Frédéric Vrins (Louvain School of Management): “L’essentiel des produits dérivés n’est pas spéculatif”

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Les produits dérivés ont été pointés comme une des causes principales de la crise de 2008. Ils ont depuis fait l’objet d’une réglementation qui vise à limiter leur activité. Mais les bannir serait une erreur, affirme Frédéric Vrins.

Les derniers chiffres montrent que la valeur des produits dérivés (les contrats à terme, les options sur les actions, sur les obligations, les devises, les matières premières, etc.) est d’environ 13.000 milliards de dollars. Et les montants qui servent de référence à ces contrats représentent 530.000 milliards de dollars. Par rapport à l’activité économique réelle, de tels chiffres peuvent-ils se justifier autrement que par la spéculation ?

Ce n’est pas contradictoire. On ne peut pas dire que l’essentiel des produits dérivés est spéculatif. La façon dont sont comptabilisées ces transactions ne prend pas toujours en compte les opérations qui vont dans le sens opposé. On a l’impression d’avoir affaire à des transactions énormes alors que certaines de celles-ci viennent simplement en annuler des précédentes. En outre, évaluer le marché des produits dérivés en fonction des montants notionnels ne veut pas dire grand-chose. Et si les produits dérivés sont aussi spéculatifs qu’on le dit, comment se fait-il que ceux sur lesquels on comptabilise le plus de positions sont justement les produits les plus directement liés à l’économie réelle : les dérivés sur les taux d’intérêt ( qui permettent aux entreprises de se couvrir contre une évolution défavorable des taux d’intérêt, Ndlr) et les dérivés sur les devises ( qui permettent de se couvrir contre une évolution défavorable des taux de change, Ndlr) ? Enfin, parfois, les entreprises ont tendance à trop se couvrir, car elles ne disposent pas toujours d’une bonne visibilité sur les montants à protéger dans le futur.

Quelle est l’évolution de l’activité en produits dérivés ces dernières années ?

Nous constatons une légère contraction ( la valeur de marché des dérivés atteignait 35.000 milliards de dollars en juin 2008, 20.000 milliards en juin 2013 et 13.000 milliards en juin 2017, Ndlr). Les banques ont tendance à réduire leurs positions car celles-ci sont davantage pénalisées en termes de capital réglementaire.

Cette réglementation, qui oblige les banques à mobiliser davantage de capital, est une bonne chose ?

Pas nécessairement. Un des effets de la réglementation est que les risques sont transférés à d’autres acteurs qui ont peut-être moins de solidité pour les gérer. Si l’on incite les banques à réduire leur position sur les risque de taux, cela peut aboutir à réduire l’offre de crédits hypothécaires à taux fixe pour les ménages, car quand une banque accorde un crédit à taux fixe, elle se couvre en échangeant ce taux fixe contre un taux variable. Si la réglementation incite les banques à proposer moins de crédits à taux fixe, le risque de taux devra être davantage assumé par les emprunteurs eux-mêmes.

Frédéric Vrins a réalisé pour le numéro de novembre de “Regards économiques”, la revue économique de l’UCL, une étude téléchargeable ici : https://www.regards-economiques.be

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