Snapchat inspire de plus en plus ses concurrents et les médias

Discover, l'outil intégré de Snapchat permet de découvir le contenu de certains médias sans quitter l'appli. En France, huit titres nationaux dont "Le Monde" et "L'Equipe" ont tenté l'expérience. © PG

Les principaux réseaux sociaux, Facebook en tête, imitent de plus en plus Snapchat dans l’affinage de leurs fonctionnalités. Un modèle qui inspire aussi les médias dans leur volonté de séduire un jeune public peu adepte des sites d’informations classiques.

L’écosystème des réseaux sociaux est en évolution permanente. Chaque année, l’institut Harris Interactive spécialisé dans les études marketing l’explore consciencieusement pour évaluer l’impact de ses différentes entités et de ses mécanismes sur nos réflexes d’information et nos modes de communication. De cette observation minutieuse, les experts de Harris Interactive rédigent ensuite un rapport annuel où se dégagent les grands courants des 12 mois écoulés. Baptisé Social Life, ce baromètre des réseaux sociaux vient de livrer son édition 2017 avec trois tendances majeures relevées dans cet écosystème. Gros plan sur des mutations qui sont en train de bouleverser les mentalités.

L’ère des robots

Premier constat : l’année 2016 aura été marquée par le triomphe des applications de messagerie et par l’avènement des chatbots, ces petits robots conversationnels capables de discuter avec l’être humain. Intégrés aux sites web des grandes marques mais surtout aux services de discussion instantanée comme Facebook Messenger ou WhatsApp, ces assistants virtuels dotés d’une légère intelligence artificielle peuvent répondre aux questions des internautes et leur proposer des options de services, d’achats ou de loisirs.

Attentifs à cette nouveauté de plus en plus intégrée par les entreprises dans leur service clientèle, les médias traditionnels commencent aussi à succomber à cette tendance de fond sur les réseaux sociaux. Ainsi, Le Journal du Dimanche (aussi appelé JDD), pour les élections présidentielles françaises, a lancé son premier chatbot sur Facebook. Surnommé Dédé, ce ” robot de conversation ” est censé informer les internautes sur les programmes des 11 candidats de manière ludique, originale et si possible complète. Mais à l’expérience, l’assistant virtuel montre toutefois rapidement ses limites…

Si, en Belgique, les grands éditeurs n’ont pas encore succombé à cette mode, il nous revient cependant que l’agence Chatbot Plus à Bruxelles travaille actuellement avec plusieurs groupes médias comme Rossel, IPM et RTL Belgique pour le développement imminent de ce type de robots sur leurs plateformes d’information.

Snapchat, le modèle

Autre tendance de fond épinglée par les experts de Harris Interactive en 2016, ” la snapchatisation des plateformes sociales ” (sic) ne cesse de gagner du terrain. Concrètement, les fonctionnalités de Snapchat – la célèbre application de partage de photos et de vidéos éphémères dont le logo est un petit fantôme – sont de plus en plus copiées par d’autres réseaux sociaux. Le champion de l’inspiration toutes catégories n’est autre que Facebook qui ” snapchatise ” un peu plus chaque jour son service de messagerie instantanée Messenger, mais aussi les applications Instagram et WhatsApp qui font partie de son empire.

Le marché belge, trop petit et trop compliqué, n’attire pas encore le réseau au petit fantôme. Chez nous, la révolution de la ” snapchatisation ” des médias est loin d’être en marche…

Dernier exemple en date : le mois dernier, Facebook a ” innové ” en lançant sa fonctionnalité Messenger Day qui ressemble comme deux gouttes d’eau virtuelle au concept des Stories sur Snapchat, à savoir un collage de photos et de vidéos qui résume la journée d’un utilisateur – avec des autocollants en prime – et qui disparaît de la plateforme après 24 heures. Esthétique et pratique, ce pillage est aussi économique : il faut, en effet, rappeler que Snapchat a toujours snobé les offres de rachat lancées par Facebook – dont une à 3 milliards de dollars en 2013 ! – et que, depuis, l’entreprise de Mark Zuckerberg ne cesse de développer une offre concurrentielle pour affaiblir cet outsider qui lui fait de l’ombre.

