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“2019, année de rupture”

En 2018, nous avons assisté, tout au long de l’année, à un ralentissement conjoncturel dans la zone euro. Par ailleurs, les derniers indicateurs économiques montrent que le ralentissement tend à s’accentuer en fin d’année. L’année 2019 risque donc d’être compliquée sur le plan économique et je crains que les prévisions actuelles de croissance des principales institutions nationales ou internationales, qui ont pourtant été toutes récemment révisées à la baisse, soient encore trop optimistes.

A cela s’ajoutent d’importants éléments de rupture, tant sur le plan national qu’international. D’abord, la saga du Brexit n’en finit pas de souffler le chaud et le froid sur les perspectives économiques et les marchés, alors qu’un Brexit dur ne peut franchement pas être exclu, tout comme un revirement de dernière minute d’ailleurs. De plus, le revirement budgétaire de la France modifie profondément les équilibres à l’échelle européenne en matière d’assainissement des finances publiques. Alors que la conjoncture ralentit, les réponses proposées par les gouvernements deviennent de plus en plus divergentes. Or, la zone euro ne peut survivre à de telles divergences. Et si elles persistaient malgré tout ? Enfin, en Belgique, la chute du gouvernement plonge le pays dans un épais brouillard politique. Il reste difficile de voir quel en sera le résultat ? Mais trois choses apparaissent de plus en plus claires : primo, on aura, à la sortie des prochaines élections, une polarisation de l’électorat en défaveur de partis traditionnels (ce n’est pas difficile de le prévoir, puisque c’est ce qui se passe partout en zone euro). Secundo, en raison d’une polarisation différente au nord et au sud du pays (à l’exception d’une commune vague verte), il sera extrêmement difficile de former une nouvelle majorité. Tertio, la solution aux deux premiers points passera très probablement par une nouvelle réforme de l’Etat et par une rupture profonde de la politique économique.

Lorsque le plus grand nombre est demandeur d’un nouveau contrat social, le jeu politique se complique.

Il est bien ici question d’une véritable rupture, et non d’une évolution. A cet égard, les dernières années sont à ranger dans la catégorie de l’évolution : on fait évoluer la fiscalité, le système des pensions, la politique énergétique ou je ne sais quoi. Mais on reste dans le même cadre, on ne fait finalement que bouger certains curseurs, certes un peu plus que par le passé et dans une autre direction, mais finalement, ce sont les mêmes curseurs.

Une telle politique est compréhensible :une politique économique essaie d’abord, comme je l’évoquais dans ma précédente chronique, de faire évoluer les choses en maintenant une certaine cohésion, impliquant l’adhésion du plus grand nombre au respect des lois, des règles et des conventions en vigueur. Par défaut, la politique économique cherche donc, tout en imposant ses vues, à ménager les sensibilités de ceux qui ne les partagent pas afin qu’au moins, ils acceptent de poursuivre le contrat social qui nous lie tous. Mais lorsque le plus grand nombre est lui-même demandeur d’un nouveau contrat social, le jeu politique se complique.

Or, nous vivons précisément une période caractérisée par le fait que la majorité de l’électorat est prête à accepter des changements plus radicaux en échange d’une vie qu’elle espère meilleure. Dans un tel cas, les intérêts particuliers de certains groupes, qu’il était justifié jusqu’à présent de continuer à défendre ou au moins à ménager, ne font plus le poids face au tsunami que représente la volonté de rupture. Dans cette optique, une stratégie consistant à défendre simplement les habitudes de sa base électorale, sans comprendre que le monde a déjà changé et que la volonté de rupture pèse bien plus lourd que la défense des intérêts de son électorat traditionnel, serait inévitablement une stratégie perdante. Il n’y a donc pas d’alternative à engager la rupture.

L’année 2019 risque donc d’être une année importante où, à l’échelle de la Belgique, des blocages du passé tomberont. On peut ici penser à des matières telles que l’énergie, la mobilité ou encore la politique climatique. Encore faut-il que la rupture se passe ” proprement “, ce qui reste un défi énorme, car il faut maintenir la cohésion sociale et obtenir l’adhésion du plus grand nombre au ” nouveau ” projet. Or, il y a une différence entre la volonté de changement, que beaucoup expriment aujourd’hui, et l’acceptation de celui-ci lorsque chacun se rendra compte que la rupture tant souhaitée implique aussi des concessions, en ce compris de ceux qui pensent aujourd’hui ne rien avoir à perdre. Mais l’ampleur du défi ne doit pas faire reculer les partis traditionnels car laisser ce défi majeur à des partis populistes comme c’est le cas en Italie ne mènera à rien.

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