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Y a-t-il encore un adulte dans la pièce ?

Le début d’année est généralement l’occasion de faire la liste de ce qui pourrait mal tourner au cours des 12 prochains mois, histoire de conjurer le sort en nommant, pour les exorciser, tous ces dangers qui gigotent dans leur boîte.

Et en cette année nouvelle, les diables qui essaient de pousser le couvercle ne manquent pas. Il y a la menace de l’essoufflement de la machine économique américaine, machine qui reste le moteur principal des marchés. Outre-Atlantique, la main-d’oeuvre devient rare, les entreprises retrouvent des niveaux d’endettement record comme lors des années terribles de 2000 et 2007, les analystes revoient – ce qu’ils n’avaient plus fait depuis des années – leurs prévisions de bénéfices à la baisse. Les mesures fiscales de Donald Trump, qui avaient incité les entreprises à rapatrier aux Etats-Unis leurs trésors de guerre logés dans des paradis étrangers, sont en train de perdre de leurs effets.

Des signes négatifs sont également visibles sur les marchés : les taux directeurs américains remontent ; les actions – surtout américaines – atteignent en termes de cherté la cote d’alerte ; les banques centrales américaine et européenne arrêtent leurs achats d’actifs ; les turbulences n’épargnent pas les pays émergents, etc.

On dira qu’il est dans la nature des cycles de tourner. Il est normal que les Etats-Unis voient s’éloigner une des plus longues périodes de croissance de leur histoire. Cela, en soi, ne devrait pas précipiter le monde dans une nouvelle crise existentielle comme en 2008.

En cette année nouvelle, les diables qui essaient de pousser le couvercle ne manquent pas.

D’ailleurs, le système financier mondial est bien plus solide qu’il y a 10 ans : dans la quasi-totalité des pays, les banques ont constitué d’épais matelas de fonds propres qui devraient leur permettre de résister plus efficacement à un choc majeur.

Il y a cependant deux éléments qui ont été cruciaux en 2008 pour sauver le monde du chaos et qui semblent avoir disparu aujourd’hui. Le premier est la puissance des banques centrales. La Réserve fédérale américaine comme la Banque centrale européenne étaient fortes il y a 10 ans. Lors de la crise de 2008, observe le professeur d’économie de l’université de Berkeley Barry Eichengreen, ” les banques centrales ont souvent donné l’impression d’être les seuls adultes dans la pièce “. On leur a demandé de faire des choses qui outrepassaient clairement leurs compétences comme s’occuper des inégalités, sauver la zone euro ou assurer la stabilité financière mondiale.

Certes, la BCE avait été beaucoup moins proactive que sa consoeur américaine pour éteindre l’incendie. Elle avait attendu cinq ans avant d’injecter, comme l’avait fait la Fed dès 2008, des liquidités via une opération de rachats d’actifs, et elle avait fait dérailler la timide reprise européenne en relevant prématurément ses taux en 2011.

Mais aujourd’hui, les banquiers centraux ne disposent pratiquement plus de munitions s’ils devaient contrer une nouvelle crise. Les taux américains sont encore très bas, et les taux européens nuls. Et la Fed, fragilisée par les attaques de la Maison Blanche à son encontre, commence seulement à éponger les océans de liquidités dont elle a inondé le marché pour éteindre l’incendie alors que la BCE vient seulement d’arrêter son robinet.

L’autre élément qui a permis de limiter les dégâts en 2008 a été la rapidité de la réaction politique. ” La réponse (des dirigeants politiques) a été tout simplement admirable quand on la compare à celle des années 1930 “, salue Barry Eichengreen. Dans les années 1930, les réactions protectionnistes avaient en effet fait des ravages. S’en souvient-on encore aujourd’hui ? Comment réagiraient les gouvernants actuels à une nouvelle crise majeure, à commencer par Donald Trump ? S’il fallait prendre rapidement des décisions radicales en cas de choc cette année, y aurait-il encore un adulte dans la pièce ? Tout ce que l’on peut souhaiter, pour cette année 2019, est que ce soit le cas.

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