la modernisation.

Heureusement, le peuple chinois a compris le véritable sens de la phrase ” Nous n’avons qu’une seule Terre “.

Les Chinois ont commencé à changer d’attitude après avoir personnellement vécu le changement climatique. Un tournant majeur est intervenu en 2008. Cette année-là, la veille de la fête la plus importante de Chine, celle du printemps, des températures exceptionnellement froides et de fortes chutes de pluie ont quasiment paralysé tout le sud du pays. Grâce au large accès à Internet, tous les phénomènes météorologiques extrêmes qui se sont produits depuis lors, y compris le typhon Hato de 2017, ont suscité une attention considérable. Le smog qui revient chaque hiver a fait de la pollution atmosphérique l’un des sujets de discussion les plus courants. Le peuple est passé du stade de l’ignorance à celui de la lutte pour le droit à l’information, de la prise d’initiatives et de la revendication d’actions gouvernementales.

Balayer devant sa porte

Au cours des derniers sommets commerciaux, le gouvernement chinois a suspendu l’activité de nombreuses usines pour améliorer la qualité de l’air et ne pas perdre la face. Mais de telles mesures ne peuvent sauver la planète. La Chine est le premier émetteur mondial de dioxyde de carbone. Elle se doit donc de balayer devant sa porte.

Le changement climatique et la pollution atmosphérique sont des problèmes liés mais distincts. La majeure partie de la pollution atmosphérique vient des mêmes sources que le dioxyde de carbone : le chauffage, la production d’électricité, l’activité industrielle et la circulation automobile. Il s’ensuit qu’en contrôlant la pollution on peut aussi réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il est probable que ce sera la stratégie adoptée par la Chine pour lutter contre le changement climatique à partir de 2018.

En 2009, le pays s’est engagé à réduire ses émissions par unité de PIB de 40 % à 45 % d’ici à 2020 (par rapport à 2005). Puis, en 2014, il a annoncé qu’il souhaitait voir ses émissions culminer à l’horizon 2030 et qu’il tenterait même d’inverser la courbe plus tôt. Ce faisant, il a imprimé un tournant important à la politique chinoise, axée non plus sur la limitation de l’intensité carbone mais sur celle du volume global des émissions. Dans le régime actuel, c’est le gouvernement central qui fixe les objectifs d’émission à atteindre aux différents échelons de l’administration. Aujourd’hui, la réalisation de ces objectifs fait l’objet de contrôles plus sévères. Le Parti pourrait même pousser des régions plus développées à atteindre ces objectifs en avance sur le programme.

Bien que Donald Trump ait annoncé sa décision de retirer les Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat, le gouvernement et le peuple chinois n’ont pas fait marche arrière. Beaucoup de Chinois ont même appelé le pays à assumer plus de responsabilités dans l’intérêt de l’humanité.

La Chine inaugure les premières
La Chine inaugure les premières ” forêts verticales ” de l’Asie – deux tours couvertes d’arbres – pour lutter contre la pollution à Nankin.© STEFANO BOERI

Réduire les surcapacités

Quelles mesures va prendre la Chine ? La première consistera à réduire ses surcapacités, qui sont essentiellement concentrées dans des industries très polluantes comme l’acier et le charbon. Le gouvernement souhaitant maîtriser les capacités de ces secteurs, les industries vont sentir l’effet du renforcement des réglementations en matière d’environnement et d’émissions de carbone. Les progrès seront inextricablement liés aux réformes économiques et aux efforts pour améliorer les structures industrielles régionales. Il s’agira en définitive d’une question de gouvernance.

Le développement économique de la Chine a atteint une étape dans laquelle la fabrication est en train de céder la place à l’industrie des services. Des matériaux comme l’acier, le ciment et le verre ont déjà atteint leur niveau de production maximum ou l’atteindront prochainement. Les solutions pour lutter contre le changement climatique sont compatibles avec cette transition.

A court terme, le pays devra faire face aux coûts économiques et sociaux de ses initiatives, en particulier un ralentissement de la croissance et une augmentation du chômage. Le système de protection sociale va donc devoir être renforcé. Plutôt que de chercher à atténuer le changement climatique, la Chine va devoir s’y adapter. Cela suppose une amélioration de ses infrastructures, un changement de mode de vie et une plus grande sensibilisation de l’opinion publique. A plus long terme, alors que les industries chinoises passeront de la fabrication aux services, l’opposition de la société chinoise aux effets économiques de la lutte contre le changement climatique devrait diminuer.

Les initiatives actuelles sont loin de répondre aux attentes de la population. La prise de conscience de la Chine vis-à-vis du changement climatique implique des efforts à long terme pour adopter des mesures plus sérieuses et efficaces de lutte contre le réchauffement mondial. Heureusement, le peuple chinois a compris le véritable sens de la phrase ” Nous n’avons qu’une seule Terre “.

Par Hu Shuli.

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