La renaissance électrique du vélo

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Le vélo à assistance électrique est en train de changer le marché. Il représente au moins une vente de bicyclette sur trois en Belgique et a attiré de nouveaux acteurs comme Bosch, qui envahit les pédaliers. Il impose une certaine réorganisation des vélocistes.

La voiture électrique fait beaucoup parler d’elle, même si elle ne se vend guère : elle pèse moins d’un pour cent des immatriculations. C’est plutôt dans le vélo que la propulsion électrique s’est franchement imposée. ” Il représente aujourd’hui environ un tiers des ventes annuelles de bicyclettes “, estime Isabelle Parmentier, cogérante d’IMP Bike à Bruxelles et administratrice de FederProCycle, la fédération des vélocistes, (marchands et réparateurs de vélos).

Les chiffres varient sensiblement selon les sources car les statistiques ne sont pas encore réalisées de manière aussi sûre et détaillée que dans l’automobile. La part électrifiée des ventes de vélos irait de 30 à 50 %. Pour Bosch, gros fournisseur d’assistance électrique, l’e-Bike ou le Vélo à assistance électrique (VAE) représentait l’an dernier 39,2 % des 475.000 vélos vendus dans le pays (rapport annuel 2016). Le poids du vélo électrique dans le chiffre d’affaires est supérieur à celui du vélo sans moteur car il est en moyenne plus cher. Un modèle urbain moyen tourne autour des 2.000 euros alors qu’un vélo de ville classique se situe autour des 700 euros. En Allemagne, un e-bike moyen coûtait 3.287 euros l’an dernier.

Plus uniquement le vélo des seniors

Le succès du vélo électrique tient à un changement d’image. Il n’est plus seulement un moyen de déplacement pour personnes âgées. Son public s’est élargi. ” Il augmente la distance parcourue, ce qui le rend plus apte pour les trajets domicile-travail. Il y a aussi des développements intéressants dans les vélos de loisir “, note Florence Le Coq, porte-parole de l’asbl Pro Velo qui propose notamment de louer un vélo électrique pour le tester. Le vélo à assistance électrique permet d’arriver au bureau ou à un rendez-vous en restant ” frais “, sans devoir passer par la douche après quelques belles montées. Son attrait est aussi augmenté par son côté numérique : les vélos électriques pointus utilisent des consoles de contrôle sophistiquées, un mélange de ” Fitbit ” et de GPS, qui enregistrent les parcours et les efforts réalisés. Des segments particuliers sont aussi touchés par l’e-bike : comme le VTT, pour les loisirs. Et même les transports de marchandises avec les vélos cargos électriques pour limiter l’usage de camionnettes en ville. Une société de colis comme DPD s’y intéresse.

Le vélo à assistance électrique permet d’arriver au bureau ou à un rendez-vous en restant “frais”, sans devoir passer par la douche après quelques belles montées.

La demande de vélos électriques pourrait être dopée par cette tendance à utiliser différents moyens de transport pour effectuer son trajet : la multimodalité. Le gouvernement a également promis un cadre légal pour le futur ” budget mobilité “. Ce budget devrait profiter au vélo électrique. Il bénéficie déjà d’une indemnité que les entreprises peuvent accorder à leur personnel. Elle est exonérée fiscalement jusqu’à 23 cents par km. Ces formules qui combinent voitures de société et vélos électriques pourraient se multiplier.

Même Touring s’y met

Diverses initiatives reflètent cette évolution : comme l’offre de Touring aux entreprises. Connue pour son service d’assistance auto, la société propose depuis peu un package clé en main de vélos électriques avec un abri de stationnement et de recharge (à partir de quatre bicyclettes). L’objectif est d’encourager les entreprises à mettre à la disposition de leur personnel un pool de vélos électriques.

L’offre, devenue très large, permet de répondre à des besoins divers. En général, le vélo à assistance électrique ou VAE apporte une assistance au pédalage. Il aide le cycliste. Selon un éventail de puissances qui va du vélo de base, où l’assistance ne dépasse pas les 25 km/h, à des motorisations plus puissantes, qui dépassent les 40 km/h (les speed pedelec). L’autonomie dépendra de la batterie et du profil du parcours. Elle peut atteindre de 90 à 100 km.

