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Alors, la banque, est-ce que ça “paie encore” ?

Un confrère du Standaard s’interrogeait dernièrement: le banquier ressemblerait-il à un fermier ? A un fermier de Fernand Raynaud, faussement attristé, mâchouillant un mégot et regardant le ciel d’un air méfiant, geignant – “J’suis qu’un pov’ paysan” – et répétant: “Le blé ? Le colza ? Ça eût payé. Mais ça paie plus”. Qu’en est-il vraiment ?

A première vue, oui. En 2016, Belfius a engrangé un résultat avant impôts de 780 millions d’euros (une hausse de 14 % par rapport à 2015), BNP Paribas Fortis 987 millions (montant à peu de chose près identique à l’année précédente), ING Belux 1,215 milliard (+10%) et KBC 2,43 milliards (-8 %, mais 2015 avait été marquée par un résultat exceptionnel).

Le métier qui consiste à récolter des financements pour prêter aux ménages et aux entreprises dégage encore, malgré les taux bas, de jolis bénéfices. D’après la Banque centrale européenne, les marges sur les crédits immobiliers aux particuliers atteignent 2 % en Belgique, ce qui correspond à leur niveau de 2004-2005. Et sur les crédits aux entreprises, elles oscillent entre 1,4 et 1,6 %, ce qui est bien davantage qu’avant la crise de 2007 où elles évoluaient aux alentours de 1,1 %.

La banque en Belgique sera peut-être un peu moins rentable ces deux ou trois prochaines années. Mais rassurez-vous. Elle continuera à payer.

Mais on comprend l’inquiétude de certains. La banque pourrait payer moins ces prochaines années et les beaux résultats d’aujourd’hui cacheraient les difficultés de demain. Les banques ont bénéficié d’un certain effet d’inertie. Lorsque les taux baissent, les banques se financent immédiatement moins cher, mais elles peuvent un temps réduire ou retarder l’effet de la baisse des taux sur leurs revenus. Elles ont encore en portefeuille des obligations assorties de ” vieux taux “. Et lorsque des particuliers veulent refinancer leurs crédits hypothécaires, ils doivent payer des frais de dossier et des indemnités de remploi.

Mais avec le temps et la poursuite de la baisse des taux, ces avantages disparaissent : les vieilles obligations arrivent à échéance, et les nouveaux crédits rapportent sensiblement moins que les anciens.

Ce n’est pas le seul problème. Il y a la loi belge qui impose aux banques de payer au moins 0,11 % d’intérêt sur les livrets d’épargne, alors que sur les marchés les taux à court terme sont très largement négatifs. Il y a aussi, lorsque les taux remonteront, la probable multiplication des défaillances des emprunteurs. Car quand les taux sont bas, les emprunteurs les plus fragiles peuvent nouer les deux bouts, mais lorsque les taux remontent, les banques sont obligées de revoir à la hausse leurs provisions pour risque crédit. Or les taux remonteront un jour ou l’autre.

Ajoutez à cela le niveau objectivement élevé – 1,4 milliard par an – des taxes bancaires (on ne parle pas ici de l’impôt sur le bénéfice, mais des taxes, telle que celle sur la garantie des dépôts). Tenez également compte de gendarmes bancaires toujours plus sévères, de la nécessité de renforcer les fonds propres, et d’un marché en très profonde mutation, obligeant à transformer les modèles d’affaires, à investir lourdement dans de nouvelles applications pour développer le mobile banking tout en réduisant drastiquement le nombre d’agences. Et vous comprendrez la nervosité.

Mais de là à condamner définitivement le secteur, il y a un grand pas. Il faudra toujours des acteurs pour aider à financer l’économie et pour gérer l’abondante épargne des Belges. Et si la digitalisation secoue ce vieux métier, il n’est pas le seul à devoir s’adapter : de la distribution à l’automobile, de très nombreuses activités sont ou seront confrontées aux défis de la société numérique. La banque en Belgique sera peut-être un peu moins rentable ces deux ou trois prochaines années. Elle sera sans doute moins pourvoyeuse d’emplois. Mais rassurez-vous. Elle continuera à payer.

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