Quelle option choisira Vladimir Poutine pour assurer sa succession ?

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Après presque deux décennies au Kremlin, Vladimir Poutine chemine vers un dernier mandat présidentiel. Modifier la Constitution, continuer à oeuvrer dans l’ombre ou former un successeur.

Vladimir Poutine préférera sans doute ne pas faire d’Alexeï Navalny, son principal opposant, un martyr. Et même si Alexeï Navalny passe les premiers mois de 2018 à rassembler de jeunes partisans pour des manifestations dans tout le pays, espérant vaille que vaille entrer dans la course à la présidentielle, les autorités choisiront peut-être de ne pas le boucler pour de bon. Au lieu de cela, ceux qui répondront à ses appels à la mobilisation vont finir par milliers dans des cars de police. Au bout du compte, Alexeï Navalny se verra interdire de participer au scrutin. Il appellera à un boycott, déclarant l’élection illégitime. Le président sourcillera à peine, ne voyant en Alexeï Navalny qu’un vil agitateur. Il ne daignera même pas prononcer son nom. Dans l’esprit de Vladimir Poutine, la réélection est devenue une formalité. Il faut respecter la marche à suivre, mais cela n’a plus grand sens. Ce n’est plus tant une élection qu’un couronnement, qui consacre son rôle historique de grand leader. Vladimir Poutine va l’emporter haut la main en mars 2018, ce qui lui assurera encore un mandat de six ans, au terme duquel il aura gouverné pendant près d’un quart de siècle.

Place aux jeunes

Les grandes manoeuvres commenceront pour de bon après l’élection. Ce mandat présidentiel sera le dernier de Vladimir Poutine, conformément à la Constitution russe. Sa victoire marquera le début de l’après-Poutine, à moins qu’il ne décide de changer les règles ou de faire volte-face une fois de plus.

Le problème le plus épineux auquel est confronté le dirigeant russe, homme en apparence inflexible, est celui de sa succession. Il a bâti un système qui lui assure la mainmise sur le pouvoir, mais dont les institutions sont subordonnées au leader lui-même. ” Sans Poutine, pas de Russie “, n’a pas hésité à déclarer un jour Viatcheslav Volodine, président de la Douma (la chambre basse du Parlement russe). On imagine mal Vladimir Poutine prendre une retraite dorée. Va-t-il essayer de gouverner sans titre officiel, dans la tradition de Deng Xiaoping (qui dirigea la Chine officiellement de 1978 à 1992 mais oeuvra dans l’ombre jusqu’à son décès en 1997), comme président, mettons, de l’Association russe de judo ? Ou va-t-il commencer à former son dauphin ? Comment envisage-t-il la passation des pouvoirs ?

Jouant les grands seigneurs avant la Coupe du monde de football, Vladimir Poutine libérera certains des partisans d’Alexeï Navalny, espérant ainsi amadouer ses détracteurs occidentaux.

Telles sont les questions qui vont hanter le président Poutine pendant son quatrième mandat. Va-t-il suivre une tendance amorcée en 2016, à savoir renouveler les ministres, les gouverneurs et les fonctionnaires, remplacer les fidèles vieillissants par des technocrates plus jeunes, soumis à leur président ? Le Premier ministre, Dmitri Medvedev, depuis longtemps à son poste, pourrait se retrouver sur la touche. Pour le remplacer, Vladimir Poutine pourrait recourir à l’une de ses étoiles montantes, comme le nouveau ministre de l’Economie, Maxime Orechkine, 35 ans. Ou bien il pourrait faire appel à un poids lourd bien établi, tel le maire de Moscou, Sergueï Sobianine. Toutes ces décisions obéiront à une logique successorale. Les intrigues de couloir vont aller bon train.

Le premier chantier du nouveau gouvernement sera la réforme de l’économie. Même si la Russie s’est remise de la récession qui l’a touchée de 2014 à 2016, le vieux modèle fondé sur la rente pétrolière, sur lequel Poutine s’est appuyé au début de son règne, n’est plus d’actualité. Sans de profonds changements, la Russie est vouée à des années de faible croissance. Le Kremlin a chargé un certain nombre de commissions de préparer des projets de réforme. Alexeï Koudrine, un ancien ministre des Finances, a passé une bonne partie de l’année 2017 à concevoir une stratégie pour relancer la croissance russe et mettre en marche la modernisation technologique. D’autres comme Boris Titov, le médiateur chargé de la défense des droits des entrepreneurs, et Orechkine, ont eux aussi élaboré des modèles pour l’avenir. Ces conseillers vont tenter de convaincre Poutine que de telles réformes sont une affaire de sécurité nationale. Invoquant la Chine, ils feront valoir que l’économie peut être libéralisée sans pour autant relâcher l’emprise sur le pouvoir politique.

Cynisme

Pour l’essentiel, le Kremlin fera la sourde oreille. Il préférera une méthode hétéroclite, mélangeant les solutions de facilité de différents projets pour en faire un cocktail édulcoré. Vladimir Poutine va parler d’améliorer les droits patrimoniaux et le climat d’investissement. Jouant les grands seigneurs avant la Coupe du monde de football (qui aura lieu en Russie du 14 juin au 15 juillet 2018), il libérera certains des partisans d’Alexeï Navalny, espérant ainsi amadouer ses détracteurs occidentaux.

Ni l’opposition libérale en Russie ni les dirigeants occidentaux ne vont se laisser fléchir par ce geste cynique. Angela Merkel et Emmanuel Macron vont trouver des raisons d’éviter d’assister aux matches (à moins que l’Allemagne ou la France n’arrive en finale). Les médias étrangers vont pester contre les infrastructures miteuses qu’ils vont trouver dans certaines régions de Russie. Cela ne fera que conforter Poutine dans l’idée qu’il est en butte à une conspiration et que la croisade qu’il mène contre elle est légitime. Son quatrième mandat va commencer à ressembler beaucoup au troisième, avec une économie au ralenti, une idéologie nationaliste et conservatrice et une attitude de défi sur la scène internationale. Cela le maintiendra au pouvoir, mais la probabilité de voir survenir un Temps des troubles (période agitée de l’histoire russe au début du 17e siècle) après son départ n’en sera que plus importante.

Par Noah Sneider.

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