Les Savonneries bruxelloises, le savon du roi

© RAPHAËL DEMARET

La nonantaine passée, les Savonneries bruxelloises produisent toujours dans le quartier industriel du nord de la capitale où tout a commencé. Sauf qu’en 90 ans, l’entreprise a pris du galon : elle est passée au “zéro déchet” et est devenue fournisseur de la Cour en 2016.

1. Une société familiale

Fondées en 1926 par Henri Nanson, les Savonneries bruxelloises seront tenues par sa famille durant trois générations. En 1993, Vincent Laurencin rachète l’entreprise. Il est rejoint sept ans plus tard par François Van de Velde. Le côté fidèle et familial de l’entreprise reste néanmoins d’actualité : les 10 ouvriers employés sont de vieux baroudeurs qui cumulent les années d’expérience – jusqu’à 41 ans pour le plus expérimenté – et le responsable de la fabrication travaille avec ses deux fils.

2. La recette

Les Savonneries bruxelloises, le savon du roi
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La matière première du savon – réalisée avec de l’huile et de la soude caustique – provient d’Asie, d’Angleterre et de Belgique. “Elle est brassée dans un mélangeur avec le parfum et les éventuels ingrédients supplémentaires suivant le type de savon”, glisse Bastien Hachez, porte-parole et responsable de la distribution pour l’entreprise. Chaque savon possède sa fiche technique, sur laquelle la recette est scrupuleusement inscrite afin de produire à l’identique d’une fois à l’autre. La fabrication se fait dans des gros bacs, avec 100 kilos de matière à la fois. A ce stade, la substance ressemble à du riz sauté.

3. Du bonbon à la pâte fragile

Les Savonneries bruxelloises, le savon du roi
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La deuxième étape de fabrication se déroule dans le broyeur. Le produit, qui ressemble alors à un amas de bonbons (surtout quand il est de couleur fraise), est concassé par trois rouleaux. L’objectif est d’améliorer la dispersion des ingrédients et l’homogénéité du savon. Celui-ci est ensuite râpé et tombe dans deux grands bacs sous la forme de longues et larges pâtes qui s’effritent au toucher. A ce moment-là, le savon dégage déjà une odeur proche de celle attendue en fin de parcours.

4. L’affinage “plasticine”

Les Savonneries bruxelloises, le savon du roi
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Placé dans une cuve en forme de pyramide tronquée inversée, le savon sort de l’affineur par des dizaines de petits trous. Il ressemble alors à de la plasticine. Il est directement coupé en fines lamelles, beaucoup plus solides. La préparation touche alors à sa fin. Il ne reste plus qu’à envoyer le savon dans la “boudineuse”. Cette machine “va sortir le savon en parallélépipèdes rectangles un peu chauds et mous”, précise Bastien Hachez.

5. 300 moules différents

Les Savonneries bruxelloises, le savon du roi
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L’ultime étape de la fabrication du savon est l’estampage. Pour apposer le logo, l’entreprise utilise des moules refroidis à -35°C qui attaquent la matière pour qu’elle en ressorte définitivement solidifiée et prête à l’emploi. “Nous possédons environ 300 moules différents, confie Bastien Hachez. Les clients peuvent également demander une personnalisation partielle ou complète, que l’on fait dans nos ateliers via une machine qui travaille le laiton.” En Europe, le format de savon le plus demandé est l’ovale de 100-110 grammes. Aux Etats-Unis, c’est la grosse brique de 300 grammes qui fonctionne beaucoup : “Ils aiment bien tout ce qui est gros.” Et parmi les logos qui séduisent le plus, on retrouve les anges, les dauphins, les moutons et… Manneken-Pis.

6. Zéro déchet

Les Savonneries bruxelloises, le savon du roi
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“On est une entreprise zéro déchet, zéro pollution”, précise Bastien Hachez. Tout au long du parcours de fabrication du savon, le moindre gramme de matière première qui tomberait des bacs est récupéré et réutilisé. Les Savonneries bruxelloises font également attention aux produits utilisés dans leur production. Avant, la matière première était constituée de graisses animales. “Mais depuis les affaires comme celle de la vache folle, ce n’est plus d’usage, même si ce n’est toujours pas interdit. Quoi qu’il en soit, nous utilisons des graisses végétales… ainsi que d’autres éléments bio ou translucides suivant les désirs du client.”

7. Mon amie la rose

Parmi les 80 parfums différents proposés par la société, les classiques trustent le top des ventes : la rose reste incontournable, tout comme la lavande ou le muguet. “Un de nos best-sellers est le citron vert-gingembre, nuance néanmoins Bastien Hachez. Et si un acheteur veut un parfum bien précis, on peut facilement faire des mélanges ou des créations.” Actuellement, les clients se comptent par centaines et proviennent à 85 % de l’étranger (Iran, Etats-Unis, Grèce, Japon, Chine, etc.). “Ils sont tellement réguliers que l’on ne fait de la prospection qu’une fois par an, au salon de l’industrie de la beauté de Bologne (Cosmoprof, Ndlr).”

Au service de sa majesté

Savonneries Bruxelloises.
Savonneries Bruxelloises.© RAPHAËL DEMARET

En 2010, les Savonneries bruxelloises ont décidé de commercialiser leur propre gamme de savon. “Avant, on ne faisait que du savon à façon pour d’autres marques”, explique Bastien Hachez. Satisfaite de la qualité de son produit, l’entreprise en a envoyé un paquet au Palais royal tout en demandant s’il était alors possible d’envisager une collaboration par la suite. “A l’époque, c’étaient des Anglais qui livraient au Palais, se souvient le porte-parole. On voulait donc pouvoir offrir un produit national au Roi des Belges.” Convaincu par le produit, le Palais a initié la période de test. “Pour obtenir le titre de Fournisseur breveté de la Cour de Belgique, il faut en effet aligner cinq années de commerce avec le Palais. En 2016, quand on est arrivé au bout de cette phase, on a envoyé le dossier pour obtenir ce titre.” Pour l’entreprise, ce fut la meilleure manière de célébrer les 90 ans de son existence. Et de tourner – définitivement ? – le dos au commerce de ses premières années. “Pendant une longue période, nos savons ont ainsi été majoritairement destinés à des entreprises telles que la SNCB ou l’armée. Tout homme passé par le service militaire doit donc s’en souvenir. Le changement s’est amorcé dans les années 1980, quand nous avons commencé à collaborer avec des sociétés cosmétiques et pharmaceutiques et les grandes surfaces, qui sont actuellement nos principales clientes.”

Pour revenir à la gamme de savons royaux, il faut savoir qu’ils sont 100 % belges, de la production à la distribution en passant par la création et l’impression du packaging. “Il y a 20 produits qui sont, selon nous, le top du top des Savonneries bruxelloises. Les qualités ? Tout d’abord une densité accrue, qui permet d’éviter au savon qu’il ne s’effrite ou ne se morcele. Puis, alors que les savons d’entrée de gamme ne sentent souvent plus après quelques utilisations, ce n’est pas le cas ici. Nos produits sont également enrichis en huile d’amande douce et en beurre de karité, ce qui en fait un savon doux et nourrissant pour la peau.” L’obtention du prestigieux titre a fourni aux Savonneries bruxelloises de nombreux avantages. Le label peut être utilisé comme argument de vente. “Au niveau externe, l’impact s’est remarqué dans l’augmentation des ventes et du nombre de clients, précise Bastien Hachez. Quant aux conséquences internes, elles se sont illustrées à travers l’accroissement de la motivation des ouvriers, fiers de travailler pour cet établissement.”

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