Options technologiques

Au plan technique, les moteurs peuvent être logés dans le moyeu de la roue avant ou celui de la roue arrière. Ces approches sont économiques. Cela permet de trouver des VAE à moins de 1.000 euros. Decathlon propose ainsi un vélo avec la roue arrière motorisée pour 699,99 euros. Il existe même des kits de moteur de roue pour transformer des vélos standards. Le marché évolue nettement vers une motorisation intégrée au moyeu du pédalier. ” Cette approche est meilleure pour l’équilibre du vélo “, explique Isabelle Parmentier. La motorisation dans la pédalier est plus chère : il faut compter au moins 2.000 euros, mais de nouvelles motorisations pourraient réduire le tarif de base à 1.500 euros et étendre le marché. Il y a plusieurs dizaines de marques connues : notamment Trek, Scoot, Reismuller, Hercule, Kalkhoof. Et quelques marques belges comme Oxford ou Granville.

Un vélo électrique peut donc coûter trois ou quatre fois plus cher qu’un vélo standard. Le moteur et la batterie expliquent cet écart, ainsi que l’adaptation d’autres éléments. Un vélo électrique pèse lourd, facilement 25 kg. Les freins (à disques en général) doivent alors être renforcés, de même que les pneus et le cadre. Les vélos à petit prix peuvent faire l’impasse sur certains renforcements. En recourant à des freins sur jante par exemple, dont les patins s’useront prématurément. L’assembleur bénéficie d’une certaine latitude car il n’y a pas d’homologation pour les vélos électriques de base.

Une remise en ordre réglementaire

Isabelle Parmentier, administratrice de FederProCycle, aimerait créer un label à attribuer aux marchands et aux réparateurs de vélos pour rassurer le client.
Isabelle Parmentier, administratrice de FederProCycle, aimerait créer un label à attribuer aux marchands et aux réparateurs de vélos pour rassurer le client.© PG

” Cette situation rappelle les voitures en kit d’il y a 30 ans et interdites aujourd’hui “, analyse Guy Crab, secrétaire général à la fédération Traxio pour le secteur vélo. Cette fédération compte deux associations : celles des vélocistes, FederProCycle, et celle des importateurs et des fabricants, Federvelo. ” Hier, on pouvait acheter des voitures en kit à l’étranger, non homologuées. Maintenant, c’est terminé. La même évolution devrait toucher les vélos électriques. ” Les pouvoirs publics ont établi trois catégories d’e-bikes (lire l’encadré ” Trois catégories “), avec des obligations distinctes pour instaurer un contrôle plus fort sur les vélos les plus rapides. Il faudra un peu de temps pour que ces normes soient vraiment respectées. En apparence, rien ne distingue un vélo électrique simple, limité à 25 km/h, d’un speed pedelec , qui peut filer à 45 km/h et qui est censé avoir une plaque d’immatriculation. Il risque d’y avoir encore beaucoup de ces ” supers vélos ” sans plaque et sans leur homologation – pourtant obligatoire – sur nos routes. ” A mon avis, il va y avoir des contrôles sur les routes “, prédit Guy Crab.

Percée de Bosch dans les pédaliers

L’essor des VAE a attiré des acteurs nouveaux. Le plus significatif est Bosch. Sa division d’équipements automobiles a lancé en 2009 une start-up interne, eBike Systems, qui a conçu des systèmes d’assistance électrique installés sur le pédalier. La technologie est dérivée de celle utilisée pour les directions assistées des voitures. ” Bosch doit représenter sans doute 90 % du marché en Europe “, estime Isabelle Parmentier. Son poids pourrait devenir préoccupant pour les fabricants de vélos car la marque Bosch, présente dans d’autres domaines (électroménager, outillage, etc.), est plus connue que les marques de vélos. En valeur, en tout cas, le dispositif d’assistance, batterie et console de contrôle comprises, peut représenter plus de 50 % du prix du vélo : cela donne une idée du rapport de force qui s’instaure dans le marché. Bosch affronte une concurrence assez fournie, comme Shimano, fournisseur historique de système de transmission (changement de vitesse, frein), Yamaha, Panasonic, Brose.

Un vélo électrique peut donc coûter trois ou quatre fois plus cher qu’un vélo standard.

