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Faut-il privatiser la SNCB ?

La proposition du ministre des Finances de privatiser tout ou partie de la SNCB est surprenante. Il semble, à tout le moins, que l’Etat possède nombre d’autres participations qu’il pourrait vendre plus aisément et pour un meilleur prix que la société de chemins de fer étatisée.

Il n’y a d’abord aucune raison pour que l’Etat conserve une participation dans une entreprise de téléphonie comme Proximus. Celle-ci est en situation de concurrence avec des entreprises privées et l’Etat ne devrait plus jouer aucun rôle dans une telle activité. Si, à l’origine, il a créé l’ancienne RTT sous forme de régie c’est seulement parce qu’à l’époque les lignes téléphoniques étaient aériennes ou souterraines, ce qui impliquait l’usage de l’espace public. Aujourd’hui, où des sociétés privées comme Telenet interviennent sur le marché des lignes fixes comme de la téléphonie mobile, ce genre de préoccupations n’est plus d’actualité. C’est à tort qu’on soutiendrait que l’Etat doit garder cette participation parce qu’elle lui procure des dividendes plantureux, et d’ailleurs sans doute artificiellement gonflés par son appétit démesuré. Si cette société réalise des bénéfices permettant de distribuer de tels dividendes, cette profitabilité est évidemment prise en compte dans son cours de Bourse, ce qui permettrait précisément à l’Etat d’obtenir un bon prix de cette cession. Il n’y a, en revanche, aucune raison pour que l’argent des contribuables reste investi dans une entreprise : l’Etat est censé rendre des services publics et non faire des placements alors qu’il est lourdement endetté et qu’il ne cesse d’augmenter les impôts.

Il n’y a également aucun motif légitime pour que l’Etat conserve quelque action que ce soit dans une banque comme Belfius. Si celle-ci est habituellement considérée comme bien gérée, c’est précisément parce qu’elle exerce son activité de manière professionnelle, de la même manière que les autres banques présentes en Belgique. Cela veut dire qu’elle ne joue aucun rôle de service public la distinguant des autres, et il n’y a donc aucune raison pour qu’elle reste entre les mains de l’Etat.

Les mêmes arguments peuvent être tenus à propos de la poste, déjà partiellement privatisée : il s’agit, chaque jour davantage, d’une entreprise de transport de colis qui devrait être cédée au privé et à laquelle, à l’heure d’internet, plus aucune obligation de service public ne devrait être imposée.

L’Etat est censé rendre des services publics et non faire des placements alors qu’il est lourdement endetté et ne cesse d’augmenter les impôts

Faut-il raisonner autrement à propos de la SNCB ? Il s’agit aussi d’une entreprise de transport, dans un secteur qui s’ouvre, certes modestement, à la concurrence. Si la proposition de la privatiser est surprenante, c’est parce qu’elle paraît peu réaliste. Subissant, en raison d’une mauvaise gestion chronique et d’exigences politiques, des pertes systématiques, cette société est tellement endettée qu’on voit mal un investisseur accepter de l’acquérir, même pour un euro symbolique. Son personnel est doté d’un statut qui, s’il n’est pas supprimé, suffit à l’empêcher de réaliser le moindre profit, et ses syndicats ont la réputation justifiée de déclencher des grèves à tout propos, même sans formuler la moindre exigence à l’égard de leur entreprise, simplement pour s’opposer aux mesures, ainsi qu’aux projets réels ou supposés du gouvernement. On ne pourrait donc concevoir le moindre intérêt d’un acheteur potentiel que si, à la fois, une réforme du droit de grève était décidée, le statut du personnel était lui-même privatisé et si la majeure partie de l’endettement était pris en charge par l’Etat. Les deux premières conditions sont inimaginables sur le plan politique et la troisième l’est sur le plan budgétaire.

Il faut donc considérer que la proposition de la N-VA n’a rien de réaliste, et qu’il ne s’agit que d’une diversion pour aboutir à ce qui a toujours été son objectif : non pas privatiser la SNCB, mais la régionaliser. On voit mal le progrès pour les citoyens, qui résulterait d’un maintien d’une gestion publique et de la transformation d’un billet Gand-Liège en un trajet international dépendant de trois autorités différentes.

Il est sans doute dommage que le paysage politique rende cette proposition illusoire. On aurait pu rêver d’un système où l’Etat cesserait de dépenser chaque année des milliards pour subventionner une entreprise de transport inefficace et peu ponctuelle, en réalisant au passage une redistribution permettant à ceux qui prennent souvent le train, d’être financés par les impôts de ceux qui le prennent plus rarement.

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