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Forum de Davos: “S’il te plaît, redessine-moi la mondialisation”

La petite station suisse de Davos connaît cette année encore le plus grand rassemblement de jets privés au monde. Les 2.500 membres du Gotha se sont donné rendez-vous au World Economic Forum, sommet planétaire de l’économie et de la finance. Le forum, qui a débuté ce mardi, essuie de nombreuses critiques mais on ne peut lui dénier au moins un intérêt : il donne la température socio-économique du monde.

En 2016, on y parlait de la ” maîtrise de la quatrième révolution industrielle “. Les préoccupations étaient encore purement économiques et on se demandait comment gérer ces intelligences artificielles qui allaient constituer le quotidien de demain. En 2017, devant la vague populiste, la discussion a pris un tour politique. On s’est interrogé sur la manière de mettre en place une ” gouvernance à l’écoute et responsable ” (Responsive and Responsible Leadership). En 2018, on n’avait visiblement pas résolu le problème et on se demandait quel futur pouvait nous offrir ce monde fragmenté (Creating a Shared Future in a Fractured World).

Cette année, le thème s’intitule sobrement Globalization 4.0. La fragmentation s’étant généralisée, la question est en effet désormais de savoir quelles sont encore les possibilités qui s’offrent à la mondialisation. Comment peut-on recoller les morceaux ? Est-il encore possible de penser en commun ? Et comme pour souligner la difficulté de la tâche, ni le président américain Donald Trump, ni le président français Emmanuel Macron, ni la Première ministre britannique Theresa May, ni le président chinois Xi Jinping n’ont fait le déplacement en Suisse.

Pour aider au débat, les organisateurs ont pris l’habitude de publier, quelques jours avant le forum, les résultats d’une enquête réalisée auprès d’un millier de chercheurs, d’experts, de chefs d’entreprise. Le document qui en résulte ressemble à un musée des horreurs : on demande aux sondés de classer par ordre de priorité les risques qui pourraient menacer le monde dans les 12 mois à venir. Il y a une dizaine d’années, les principales menaces étaient géopolitiques : on craignait les actes terroristes, l’embrasement du Moyen-Orient et les effets de l’effondrement des marchés financiers. L’an dernier, les sondés exprimaient surtout des craintes sur la survenance d’événements climatiques extrêmes, de désastres naturels et de cyberattaques. Les défis environnementaux avaient pris le dessus.

Si l’on veut éviter à l’histoire de bégayer affreusement, il nous faut prendre un crayon et du papier et redessiner le futur visage de la mondialisation.

Cette année, on a franchi un pas de plus : le plus grand risque est désormais l’incapacité des dirigeants de la planète à s’entendre pour juguler une menace extrême, quelle que soit d’ailleurs sa nature : financière, politique ou climatique. L’enquête montre que 90% des sondés s’attendent à une détérioration des relations internationales et, parallèlement, une majorité a désormais davantage confiance dans l’entreprise que dans la classe politique. Du coup, certains prédisent, parfois avec délectation, la fin de la mondialisation. Ils ne devraient pourtant pas trop se réjouir.

Ludwig von Mises, économiste autrichien, avait expliqué de manière lumineuse en quoi le protectionnisme était une idéologie menant à la guerre. ” Le nationalisme économique est la cause à la racine de tous les conflits internationaux qui ont débouché sur deux guerres mondiales, conduisant les nations dynamiques à l’agression et dissuadant les nations pacifiques de mettre en place des barrières contre une nouvelle agression allemande “, avait-il écrit. Il savait de quoi il parlait, lui qui s’était réfugié à New York en 1940 devant l’avancée des nazis. ” Aussi longtemps que les peuples croient qu’ils ne peuvent prospérer qu’aux dépens d’autres nations, la paix ne sera jamais qu’une période de préparation à la guerre suivante “, ajoutait l’économiste autrichien.

Que nous soyons à Davos ou ailleurs, nous n’avons pas d’autre choix. Si l’on veut éviter à l’histoire de bégayer affreusement, il nous faut prendre un crayon et du papier et redessiner le futur visage de la mondialisation.

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