Cette évolution constitue une opportunité et un défi pour les marchands de vélos. Elle apporte la perspective de dégager des chiffres d’affaires plus importants même s’il faut aussi investir davantage car le stock revient plus cher. Les compétences techniques changent également. Il s’agit de jongler avec l’électronique, les logiciels de diagnostic et les mises à jour de softwares. Le lien avec les fournisseurs évolue aussi. ” Pour distribuer et réparer des vélos équipés de systèmes Bosch, il faut être certifié et envoyer les techniciens au moins une fois par an en formation “, indique Isabelle Parmentier. C’est la condition pour avoir accès aux logiciels de diagnostic, indispensables pour assurer l’après-vente. Cette approche ressemble fort à ce qui se fait pour la distribution automobile, où Bosch est un fournisseur très important. La gamme des services doit aussi s’étendre, notamment avec des offres d’assurance et d’assistance.

Un label de qualité pour les vélocistes

” On voudrait établir un label de qualité “, continue Isabelle Parmentier. Histoire d’assurer une qualité de service, d’approche de la facturation, des bonnes pratiques en atelier, notamment sur le recyclage des produits de nettoyage. ” Ce label finira par remplacer l’accès à la profession, qui va disparaître et qui a déjà disparu en Flandre “. Il sera mis en place à la rentrée. Il vise aussi à rassurer les clients sur la qualité des vélos vendus.

Une autre initiative importante est le Velopass, qui s’inspire du Carpass pour l’automobile. ” On devrait avoir une plateforme où l’on retrouvera la fiche de chaque vélo, sa photo, un numéro de cadre, la liste des propriétaires successifs et l’historique des entretiens “, explique Guy Crab. Cela permettra d’y voir plus clair sur les vélos en circulation, de faciliter la lutte contre le vol, d’avoir des informations fiables, des statistiques sur les vélos et leur historique. Il s’agit d’une approche inspirée du secteur automobile. Un secteur dans lequel Guy Crab a travaillé naguère, également pour la fédération professionnelle Traxio.

Pro Velo asbl a publié un petit guide du vélo électrique (www.provelo.org).

L’épais guide “e-Bike 2017” permet de mieux comprendre l’offre de vélos à assistance électrique (www.e-bike-guide.com).

Pliant, bruxellois et si léger

Parmi les idées qui fleurissent, il y a le vélo électrique pliable et léger. La start-up bruxelloise Ahooga a cherché à faire l’inverse du marché “où il y a une course à l’autonomie qui entraîne l’usage de batteries lourdes, donc augmente le poids” selon Pierre Lefranc, cofondateur de l’entreprise. Le vélo Ahooga est pliable et très léger : 13 kg. Il ne promet pas une grande autonomie, 50 km tout au plus. “Nous visons plutôt les personnes qui veulent jouer l’intermodalité. Ils feront une partie de leur trajet en vélo et le plieront ensuite pour monter dans un train ou un bus”. Or les e-bikes pliables sur le marché sont souvent trop lourds. “Un pliable de 20 kg, c’est absurde. On ne peut plus le porter !”, estime Pierre Lefranc. Pour arriver à 13 kg, Ahooga a rogné sur tout : la batterie (1 kg) et le moteur (2 kg), mais pas sur le style (215 couleurs disponibles). La start-up utilise aussi des matériaux légers. Comme beaucoup de fabricants belges, Ahooga conçoit les pièces de ses vélos hors du pays, en Europe de l’Est, et les assemble en Belgique pour pouvoir annoncer un tarif compétitif (2.099 euros). Ahooga a vendu 400 vélos l’an dernier et espère arriver à 800 en 2017.

www.ahooga.bike

Trois catégories

Le fédéral a mis de l’ordre dans les vélos électriques. Certains devenaient trop proches des vélomoteurs, sans devoir en respecter les règles. Depuis décembre 2016, ils sont classés en trois catégories :

Le vélo électrique. Il dispose d’une assistance au pédalage avec un moteur de 250 watts maximum qui n’intervient pas au-delà de 25 km/h. Il suit les mêmes règles et obligations que les vélos sans assistance.

Le vélo motorisé. Il dispose d’une assistance au pédalage et d’un moteur qui peut aller jusqu’à 1.000 watts, mais l’assistance n’intervient pas au-delà des 25 km/h. Le moteur peut fonctionner de manière autonome sans pédalage. Il suit aussi les règles de la route prévues pour les vélos, mais ne peut être conduit qu’à partir de 16 ans. Il nécessite un certificat de conformité.

Le “speed pedelec”. Le moteur de ce vélo peut aller jusqu’à 4.000 watts et l’assistance peut intervenir jusqu’à 45 km/h. Il suit les règles de la route des vélomoteurs, doit être immatriculé, impose l’usage d’un casque et un permis vélomoteur ou auto (AM ou B).

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