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Comment fabrique-t-on un faux scandale fiscal ?

Depuis 2010, les sociétés belges sont tenues de déclarer au fisc les “paiements” à des entités se trouvant dans des paradis fiscaux.

Un journal belge a découvert que le total de ceux qui avaient ainsi été déclarés excédait 221 milliards d’euros. Un parlementaire apprenti traqueur de fraudeurs en a tout de suite déduit qu’il s’agissait de pratiques fiscales agressives et qu’il fallait mieux “sanctionner des comportements illégaux”.

Voilà un scandale créé de toutes pièces. Les paiements ainsi ” découverts ” sont catalogués comme illégaux, alors qu’il s’agit précisément de ceux qui ont été déclarés à l’administration fiscale ! En général, la fraude consiste à ne pas déclarer ce qui doit l’être. Ici, on suspecte la fraude chez ceux qui ont déclaré.

Les chiffres sont assurément exacts mais n’ont aucune pertinence, surtout lorsqu’on les compare, comme cela a été fait, au PIB de la Belgique. Celui-ci exprime des revenus, alors que les 221 milliards sont des paiements. Si l’on voulait faire une comparaison adéquate, il faudrait comparer les paiements vers les paradis fiscaux au total de tous les paiements effectués par des entreprises belges. Et si l’on veut décrire les relations avec les paradis fiscaux, il faut aussi tenir compte des sommes qui sont perçues par des entreprises belges depuis les paradis fiscaux. Mais sans doute criera-t-on là au risque de blanchiment d’argent… Pour certains, tout commerce, tout paiement est présumé frauduleux.

Les 221 milliards correspondent d’ailleurs à des ” paiements ” et pas nécessairement à des charges déduites par des entreprises belges. L’essentiel de ces montants correspond à des acquisitions de biens ou d’actifs financiers. Si une société belge acquiert une filiale d’une entreprise établie dans un paradis fiscal, cela fera une société de plus contrôlée par un groupe belge et une de moins par une société d’un paradis fiscal, mais cela implique évidemment un paiement par une société belge.

Et si une société belge achète des marchandises à une entité d’un autre groupe se trouvant dans un paradis fiscal, elle devra bien aussi les payer. Et en général, elle le fera parce que le prix d’achat est plus avantageux, sachant que la plupart des impôts finissent par être transférés par les entreprises qui les paient à d’autres agents économiques.

Le bénéfice réalisé dans ces conditions par une société belge lors d’un achat à une entreprise tierce dans un paradis fiscal est donc a priori plus important que si elle avait acheté à une société se trouvant dans un pays à haute taxation. Veut-on vraiment l’obliger à acquérir plus cher hors paradis fiscaux, à réduire son bénéfice et … à payer moins d’impôts en Belgique ?

Ce qu’illustre le chiffre des paiements de 221 milliards, c’est le coût énorme que représente pour l’économie belge notre système de lourde taxation sur les entreprises et les individus.

Certes, parfois, une société belge achète plus cher à une société se trouvant dans un paradis fiscal, et faisant partie de son propre groupe. Mais dans ce cas, il existe des règles concernant les prix de transfert, et le fisc dispose d’unités spécialisées pour les vérifier, notamment sur la base des déclarations des paiements. Sachant que la Belgique est un des pays disposant du nombre le plus élevé de fonctionnaires fiscaux par rapport à la population, il n’y a pas de raison de douter que ceux-ci disposent des moyens d’exercer leur fonction.

Le scandale n’est donc pas du tout là où on croit le voir. Ce que l’on semble avoir découvert, c’est que les paradis fiscaux sont attrayants pour les entreprises parce qu’ils sont moins taxés que les autres pays. La découverte est aussi considérable que si l’on avait annoncé que les gens préfèrent acheter là où c’est moins cher ou prendre leurs vacances d’été là où il y a du soleil.

Ce qu’illustre en revanche le chiffre des paiements de 221 milliards par des entreprises belges à des paradis fiscaux, c’est le coût énorme que représente pour l’économie belge notre système de lourde taxation sur les entreprises et les individus. Si l’Etat cessait de prélever une part aussi considérable de ce que les gens gagnent par leur travail ou leur épargne, c’est notre pays qui serait attrayant, qui recueillerait des paiements venus du monde entier, qui attirerait les investissements et créerait des emplois. L’obésité de l’Etat coûte cher à tout le monde. En persistant dans notre modèle d’Etat taxant beaucoup et dépensant énormément, nous renonçons à la prospérité dont jouissent par exemple les habitants de Hong Kong, de Singapour, de Monaco ou de la Suisse. Ces pays ont choisi librement un système où l’Etat n’est pas le prédateur des citoyens et cela leur réussit bien. Dans la concurrence fiscale entre Etats, ils sont gagnants et la Belgique est perdante. Et la seule réponse que trouvent certains, c’est qu’il faudrait supprimer la concurrence fiscale, et obliger les Etats vertueux à adopter nos mauvaises pratiques.

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