” Lancer à la fois un ‘drive solo’ et une nouvelle marque est un exercice très difficile “

Spécialiste de la distribution et professeur de retail marketing à la Vlerick Business School, Gino Van Ossel porte un regard critique sur l’initiative du groupe Louis Delhaize.

GINO VAN OSSEL. Oui et non. Le fait de disposer de deux drive-in accolés à des dark stores (centres de préparation, Ndlr), c’est un peu unique. Seul Carrefour possède un drive solo à Waterloo, sur le même modèle que Wink. Maintenant, les autres distributeurs possèdent aussi des drive-in accolés à leurs magasins.

Quels sont les avantages et désavantages du système du drive solo ?

Les grands avantages sont la vitesse de préparation et l’absence de coûts de transport. Ce système permet également de conquérir des parts de marché dans des endroits où le groupe n’a pas de magasins. L’inconvénient, c’est que le choix sera toujours plus réduit que dans un dark store centralisé. L’automatisation est limitée et le risque de rupture de stock est grand. Par ailleurs, les coûts d’installation sont élevés, tout comme les coûts fixes, et la zone de chalandise est restreinte. Enfin, que faire avec le personnel du drive solo lorsque vous n’avez pas assez de commandes ? Or, on sait que l’e-commerce alimentaire est assez limité en Belgique. Ce n’est pas rentable.

Peut-on parler d’un vrai pure player ?

Il est vrai que le groupe Louis Delhaize utilise une marque différente, mais pour le consommateur, ce n’est pas un pure player. Un vrai pure player ne fait que de la livraison à domicile. Dès que vous faites du click & collect, vous n’êtes plus un pure player. Et puis, l’avantage d’être un pure player, c’est de ne pas avoir de magasins et donc, de réduire ses coûts. Ici, le groupe Louis Delhaize possède les enseignes Cora, Match, Louis Delhaize, etc.

Comment analysez-vous le choix posé par le groupe Louis Delhaize de lancer une marque séparée se présentant comme uniquement active sur le Net ?

C’est un choix compréhensible dans le sens où Cora est bien connu mais ne possède pas beaucoup de magasins. Match dispose de nombreux points de vente mais ce sont surtout des franchisés. Il aurait été compliqué d’instaurer ce genre de système. En lançant Wink, le groupe espère prendre des parts de marché sans risquer de cannibaliser ses autres marques.

Quels sont les points faibles de Wink ?

Son plus gros point faible est le manque de notoriété. Personne ne connaît Wink aujourd’hui. Ensuite, son modèle se situe entre le store picking (la préparation en magasin, Ndlr), qui n’est pas très rentable mais qui permet une certaine flexibilité lorsque les volumes sont faibles, et le dark store centralisé, que Wink ne peut pas se permettre, étant donné sa petite taille. En fait, lancer à la fois un drive solo et une nouvelle marque est un exercice très difficile.

Pensez-vous que ce concept soit viable à terme ?

Je ne suis pas sûr que l’on en parlera encore dans quelques années. Le groupe Louis Delhaize est déjà le plus petit groupe de distribution en Belgique, et dans un marché qui se consolide, il n’est pas en pleine forme. Aujourd’hui, Wink perd de l’argent. Soit le groupe devra abandonner, soit il devra se réinventer.

Comment Wink pourrait-il évoluer ?

Je n’aurais personnellement jamais lancé ce nouveau concept sous un nouveau nom. Si on le fait, on doit le faire avec beaucoup plus de moyens. J’aurais commencé dès le début sous l’appellation Cora, bien plus connue. De plus, la marque Cora est omniprésente au sein du groupe : chez Cora évidemment, mais aussi chez Match et Wink. Cela aurait permis de donner une image moins chère. Par ailleurs, si j’étais Wink, j’utiliserais le réseau de magasins du groupe pour faire du click & collect. Il serait intéressant pour le groupe Louis Delhaize d’intégrer l’ensemble de ses activités e-commerce sur une même plateforme.

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