L’expert : bernard keppenne, ” chief economist ” chez cbc banque

© HOUET

” Je pense que la tendance au protectionnisme et à la déglobalisation, que nous percevons depuis quelques années, va s’accentuer. Ce phénomène n’a rien de spécifique aux Etats-Unis pour des raisons à la fois sociologiques et économiques. Nos sociétés vont entrer de plus en plus dans une logique de partage, y compris de partage d’habitations ou de voitures, d’économie collaborative et d’économie circulaire. Tout cela ne peut se concevoir que dans une zone géographique restreinte. De même, nous serons de plus en plus attentifs à la traçabilité des produits, et pas seulement pour les produits alimentaires. Cela nous poussera aussi à privilégier la proximité.

J’en viens aux raisons économiques : le coût des produits devra intégrer leurs impacts écologiques, énergétiques et sociaux (je songe à la pénibilité ou au travail des enfants, par exemple). Cela va conduire à partager le travail, à relocaliser des activités près des lieux de consommation. Envoyer des yaourts au Maroc pour qu’on y ajoute des fruits et puis les ramener ici pour les vendre, ce ne sera plus économiquement pertinent. La digitalisation, l’intelligence artificielle et les imprimantes 3D faciliteront ce mouvement. On va produire du sur-mesure pour le consommateur. Ce qui, au passage, réduira le phénomène de surconsommation, dont les impacts négatifs, en particulier sur l’environnement, seront perçus avec plus d’attention par les citoyens. Nous serons vraiment dans une logique de développement durable.

J’ai une vision plutôt optimiste de notre avenir économique. Les évolutions technologiques ne vont pas détruire l’emploi mais recomposer les métiers et parfois les relocaliser. Les tâches répétitives seront automatisées, les transports se feront sans conducteur ou presque. Mais la digitalisation permettra de mieux répondre aux besoins de soins, de loisirs ou d’aides spécifiques d’une population vieillissante. Le défi, c’est de bien anticiper la mutation et de songer, dès aujourd’hui, à la mise en place des formations et des filières pour ces emplois. Nous avons une bonne dizaine d’années devant nous pour réussir ce défi.

Les révolutions industrielles ont eu globalement des apports positifs pour nos sociétés. Une des différences fondamentales aujourd’hui, c’est cette prise de conscience que les disponibilités offertes par la planète ne sont pas infinies. Réussir à gérer intelligemment cette situation, ce serait une fort belle façon de rebondir. “

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content