Palpable au niveau des fonctionnalités adoptées par la concurrence, le phénomène de ” snapchatisation ” se traduit aussi par la volonté des médias traditionnels de passer de plus en plus par cette plateforme pour assurer leur mission d’information. Le troisième grand courant observé par l’institut Harris Interactive en 2016 s’attarde, en effet, sur l’importance croissante que prennent les réseaux sociaux dans les habitudes de consommation de l’information, surtout auprès des jeunes mobinautes. La génération Z – qui suit la génération Y née dans les années 1980 et 1990 – cite aujourd’hui les réseaux sociaux comme principale source d’accès à l’actualité, ce qui rend de plus en plus perplexes les grands groupes de presse.

Se fondre dans l’écosystème

” La question que les médias traditionnels doivent se poser aujourd’hui est la suivante : quel est l’avenir des sites internet à l’heure des réseaux sociaux ?, ose Cédric Cauderlier, cofondateur de l’agence de stratégie digitale belge Mountain View. Aujourd’hui, les plateformes comme Facebook ou Snapchat font tout pour garder l’utilisateur au sein de leur écosystème, poursuit ce digital strategist. Elles incitent non seulement les marques à y implanter leurs chatbots pour y proposer leurs services ou vendre directement leurs produits, mais ces réseaux sociaux développent en plus des synergies avec certains grands médias à l’instar de Facebook et Snapchat qui ont mis au point des outils intégrés, à savoir respectivement Instant Articles et Discover, pour que les contenus de ces médias soient directement consommés chez eux. D’ailleurs, certains pure players d’information comme Minute Buzz ou le récent Brut (‘100 % vidéo, 100 % digital’) ont abandonné purement et simplement l’idée d’un site internet pour privilégier une présence exclusive sur ces plateformes sociales. ”

Dans un monde digital où les fake news prospèrent allègrement et où le jeune public ignore les sites internet des journaux et des magazines de référence, les entreprises médias ont donc intérêt à occuper le terrain des réseaux sociaux et à tirer parti de ces nouvelles autoroutes de la consommation de masse. Par ” snapchatisation “, les observateurs de Harris Interactive induisent donc aussi que les médias traditionnels passent de plus en plus par ce canal d’information pour faire entendre leur voix et pour séduire la jeune génération en continuant de garantir un contenu de qualité. Ainsi, en France, l’expérience de Discover proposée par Snapchat en septembre dernier à huit médias nationaux (dont Le Monde, Paris Match et L’Equipe) a permis à ces titres de presse d’expérimenter un nouveau support en créant des contenus spécifiques pour cette plateforme et, en particulier, des vidéos, un véhicule d’infos de plus en plus prisé par les jeunes.

Séduit par cette expérience ” extrêmement positive ” (sic), le quotidien Le Monde a d’ailleurs annoncé, il y a une dizaine de jours, sa volonté de poursuivre l’aventure ” snapchatisée ” jusqu’en mars 2018 avec une équipe spécifiquement dédiée à la création de ce type de contenus plus accessibles aux jeunes. Des contenus qui, cerise sur le gâteau, sont monétisables puisque les publications du Monde sur Discover comportent de la publicité dont les revenus sont partagés avec Snapchat.

Et en Belgique ? Le marché, visiblement, est trop petit et trop compliqué avec ses trois communautés. Aux dernières nouvelles, le réseau au petit fantôme n’a d’ailleurs pas encore proposé son outil dédié à l’information aux différents groupes médias du pays. Bref, chez nous, la révolution de la ” snapchatisation ” des médias est loin d’être en marche…

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